microéconomie
Branche de la science économique étudiant les comportements individuels des agents économiques, et notamment leurs prises de décisions. (Elle s'oppose à la macroéconomie, qui raisonne sur les quantités globales.)
La microéconomie a pour objet la répartition la plus efficace possible des biens et des services. Un tel énoncé implique que l'on connaisse les modalités de cette répartition et que l'on puisse juger de son efficacité. Pour répondre à cette exigence, la microéconomie s'appuie sur les deux notions, fondamentales, de marché et de rationalité individuelle.
C'est à travers l'échange marchand (confrontation des offres et des demandes de biens) que se réalise la répartition des ressources. À cette occasion, chaque bien échangé est affecté d'un prix qui informe les agents économiques des conditions de l'échange.
Le concept de rationalité individuelle, quant à lui, offre un double aspect. D'une part, en mettant l'accent sur l'individu, il indique que la clef des comportements collectifs doit être cherchée dans les comportements individuels (ainsi, la demande globale d'un bien ne peut véritablement se comprendre que comme une somme de demandes individuelles). D'autre part, il postule une rationalité de ces comportements individuels, l'individu étant rationnel à partir du moment où il préfère le plus au moins. Ce principe met au cœur de l'analyse microéconomique un comportement de maximisation, chaque agent cherchant, en respectant les contraintes (institutionnelles, de revenu...) qui s'imposent à lui, à atteindre l'objectif le plus élevé possible.
Science explicative du comportement des agents dans un environnement donné, la microéconomie est aussi une science normative dans la mesure où elle étudie les conditions les plus favorables de l'organisation économique. Un de ses buts est, en effet, de déterminer les situations où le marché réalise de lui-même la meilleure répartition (concurrence parfaite) et celles où la réglementation est nécessaire (concurrence imparfaite).
L'analyse microéconomique commence par étudier les comportements économiques individuels en s'appuyant sur le principe de rationalité et fixe ainsi les déterminants de l'offre et de la demande globale. Elle peut ensuite passer à l'examen du marché, d'abord dans le cadre d'un marché particulier, puis dans celui de l'interdépendance de tous les marchés.
Le comportement du consommateur
La présentation la plus habituelle du comportement du consommateur consiste à poser que ce dernier est en mesure de faire des choix entre diverses consommations possibles, ces choix étant l'expression de ses préférences, dans les limites que lui impose son revenu, compte tenu des prix unitaires des biens disponibles. La rationalité de ses choix est attestée sous réserve que certaines conditions soient réalisées. Ainsi, il doit pouvoir comparer n'importe quelle combinaison de consommation à n'importe quelle autre.
On peut alors montrer que tout se passe comme si le consommateur maximisait, dans la limite des contraintes imposées par son budget, une fonction dite « d'utilité » des divers biens consommés. Il importe peu qu'aucun consommateur réel, en faisant ses achats, n'utilise une fonction mathématique pour calculer l'utilité d'un bien. Ce qui compte, c'est que, s'il en avait utilisé une, le résultat de ses emplettes n'aurait pas été différent. Cette description est un « modèle » du comportement du consommateur, au même titre qu'en mécanique quantique les quarks ont une « couleur » qui permet de comprendre certains phénomènes physiques. Pour une valeur quelconque prise par cette fonction, plusieurs combinaisons de biens sont évidemment possibles. On nomme « courbe d'indifférence » l'ensemble des combinaisons de biens conduisant à la même utilité. Deux propriétés de ces courbes méritent d'être signalées : elles ne peuvent se couper et elles « s'empilent » les unes sur les autres dans le sens des utilités croissantes.
