Mian Nawaz Sharif
Homme politique pakistanais (Lahore 1949).
1. L'accession au pouvoir
Fils d’un industriel du Pendjab, Nawaz Sharif, jeune diplômé en droit, entreprend avec ses frères et ses cousins de développer le modeste atelier de machines-outils de son père, ruiné lors de la campagne de nationalisation lancée au début des années 1970 par Zulfikar Ali Bhutto. Il parvient à en faire, après sa privatisation en 1978, un puissant groupe industriel spécialisé dans l’acier.
Tout en conservant ses activités d’hommes d’affaires, N. Sharif entame sous la protection du régime militaire du général Zia Ul Haq une carrière politique dans sa province natale : l'ex-dictateur fait de lui le « ministre en chef » (Chief minister) de la province du Pendjab, fonction qu'il exerce de 1985 à 1988 puis de 1988 à 1990. Il est alors membre de l'Alliance démocratique islamique, une coalition de partis politiques qui s'oppose au Parti du peuple pakistanais (PPP) de Benazir Bhutto.
À la suite de la victoire de sa coaliton aux élections législatives de 1990, N. Sharif succède à cette dernière au poste de Premier ministre du Pakistan. Représentant les intérêts de la nouvelle bourgeoisie d'affaires face à la puissance des grands propriétaires féodaux, il poursuit la campagne de privatisation entamée par B. Bhutto, et tente de développer les infrastructures du pays. Mais il est destitué trois ans plus tard quand son gouvernement est accusé de corruption, et doit remettre les rênes du pouvoir à sa rivale.
2. La fuite en avant
À la suite de l'écrasante victoire de son parti, la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N), aux élections législatives de février 1997, N. Sharif retrouve son siège de Premier ministre. Disposant de la majorité absolue, il retire au chef de l'État le pouvoir de démettre le Premier ministre et de dissoudre l'Assemblée nationale. Au terme d'un long bras de fer avec le président Farooq Leghari, N. Sharif obtient, grâce au soutien de l'armée, la démission de ce dernier (2 décembre). Moins d'un an plus tard, il ouvre une nouvelle crise en attaquant cette fois-ci l'institution militaire qui, de plus en plus inquiète de voir se dégrader la situation économique, politique et de sécurité, se montre critique envers sa politique ; poussé à la démission, le chef d'état-major des armées est remplacé par le général Pervez Mucharraf, un Mojahir, c'est-à-dire un musulman venu d'Inde en 1947.
Engagé dans une véritable fuite en avant et voulant circonscrire la menace fondamentaliste, N. Sharif fait voter par l'Assemblée nationale un amendement plaçant la charia au-dessus de la Constitution (octobre 1998). Le passage en force de cet amendement intervient alors que le pays est confronté à une grave crise économique et à une recrudescence de la violence à Karachi, la capitale du Sind, où sont instaurés des tribunaux militaires ; mais également au Pendjab, le théâtre d'une lutte endémique entre groupuscules extrémistes sunnites et chiites. L'amendement n'est finalement pas voté par le Sénat. N'ayant de cesse d'asseoir un pouvoir de plus en plus contesté, le Premier ministre, qui échappe à une tentative d'assassinat (3 janvier 1999), poursuit sa politique autoritaire en muselant la presse et en faisant arrêter les opposants.
3. Dans l'opposition
En octobre 1999, après avoir tenté de limoger le général Pervez Mucharraf, il est renversé par ce dernier. Condamné une première fois en avril 2000 à la réclusion criminelle à perpétuité pour s'être opposé au général lors de sa prise du pouvoir, puis une seconde fois, en juillet, à quatorze années d'emprisonnement pour corruption, il est finalement autorisé à s'exiler en Arabie saoudite.
De retour dans son pays en novembre 2007, N. Sharif mène la campagne de son parti aux élections législatives et provinciales de février 2008. Forte de sa seconde place, la PLM-N participe au gouvernement de coalition formé en mars avec le PPP, vainqueur du scrutin. Mais, en désaccord persistant avec ce dernier, elle se retire et rejoint l'opposition (août).
4. Un troisième mandat de nouveau écourté
En juin 2013, après la large victoire de son parti aux élections générales de mai, N. Sharif est élu pour la troisième fois au poste de Premier ministre dans un contexte difficile marqué notamment par la persistance des violences intercommunautaires et la détérioration de la situation économique et sociale.
Une importante frange de l’opposition menée par Imran Khan et son parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (Mouvement pour la Justice) se mobilise notamment en 2016 à la suite des révélations contenues dans les Panama Papers sur la fortune familiale du Premier ministre. Visé dès lors par une enquête, N. Sharif doit démissionner à la suite d’un arrêt de la Cour suprême qui prononce sa « disqualification » en juillet 2017 pour avoir omis de mentionner une partie de ses revenus dans sa déclaration de patrimoine. Rejetant les accusations de corruption, il est condamné en première instance, en juillet 2018, à dix ans de prison.
Pour en savoir plus, voir l'article Pakistan.