pyramide
(latin pyramis, -idis, du grec puramis, -idos)
Grande construction à base quadrangulaire et à quatre faces triangulaires, se terminant en pointe.
ARCHÉOLOGIE
Les pyramides sont des structures à base carrée, rectangulaire ou triangulaire et à faces triangulaires qui s'élèvent en forme de pointe. Le nom provient sans doute d'un ancien mot égyptien mais c'est à travers le grec (langue dans laquelle il désignait peut-être une sorte de gâteau de forme pyramidale) qu'il nous est parvenu.
Les pyramides artificielles les plus importantes et les plus célèbres sont des structures de pierre élevées servant de sépultures aux pharaons égyptiens de l'Ancien Empire. Ce type de sépulture fut repris périodiquement dans l'Égypte du Sud et en Nubie pendant deux mille cinq cents ans, mais à une échelle beaucoup plus modeste. Parmi les autres structures monumentales de forme principalement pyramidale, l'on trouve en Mésopotamie ancienne les ziggourats en briques de terre crue, des tours bâties pour soutenir des chapelles, ainsi que de nombreux vestiges précolombiens au Mexique, en Amérique centrale et au Pérou, construits principalement comme soubassements de temples.
Les pyramides égyptiennes
Les pyramides égyptiennes étaient des monuments funéraires, à l'origine, exclusivement réservés au pharaon, dont ils abritaient les dépouilles ; par sa forme, la pyramide symbolisait l'escalier menant le pharaon vers Rê, le dieu Soleil.
Environ quatre-vingts pyramides de l'Égypte antique ont été conservées. La plupart d'entre elles sont situées sur la rive occidentale du Nil, au bord du désert et au-delà de la zone cultivable de la vallée. La plupart des grandes pyramides égyptiennes furent élevées pendant l'Ancien Empire, entre les IIIe et VIe dynasties à Gizeh, Saqqarah, Dahchour, Meïdoum et Abousir. Tous ces sites se trouvent au nord du pays, à environ 30 kilomètres de l'ancienne capitale, Memphis, juste au sud du Caire actuel. Quelques pyramides plus modestes furent aussi érigées dans le Nord pendant la première période intermédiaire, et ultérieurement, pendant le Moyen Empire, il y eut un renouveau de construction de pyramides dans la province du Fayoum. Il existe même quelques très petites pyramides qui n'ont toujours pas été identifiées en Égypte, par exemple à Seila, Zaouiêt-el-Amouat et El Kola, et celles-ci remontent probablement aussi à l'Égypte primitive.
La forme pyramidale persista pendant le Nouvel Empire, visible dans les petites superstructures en terre crue que sont les chapelles mortuaires de roturiers à Abydos et à Thèbes. Le dernier renouveau majeur de cette forme au bord du Nil est situé beaucoup plus bas au sud, en Nubie – à Kuru, Nuri, Napata et Méroé – où les structures en briques de terre crue étaient élevées à partir de bases carrées très exiguës. Ces pyramides exceptionnelles appartiennent à une période d'hégémonie locale dans le Sud alors que l'Égypte elle-même était sous le joug de pays étrangers. Datant de 720 avant J.-C. à 350 après J.-C., ces pyramides offrent un exemple d'une adaptation tardive et très intéressante de la forme caractéristique de l'ancienne sépulture royale de l'Égypte.
Bien qu'aucune des sépultures dans les pyramides n'ait résisté aux déprédations des pilleurs de tombes, il est néanmoins manifeste que les pyramides étaient destinées à servir de sépultures ou de cénotaphes. Il est probable que ce type de sépulture ait finalement été abandonné car, en dépit de sa taille et de sa complexité, chaque pyramide était pillée peu après sa fermeture hermétique. Non seulement ces pyramides contiennent des sarcophages brisés, des vestiges d'objets façonnés retrouvés à l'intérieur et à l'extérieur et suffisamment de preuves inscrites pour pouvoir identifier les défunts, mais elles sont aussi entourées d'autres sépultures dans d'évidents cimetières, ce qui porterait à croire que les pyramides étaient bien des sépultures. En outre, pendant les Ve et VIe dynasties, les pyramides contenaient des textes dans la salle intérieure qui faisaient référence à l'existence de tombes dans les pyramides et, de même, les écrits ultérieurs mentionnent l'incapacité des pyramides de conserver les défunts et leurs biens. → Textes des pyramides.