La démarche du consommateur peut alors se résumer ainsi : compte tenu de son budget, il cherche à se placer sur la courbe d'indifférence la plus haute possible. En achetant aux prix en vigueur les biens ainsi déterminés, il a l'assurance d'obtenir l'utilité la plus élevée permise par son revenu. La solution obtenue dépend évidemment des prix et du revenu en ce sens que, pour d'autres prix ou un autre revenu, les quantités de biens conduisant à l'utilité maximale auraient été différentes. On appelle « fonction de demande d'un bien » la relation ainsi définie entre la quantité du bien, d'un côté, et les prix et le revenu, de l'autre. Une des propriétés les plus importantes de la fonction de demande est de lier, en général de façon décroissante, la quantité demandée du bien et son propre prix et, de façon croissante, cette même quantité et le revenu du consommateur. Pour caractériser cette relation entre la demande d'un bien et son prix, les microéconomistes utilisent, précisément, le concept d'« élasticité-prix ».
Le comportement du producteur
Alors que le consommateur cherche à acheter les quantités de biens qui lui procureront, compte tenu de sa contrainte de budget, une utilité maximale, le producteur cherche à combiner des facteurs de production (matières premières, machines, travail...) de manière à obtenir un profit maximal.
Le comportement du producteur s'analyse en deux étapes : dans un premier temps, on détermine comment il doit combiner ses facteurs pour produire une quantité donnée au moindre coût ; ensuite, on définit quelle quantité il doit produire pour obtenir un profit maximal.
Plusieurs combinaisons des facteurs de production conduisent au même niveau de production. Ces combinaisons, qu'on appelle « isoquantes », ont des propriétés très semblables à celles des courbes d'indifférence et, à cette étape, le problème du producteur est symétrique de celui du consommateur. Pour ce dernier, il s'agissait, compte tenu des prix et du revenu, de se placer sur la courbe d'indifférence la plus élevée possible. Pour le producteur, il s'agit au contraire, à partir des prix des facteurs, de se placer sur une isoquante donnée au moindre coût. On détermine ainsi, pour un niveau de production fixé, les combinaisons de facteurs les moins coûteuses.
Il reste maintenant à déterminer le niveau de production qui rend le profit maximal. Cette détermination dépend de l'environnement économique de la firme. Dans le cadre habituel de la concurrence parfaite, où ni les producteurs ni les consommateurs n'ont le pouvoir d'influencer le fonctionnement du marché, ce niveau est déterminé par l'égalité entre le prix de vente du bien produit (qui est une donnée fixe pour le producteur en concurrence parfaite) et le coût marginal. En effet, tant que le prix est supérieur au coût marginal, le producteur peut augmenter son profit en produisant une unité supplémentaire, puisque la recette par unité est supérieure au coût. Mais cet écart se réduit au fur et à mesure que la production augmente, puisque le prix est fixé et que le coût marginal croît avec la quantité produite. Le producteur a intérêt à réduire sa production dès que le prix devient inférieur au coût marginal.
Cette relation entre la quantité produite du bien et son prix définit la courbe d'offre du producteur. On montre que la quantité produite est une fonction croissante du prix.
L'équilibre économique
Le marché est le lieu de rencontre de l'offre et de la demande globales d'un bien, qui sont chacune la somme des offres et des demandes individuelles définies plus haut. Quand l'offre globale est égale à la demande globale pour un certain niveau de prix, on dit que le marché est « en équilibre ».
Jusqu'à présent, le prix d'un bien était considéré comme donné. Il s'agit maintenant de déterminer les prix d'équilibre, qui résultent de la libre confrontation des offres et des demandes. Si l'offre est supérieure à la demande, les firmes doivent baisser les prix pour écouler leur produit (et inversement). C'est cette « loi » de l'offre et de la demande qui amène à la réalisation de l'équilibre. On parle d'« équilibre partiel » quand on considère un marché particulier, tous les autres prix étant fixés, et d'« équilibre général » quand tous les prix sont variables et doivent être déterminés simultanément.
L'un des résultats essentiels de l'analyse microéconomique est de montrer l'existence et la stabilité (sous certaines conditions portant sur les préférences des consommateurs et sur la technologie des firmes) d'un équilibre économique, alors même que les agents cherchent, indépendamment les uns des autres, à maximiser leur situation. Ainsi, la microéconomie apporte une réponse positive à la question de savoir si une organisation économique peut s'établir sur la base de comportements individuels où chacun poursuit son propre intérêt, sans sacrifier pour autant l'intérêt général.
