Frank Lloyd Wright
Architecte américain (Richland Center, Wisconsin, 1867-Taliesin West, près de Phoenix, Arizona, 1959).
Auteur d'environ 800 projets, dont la moitié furent réalisés au cours d'une carrière qui s'étendit sur plus de soixante-dix ans, Frank Lloyd Wright forgea le concept, devenu célèbre, d'architecture organique. « Les bâtiments, aussi, sont des enfants de la terre et du soleil » disait celui dont toute l'œuvre tend à façonner un style proprement américain.
Les débuts à Chicago
Né dans une famille de pasteurs, dont le père est d'origine anglaise et la mère, d'origine galloise, Frank Lloyd Wright passe toute sa jeunesse dans le Wisconsin, découvrant l'amour de la nature chez un oncle qui est fermier à Spring Green. Après de brèves études d'ingénieur à l'université de Madison, il s'établit à Chicago en 1887. Engagé dans le cabinet d'architecture de Louis Henry Sullivan, l'un des maîtres de l'école de Chicago, il en sera le bras droit pendant six ans.
Wright travaille sur des projets de maisons individuelles qui le mettent sur la voie de l'architecture dite « organique », laquelle établit un rapport dialectique entre la forme et la fonction en prenant modèle sur la nature. Sa première œuvre personnelle est la maison Charnley (1892), qui se présente comme un cube de brique, percé de trous rectangulaires et comportant en son centre un élégant balcon couvert à colonnade dorique. Le jeune architecte prend le contre-pied de l'éclectisme dominant à son époque et avoue sa dette à l'esthétique néoclassique. À Chicago aussi, il participe au chantier de l'Auditorium Building, dont il dessine la plupart des ornements.
Les innovations de la maturité
Marié en 1889, Wright ouvre en 1893 son propre cabinet dans la demeure familiale d'Oak Park, située en banlieue. Sa personnalité se dégage non seulement à travers cette construction, prototype de ses célèbres « maisons dans la prairie », mais aussi à travers des œuvres clés comme le moulin à vent de ses tantes à Spring Green (1895) ou le club de golf de River Forest (1898) : l'enveloppe murale éclate et les plans horizontaux s'allongent ; les toitures en pente douce se croisent et s'accrochent à un mât de maçonnerie vertical – la cheminée. L'originalité architecturale des solutions qu'invente Wright tient au nouveau rapport qu'il introduit entre l'intérieur et l'extérieur, en développant les espaces de transition et en tirant parti de l'environnement. À l'époque de l'Art nouveau, si préoccupé de transformations esthétiques, son œuvre est beaucoup plus en avance que celle de ses contemporains (Otto Wagner, Victor Horta) : nulle trace, en elle, d'académisme ; elle est la libre expression d'une personnalité qui s'est élaborée en osmose avec le monde alors vraiment neuf des États-Unis.
À la même époque, Wright réalise deux des bâtiments qui contribuent à sa gloire : le Larkin Office Building de Buffalo (1904, détruit en 1950) et l'église d'Oak Park (1906), dédiée aux unitariens (protestants qui nient le dogme de la Trinité). Tous les deux sont des espaces clos, animés par le jeu de sources d'éclairage naturel.
Le repli et la consécration
Avide d'échanges avec les avant-gardes d'Europe – en particulier le Bauhaus de Walter Gropius et de Mies van der Rohe –, Wright y séjourne de 1909 à 1911, exposant lui-même ses projets à Berlin (1910). À son retour aux États-Unis, il se fixe dans son Wisconsin natal. Sur un terrain offert par sa mère, il fonde la communauté unitarienne de Spring Green, au sein de laquelle il se construit une nouvelle maison, influencée par la tradition de l'habitat japonais qui le fascine : ce sera Taliesin (« Front resplendissant » en gallois), endeuillé en 1914 par un drame qui ternira la réputation de l'architecte – un incendie criminel coûte la vie à sept personnes, dont font partie la femme qui est sa seconde épouse et ses enfants.
Après un séjour au Japon, pour ériger l'hôtel Impérial de Tokyo (1916-1922), aux fondations antisismiques éprouvées, Wright connaît dans son pays une éclipse, seulement rompue par la maison Ennis de Los Angeles (1922-1924) et par la maison Millard de Pasadena (1923), dont la structure en béton préfabriqué offre une étonnante impression de continuité avec de luxuriants jardins. Jusqu'en 1936, il se consacre essentiellement à la pédagogie : il entretient une importante correspondance avec les architectes d'Europe les plus en vue, publie des écrits théoriques et prononce des conférences dans les universités de Princeton et de Chicago.
1936 est l'année de deux coups d'éclat. Le premier est la maison Kaufmann, dite « Maison sur la cascade », à Bear Run (Pennsylvanie), archétype de l'architecture organique : s'élevant au-dessus d'une cascade et de rochers, un plateau en béton armé supporte trois niveaux de terrasses et de vérandas qui se superposent et se croisent. Le second est le siège des Laboratoires Johnson à Racine (Wisconsin) : l'immeuble est seulement éclairé par la lumière naturelle, qui entre à son sommet et se diffuse à travers un écran de tubes en verre.
Outre une série de maisons que Wright appelle « usoniennes », pour bien marquer qu'elles sont authentiquement américaines, le principal ouvrage de la fin de sa carrière est le musée Solomon R. Guggenheim de New York (1956-1959) : il y adopte un plan en spirale, qui superpose six volumes circulaires, desservis par une rampe et s'organisant autour d'un vide central, éclairé par la lumière d'une haute verrière qui plonge en direction d'un bassin rempli d'eau. Ainsi se parachève la réflexion de toute une existence visant à parvenir, selon les mots mêmes de l'architecte, à « l'idéal [qu'il] propose pour l'architecture de l'âge de la machine ».
Les « maisons dans la prairie »
Homme du Midwest, Frank Lloyd Wright trouva la clé du nouveau rapport de l'homme à l'architecture, qu'il recherchait, dans un nouveau rapport de l'habitation à la nature. Ce fut là l'origine des Prairie houses (« maisons dans la prairie »), pavillons au plan horizontalement étiré « en ailes de moulin » afin d'arriver à une intégration optimale du bâti au paysage. En position centrale, la cheminée était un legs de l'architecture de la Nouvelle-Angleterre, où les pionniers avaient importé d'Europe le principe du bloc-foyer en maçonnerie.
Pour tenir compte des contraintes du climat, Wright fit œuvre de précurseur : il combina la pierre naturelle (pour la façade et les sols) avec l'acier et le béton, nouveaux pour l'époque. Les plus importantes de ses « maisons dans la prairie » se trouvent dans les États de l'Illinois, du Wisconsin et de New York – les Midway Gardens de Chicago, restaurant en plein air (1913-1914), étant une des rares extrapolations de ce concept au milieu urbain.