marginalisme

(de marginal, avec l'influence de l'anglais)

Théorie économique selon laquelle la valeur d'échange d'un bien donné est déterminée par l'utilité de la dernière unité disponible de ce bien, appelée utilité marginale.

En même temps que se développait la critique virulente des marxistes contre l'économie politique anglaise, celle-ci se heurtait à une autre forme de contestation, émanant d'économistes qui avaient accepté jusque-là les doctrines classiques. C'est ce mouvement qui a produit la théorie marginaliste, ou « néoclassique », que l'on a qualifiée de « révolution marginaliste » parce qu'elle introduisait une nouvelle manière de penser l'« économique », selon le terme créé par William Stanley Jevons.

Le courant est dit « marginaliste » parce que les théoriciens raisonnaient « à la marge », c'est-à-dire sur la prochaine unité produite, achetée ou consommée. Parmi les multiples initiateurs de ce courant de pensée, l'on peut citer le Français Jules Dupuit (De la mesure de l'utilité des travaux publics, 1844), le Britannique William Stanley Jevons (Théorie de l'économie politique, 1871), l'Autrichien Carl Menger (Grundsätze, 1871) ou le Français Léon Walras (Éléments d'économie politique pure, 1874). Mais celui qui lui donna sa forme définitive fut Alfred Marshall (Principes d'économie politique , 1890-1907).

La théorie marginaliste

Les marginalistes ont transformé le modèle classique en mettant l'accent sur la demande et le « degré final d'utilité » (de préférence au coût de production). L'utilité marginale est décroissante, ce qui signifie que l'utilité de la dernière unité produite, achetée ou consommée, est toujours plus faible que celle de l'unité précédente, jusqu'au moment où cette utilité devient nulle. Cette loi implique qu'il existe un optimum de satisfaction pour le consommateur, qui est fonction de la répartition de ses dépenses. Par ailleurs, insistant sur la dimension subjective des actions humaines, les marginalistes conçoivent les phénomènes économiques comme le résultat du choix d'agents rationnels, exerçant leurs activités dans un monde de laisser-faire régulé par une concurrence pure et parfaite.

La productivité marginale

Alors que les économistes classiques s'intéressaient surtout à l'aspect productif du système économique, les néoclassiques développent une conception qui fait dépendre la valeur des biens de l'offre et de la demande, et une théorie de la répartition selon laquelle les revenus sont partagés entre les différents « facteurs de production » — terre, capital, travail — en fonction de leur productivité marginale (ce qui confère à la répartition un caractère de légitimité qui contredit directement les idées marxistes). Les néoclassiques considèrent que le marché est dominé par des forces puissantes grâce auxquelles l'économie tend vers la pleine mise en œuvre de ses ressources, de sorte qu'aucun travailleur ne peut se retrouver involontairement sans emploi.

Marginalisme et équilibre général

Léon Walras a donné une forme systématique aux thèses de l'école marginaliste anglaise, en démontrant mathématiquement pour la première fois (Éléments d'économie pure, mais aussi Études d'économie politique appliquée, 1898) la possibilité d'un « équilibre économique général » : le système des prix permet la réalisation, dans une économie concurrentielle et décentralisée, de l'équilibre et de la cohérence de toutes les offres et de toutes les demandes sur les marchés des produits et des « services producteurs ». Cette démonstration, perfectionnée à plusieurs reprises par des économistes et des mathématiciens, reste aujourd'hui le cœur de la théorie économique. Mais, si Walras croyait à la possibilité de l'équilibre en « économie pure », il estimait que l'État devait intervenir pour maintenir les conditions de la concurrence (« économie appliquée ») et réaliser la justice sociale (« économie sociale »).