La théorie du bien-être
L'analyse microéconomique ne se contente pas de caractériser les équilibres du marché. Elle veut se donner les moyens de comparer des situations économiques différentes en définissant une situation optimale de l'économie. Tel est l'objet de la théorie du bien-être.
On dira qu'une organisation économique A est plus efficace qu'une organisation B si elle conduit chaque consommateur à obtenir une utilité supérieure ou égale dans l'économie A à celle qu'il obtiendrait dans l'économie B (un consommateur, au moins, ayant amélioré strictement son utilité en passant de A à B). Si aucun agent ne peut améliorer sa situation sans dégrader celle d'au moins un autre agent, l'état de l'économie considérée est qualifié d'« optimum de Pareto » et représente, d'une certaine façon, un état « idéal », où le bien-être social est maximal.
Toutefois, il existe généralement plusieurs optimums de Pareto pour une même économie (dépendant des ressources initiales possédées par chaque agent) et il est impossible, à l'aide de la théorie économique, de comparer deux optimums de Pareto entre eux. Ainsi, la théorie ne permet pas de choisir entre une répartition égalitaire et une autre qui serait inégalitaire. Il faut pour cela avoir recours à des considérations extraéconomiques, par exemple d'ordre éthique, politique ou écologique.
Le lien entre la théorie du bien-être et celle de l'équilibre général est fourni par les deux théorèmes fondamentaux de la théorie du bien-être. Selon le premier, un équilibre général est un optimum de Pareto. C'est la garantie d'une certaine efficacité, mais cet optimum peut correspondre à une distribution des richesses peu souhaitable (parce que trop inégalitaire, par exemple). D'où l'intérêt du deuxième théorème, selon lequel un optimum de Pareto est « décentralisable ». Autrement dit, on peut toujours, grâce à des transferts entre les agents visant à modifier leurs ressources initiales (transferts imposés par voie législative sous forme d'impôts ou de taxes, par exemple), placer une économie dans un état optimum (au sens de Pareto) choisi à l'avance. Une fois les transferts effectués, le comportement des agents cherchant leur propre intérêt conduira à un équilibre qui sera l'optimum de Pareto choisi. Il faut cependant fortement souligner que ces résultats ne sont valables que sous certaines conditions, comme l'absence « d'effets externes », ce qui invalide la justification théorique de l'idéologie ultralibérale, à moins d'imposer le point de vue normatif consistant à ne retenir que l'aspect économique des phénomènes, amour et mort inclus.
Les prolongements de la microéconomie
En établissant une équivalence entre l'équilibre général et l'optimum, la microéconomie fait de la concurrence parfaite le régime « idéal » de fonctionnement de l'économie. Mais les observations empiriques des marchés ont souvent bien du mal à rentrer dans le cadre ainsi construit. Et, si ces situations sont d'un point de vue normatif (et théorique) moins efficaces que la concurrence parfaite, elles sont aussi plus fréquentes d'un point de vue positif. On a assisté à l'émergence d'une nouvelle microéconomie, caractérisée notamment par l'importance qu'elle accorde au rôle de l'information. Alors que celle-ci était supposée la même pour tous dans le modèle standard, il s'agit maintenant de tenir compte des nombreux cas où les agents économiques n'ont pas tous le même niveau de connaissance. C'est le cas, par exemple, d'une compagnie d'assurances qui doit proposer un contrat à des clients sans savoir s'ils constituent des agents à risque ou pas, alors que chacun d'eux connaît cette caractéristique.
De nouveaux champs d'étude ont ainsi été ouverts à la microéconomie, parmi lesquels on peut citer le rôle des garanties, des franchises, de l'autorité, la structure des hiérarchies, la différenciation des produits ou les enchères.