David Hume
Philosophe écossais (Édimbourg 1711-Édimbourg 1776).
Sur les pas de Newton, au siècle des Lumières, David Hume entend instituer une connaissance de l'homme où l'expérience prend le pas sur la raison, définie comme un « merveilleux et inintelligible instinct ». En affirmant que nos idées ne naissent que des sensations, il donne à l’empirisme une portée historique.
Philosophe, historien et diplomate
Orphelin de père dès l'âge de trois ans, David Hume est élevé par sa mère, sous le contrôle rigide de son oncle pasteur. En 1734, il part pour la France, où il rédige les trois livres formant le Traité de la nature humaine (1739-1740). En 1741, il commence la publication de ses Essais moraux, politiques et littéraires, mais n’acquiert de vraie notoriété qu’avec l’Enquête sur l'entendement humain (1748). Faute d’obtenir une chaire de philosophie, il se fait bibliothécaire de l'ordre des avocats d'Édimbourg. Il se consacre ensuite à une Histoire d’Angleterre (1754-1761), qui lui vaut de séjourner à nouveau en France, de 1763 à 1766, comme secrétaire de l'ambassadeur d'Angleterre, et d’y fréquenter les Encyclopédistes. Il est nommé sous-secrétaire d'État à Londres en 1767, avant de retourner, en 1769, dans sa ville natale. Hume est aussi l’auteur d’une Enquête sur les principes de la morale (1751) et de Dialogues sur la religion naturelle (posthume, 1779).
Une pensée antimétaphysique
Selon Hume, ce ne sont pas les choses que nous connaissons, mais seulement les savoirs qui s'y rapportent : tout échappe à la connaissance, à l'exception de l'entendement humain, entièrement soumis à l'expérience. Cet empirisme, qui entretient des liens évidents avec le naturalisme et le scepticisme, est marqué par une orientation violemment antimétaphysique.
Le discours sur la raison
Toute l'entreprise de Hume apparaît comme une critique du principe de raison : tout en admettant qu'il y a un ordre des choses, le philosophe affirme qu'il est vain de chercher à l'expliquer en s'appuyant sur l'entendement. L'examen de tous les systèmes religieux – c'est-à-dire de toutes les cosmogonies – montre qu'il n'est pas nécessaire de supposer que la cause du monde est un dessein intelligent. Tout peut être cause de l'ordre et, quand la raison veut en rendre compte, elle s'égare dans l'arbitraire.
La raison elle-même, explique Hume, est un fait du monde ; par conséquent, « elle nous est aussi peu connue que l'instinct ou la végétation ». Nous pouvons tout au plus connaître son mécanisme, non son fondement, et en régler l'usage dans ses limites naturelles. L'esprit passe naturellement d'une idée à une autre, mais au gré du hasard : aucune idée n'a par elle-même d'affinité exclusive ni constante avec une autre. Les idées sont réunies selon les principes d'association, qui imposent leur règle à l'imagination : l'esprit va d'une idée à une autre suivant les transitions faciles que constituent la ressemblance, la contiguïté et la causalité.
Le discours sur la causalité
Seule la causalité permet de concevoir l'idée de quelque chose à venir, l'idée d'un effet à prévoir ou d'une cause probable. La causalité (comme principe) n'établit pas seulement une relation, elle est aussi à l'origine de l'inférence, fondée sur la répétition des cas semblables : après avoir constaté plusieurs fois une relation A-B (entre la flamme et la chaleur, par exemple), à partir de A on conclut B, et inversement. Inférer, c'est s'attendre à quelque chose sur la base de l'expérience.
Quand on parle de causalité, c'est-à-dire d'une connexion nécessaire, alors qu'il ne nous est donné qu'une conjonction constante, on ne fait que suivre une tendance subjective. Car la connexion nécessaire est dans l'esprit, non dans les choses, et elle ne s'y trouve que comme effet : le sujet contemple les répétitions dans la nature et éprouve en lui-même la modification qui s'y produit. Il est ainsi enclin à prendre son habitude pour une structure objective de la réalité.
Le discours sur les passions
Pour agir, l'homme a besoin de passions, qui recherchent le plaisir. Il existe des passions directes : par exemple, la contemplation d'une belle maison me procure de la joie. Mais si je suis le propriétaire de cette maison, j'en éprouve de l'orgueil : cette impression dite « de réflexion » me tourne vers l'idée du Moi (sinon vers l'idée d'autrui) ; c'est une passion indirecte. À cela la raison n'a aucune part.
Dans l'action, la raison n'a d'autre rôle que de discerner l'utile : elle choisit la cause capable de produire l'effet désiré. En fait, ce sont les passions qui posent les fins, qui déterminent les effets souhaitables. Par conséquent, les passions sont d'une nature radicalement différente de celle de la raison : alors que les moyens d'action peuvent être aisément comparés par la raison, les fins assignées à l'action sont assurément des données incomparables. Certes, il y a une hiérarchie des fins – une action peut être louable ou blâmable –, mais les passions ne sont pas raisonnables ou déraisonnables.
Par son scepticisme même, Hume contribua à ouvrir la crise du rationalisme, qui eut pour effet de réveiller Kant, selon le mot célèbre de celui-ci, de son « sommeil dogmatique ».