Un complexe mortuaire
La pyramide elle-même est un tumulus élevé en pierre à l'intérieur duquel ou sous lequel se trouvait une sépulture, mais cette structure n'est qu'un élément d'un complexe plus vaste d'édifices qui composent le monument intégral. À côté de la pyramide, en général à l'est, il y avait un temple mortuaire où la dépouille momifiée du souverain recevait les derniers sacrements. Celui-ci laissait une dotation qui garantissait un approvisionnement d'offrandes au temple longtemps après son inhumation. Tandis que les renfoncements à l'intérieur des pyramides étaient censés rester scellés et inaccessibles, les prêtres, les membres de la famille et les sujets loyaux pouvaient continuer de présenter leurs hommages dans ces temples relativement petits.
Un lien semblable entre le temple mortuaire et le tombeau existait à travers toutes les périodes et parmi la plupart des échelons sociaux dans l'Égypte antique. Mais même les entrées de tombeaux assez inaccessibles se révélaient être malencontreusement proches à cause des temples mortuaires fort visibles. Dans le Nouvel Empire, l'on tenta de séparer les temples mortuaires des inhumations royales (que l'on cachait dans des tombes-tunnels creusées dans la Vallée des rois, qui était secrète et dissimulée à l'ouest du Nil, à Thèbes). Cela entraîna la nécessité d'inverser les tailles proportionnelles de ces deux structures mais, en fin de compte, cela ne protégea pas davantage les sépultures.
En plus de ces deux éléments essentiels à chaque complexe pyramidal, il y avait aussi un mur d'enceinte pour délimiter l'emplacement de chaque sépulture. D'autres monuments en l'honneur du souverain défunt étaient élevés à l'intérieur de ce mur, dont une pyramide subsidiaire, qui contenait probablement le faux sarcophage du double du roi. Puisque les pyramides étaient construites dans le désert stérile et éloigné des limites cultivables, on estimait souvent qu'il était nécessaire de construire un temple dans la vallée du Nil afin que l'entourage funéraire puisse y accéder en bateau. Après avoir débarqué au temple avec la dépouille royale, les offrandes et le trésor destiné à la vie future du roi, le cortège funèbre pouvait avancer le long d'une chaussée couverte qui débouchait sur le temple mortuaire.
Tous les complexes mortuaires des pyramides achevées entre les IVe et XIIe dynasties partageaient ces caractéristiques principales.
Caractéristiques des pyramides égyptiennes
Parfaite dans sa rigueur géométrique à Gizeh (pyramides de Kheops, Khephren et Mykerinus), la pyramide évoque avec gigantisme la pétrification des rayons bénéfiques du soleil. Lorsque ses dimensions deviennent plus modestes (à partir de la Ve dynastie) au profit du développement du temple funéraire (tombeau de Montouhotep à Deir el-Bahari) et qu'elle se réduit à un pyramidion dans certaines tombes de Deir el-Medineh, elle symbolise toujours l'aspiration suprême : celle de la renaissance dans l'au-delà. C'est le cadre naturel de la montagne thébaine qui est à l'origine de sa destination funéraire.
Parfaitement orientée (au moyen de repères astronomiques) et édifiée pendant l'Ancien Empire en matériaux nobles (calcaire appareillé, revêtement de granite, etc.), la pyramide était toujours le point culminant d'un complexe funéraire monumental comprenant un temple haut (celui du culte funéraire) et un temple bas (destiné à la réception des cortèges), plusieurs barques solaires réparties le long de la chaussée reliant les deux temples ou étant placées le long de l'enceinte. Sous la pyramide même, un réseau de galeries et de chambres profondément creusées abrite les sépultures du pharaon et de sa famille ainsi que de nombreuses offrandes. Saqqarah marque, avec les impressionnants degrés recouvrant le mastaba originel, le départ d'une constante évolution qui, avant d'aboutir à la perfection de Gizeh, est jalonnée par Meidoum et Dahchour. C’est dans la pyramide de Saqqarah celle du dernier pharaon de la Ve dynastie, Ounas, qu'apparurent pour la première fois les textes en hiéroglyphes gravés sur les parois des chambres intérieures, textes indiquant le but religieux de ces monuments. Inauguré par Djoser et son génial architecte, le divin Imhotep, ce mode de sépulture fut utilisé en Égypte jusqu'à la XVIIe dynastie ; il connut un nouvel éclat au Moyen Empire avec les constructions de Memphis, Licht, Dahchour et du Fayoum pour Sésostris II et Amenemhat III, et témoigna de la persistance des traditions religieuses égyptiennes à Napata et Méroé en Nubie.
La pyramide de Kheops
La pyramide du pharaon Kheops est la plus grande pyramide véritable et elle compte parmi les merveilles artificielles du monde. À sa base, elle mesure environ 230 mètres de côté et sa hauteur, qui faisait environ neuf mètres de plus qu'aujourd'hui, était de 147 mètres. Cette structure presque entièrement solide contiendrait environ 2,3 millions de blocs de grès pesant entre deux à trois tonnes chacun. Ces blocs étaient extraits de carrières avoisinantes et le tout était probablement revêtu de calcaire finement travaillé provenant de la carrière de Tura, de l'autre côté du Nil, au sud du Caire actuel.
La pyramide de Kheops comportait des galeries reliant le côté septentrional à trois salles principales placées les unes au-dessus des autres. La salle supérieure, qui se trouve approximativement au milieu de la pyramide, mais qui n'est pas centrée, était reliée à une grande galerie avec une voûte en encorbellement. La salle en granit contient toujours le sarcophage brisé du souverain. Sur le côté oriental de la pyramide, des fouilles ont révélé le temple mortuaire ainsi qu'une partie de la chaussée et plusieurs cavités contenant les grandes barques en bois datant de plusieurs siècles et qui étaient probablement utilisées pour transporter la dépouille du souverain, son attirail funéraire et le cortège funéraire vers la pyramide.
La pyramide de Khephren
La pyramide de Khephren, le fils de Kheops, se trouve au milieu du groupe de Gizeh. Bien qu'elle soit un peu plus modeste que la pyramide de Kheops, elle est plus impressionnante que cette dernière à cause du revêtement de calcaire qui recouvre encore le sommet, et aussi de l'excellent état de la plupart des éléments du complexe pyramidal. Le temple de la vallée qui se trouve à côté du grand Sphinx en roc est remarquablement intact et sa chaussée, son mur d'enceinte, son temple mortuaire et sa pyramide subsidiaire sont tous reconnaissables.
La pyramide de Mykerinus
La pyramide de Mykerinus, au sud de celle de Khephren, est beaucoup plus petite : sa base ne mesure que le quart de celle de Kheops mais, à une exception près, la pyramide de Mykerinus est plus grande que les dernières pyramides.
Mode de construction des pyramides de Gizeh
L'un des principaux mystères qui entourent les pyramides de Gizeh est leur mode de construction. Les chercheurs ne s'accordent toujours pas sur un modèle unique, et les hypothèses continuent d'être proposées – on ne tiendra pas compte ici des théories qui attribuent la construction des pyramides à des interventions surnaturelles.
Diodore de Sicile rapporte un mode de construction fondé sur une rampe frontale s'élevant en même temps que la pyramide, sur laquelle les énormes pierres mises en œuvre pouvaient être roulées. Cette théorie, avec de nombreuses variantes, a été développée par des auteurs contemporains (Jean-Philippe Lauer, le Mystère des pyramides, 1988). Certains ont proposé l'hypothèse d'une rampe enveloppante, tournant autour de la pyramide au fur et à mesure de son élévation. Ce premier groupe de théories présente cependant un inconvénient lorsqu'on l'applique aux énormes masses des monuments de Gizeh : la construction de la rampe, qui doit être démontée par la suite, nécessite la mise en œuvre d'un volume de matériaux supérieur à celui de la pyramide elle-même.
Hérodote rapporte un système de construction au moyen d'engins de levage qui permettent de soulever des blocs de pierre de 2 à 3 tonnes, comme ceux qui constituent la plus grande part de la pyramide. Cette théorie a été notamment développée par l'Allemand Karl Richard Lepsius (Über den Bau der Pyramiden, 1843). Elle ne peut cependant expliquer comment des blocs de plusieurs dizaines de tonnes ont pu être amenés au sommet de la chambre du roi dans la pyramide de Kheops.
Une dernière théorie, reprenant le système décrit par Hérodote puis par Lepsius pour l'élévation des blocs de 2,5 tonnes, propose d'expliquer l'insertion de blocs de granit de 40 tonnes au-dessus de la chambre de Kheops par l'utilisation d'un ascenseur oblique, dont la grande galerie située à l'intérieur de la pyramide constituerait la glissière et dont le contrepoids serait formé de cinq blocs indépendants, permettant de diminuer ainsi, en le divisant, le poids des énormes blocs de granit mis en œuvre ; plusieurs indices sembleraient étayer cette thèse (Pierre Crozat, Système constructif des pyramides, 1997).
Inde et contrées indianisées
La montagne, axe du monde (le mont Meru) ou séjour des dieux, est figurée dans la cosmologie par une pyramide à gradins. Partout, cette notion inspire la composition des toitures des sanctuaires, assimilés à la montagne demeure du dieu : toitures curvilignes (shikhara), dans l'architecture du Nord, ou à terrasses étagées des vimana dravidiens. L'ensemble du soubassement du temple évoque la même idée, quoique de manière moins élaborée, sauf hors de l'Inde propre et spécialement dans l'art khmer (Bakong, 881 ; Angkor Vat). Une formule proche a été développée en Thaïlande, dès la fin du xiiie s., pour les prang, tours-reliquaires (Thonburi). Dans le bouddhisme, le stupa participe de la même symbolique : stupa aux terrasses étagées de l'Asie du Sud-Est (Java, Barabudur ; Birmanie, Pagan).
Les pyramides précolombiennes
Dans l'aire méso-américaine, les pyramides apparaissent dès le préclassique moyen (La Venta, Cholula, etc.). Pour l'époque classique, citons : Teotihuacán, El Tajín, Tikal, Palenque, Uxmal, etc. Ce type de construction est encore en usage durant le postclassique (Tula, Chichén Itzá, Tenochtitlán, etc.). Plus rare en Amérique du Sud, on le rencontre cependant dans la culture Mochica.
Les pyramides de l'Amérique précolombienne présentent plusieurs différences fondamentales avec celles de l’Égypte. Elles étaient rarement de véritables pyramides du point de vue géométrique car elles étaient le plus souvent à degrés, et elles n'avaient pas pour fonction essentielle d'abriter des tombes. Ces pyramides monumentales semblent avoir été construites principalement pour servir de soubassements à des temples et ont ainsi davantage en commun avec les ziggourats de Mésopotamie qu'avec les pyramides d'Égypte. Une exception notoire est le « temple des Inscriptions » maya à Palenque, au Mexique, qui recouvre une tombe ouvragée qui dut être construite avant la pyramide qu'elle soutient.
Les plates-formes à degrés sont répandues et les plus imposantes sont situées dans les provinces mexicaines et mayas et sur la côte septentrionale du Pérou. Leur forme principale est celle du tertre ou du tumulus rectangulaire ou carré, élevé en étages avec des faces en pente. Plus rarement, on trouve aussi des bases rondes surmontées de couches coniques dont il existe deux exemples primitifs au Mexique, datant du Ier millénaire avant J.-C. Au site olmèque de La Venta se trouve un tertre rectangulaire en argile mesurant environ 70 x 90 mètres à la base et 32 mètres de hauteur. À Cuicuilco près de Mexico, un tertre rond de terre et de gravats fait 135 mètres de diamètre et 20 mètres de hauteur. Au Pérou, deux grands tumuli furent érigés dans la vallée de Moche au début du Ier millénaire après J.-C. Le plus grand des deux, le Huaca de Sol, est une énorme structure en adobe mesurant environ 136 x 228 mètres de base et s'élevant à une hauteur de 41 mètres.
L'adobe, brique de terre et paille, était sans doute le matériau de construction le plus courant des pyramides, mais la terre et les gravats étaient aussi assez répandus. Il semblerait que toutes les pyramides fussent revêtues de plâtre et de peinture. Même les façades extérieures finement travaillées semblent avoir été à l'origine recouvertes de plâtre. La peinture et la sculpture en relief étaient utilisées en décoration.
À Teotihuacán, dans le Mexique central, la pyramide du Soleil mesure environ 225 mètres de côté, se rapprochant ainsi des dimensions de la pyramide de Kheops, et 64 mètres de hauteur. La masse de la pyramide en ruine de Cholula est même supérieure à celle de Kheops.
Dans la région maya, l'utilisation d'un mortier de chaux de bonne qualité et de voûtes à encorbellements rendit possibles des pyramides spectaculaires qui conservaient mieux les édifices des temples que celles dépourvues de voûtes à encorbellements. À Tikal, au Guatemala, il existe plusieurs groupes de pyramides-temples bien conservés qui s'élèvent jusqu'à 60 mètres. L'accès au sommet des pyramides se faisait par des escaliers extrêmement abrupts, qui devaient jouer un rôle dans la mise en scène des cortèges religieux.
De nombreuses pyramides furent régulièrement agrandies en bâtissant par-dessus la structure originale, y compris le temple au sommet. Par bonheur, cette pratique conserva les formes des anciens édifices que des fouilles ont pu révéler dans de nombreux sites.