marée noire
Déversement en mer d'une quantité importante de pétrole brut ou de produits pétroliers lourds, formant une nappe poussée par les vents vers les côtes (→ littoral).
Les marées noires peuvent résulter d’un accident lors de l’extraction pétrolière (sur une plate-forme), du transport (naufrage d’un pétrolier, rupture d’une canalisation) ou d’un accident industriel dans une usine en bord de mer. En France, la plus grave marée noire suivit le naufrage du pétrolier l'Amoco Cadiz, en 1978. 220 000 t d'hydrocarbures ravagèrent 210 km des côtes bretonnes. En 1999, le naufrage de l'Erika au large de Penmarch (Finistère) a libéré près de 20 000 t de fioul qui ont pollué 400 km environ de côtes du Finistère, du Morbihan, de la Loire-Atlantique et de la Vendée, et provoqué la mort de plusieurs centaines de milliers d'oiseaux. En 2002, les 63 000 t déversées par le naufrage du Prestige, au large du cap Finisterre (Espagne), ont souillé quelque 1 900 km de côtes de la péninsule Ibérique et de la côte atlantique française.
Des ruptures accidentelles de forages, en mer du Nord (champ d'Ekofisk, 1977), dans le golfe du Mexique (Ixtoc, 1979-1980), au Koweit (Mina al-Ahmadi, 1991), ont également provoqué des déversements d’hydrocarbures aux conséquences comparables.
En avril 2010, l'explosion d'une plate-forme pétrolière dans le golfe du Mexique, à 66 km des côtes de la Louisiane, a provoqué le déversement de quelque 680 000 tonnes de pétrole. Une faible proportion des déversements d’hydrocarbures en mer a une origine naturelle (suintement de gisements, affleurement de schistes bitumineux), mais ce phénomène reste marginal par rapport à l’implication humaine dans les marées noires.
Pour en savoir plus, voir l'article risques naturels et technologiques.
1. Déroulement d’une marée noire
Après un déversement, il se fait d'abord un étalement très rapide à la surface de l'eau, qui favorise l'évaporation des hydrocarbures les plus légers (10 à 70 % de la quantité totale) dans l'atmosphère. La nappe d'hydrocarbures plus lourds restant à la surface ralentit l'évaporation et l'oxygénation, freinant ainsi les processus d'autoépuration. Brassée par les vagues, elle se mélange à l’eau de mer, formant une émulsion épaisse. Une partie des hydrocarbures de cette couche superficielle est entraînée par le vent et contamine le littoral. Les plages et les marécages sont plus fragiles à cet égard que les côtes rocheuses, car elles retiennent plus les hydrocarbures.
La majeure partie des hydrocarbures dispersés dans la masse d'eau ou sédimentés sont dégradés par des processus chimiques (photo-oxydation) et biologiques (par l'action de bactéries qui les décomposent). Après sédimentation et enfouissement, les hydrocarbures peuvent persister des années, ce qui prolonge d'autant leurs effets toxiques.
2. Conséquences
Toutes les espèces planctoniques et toutes les algues benthiques sont affectées par les hydrocarbures. Certaines disparaissent totalement, d'autres pullulent. Au niveau des côtes, toute la zone de balancement des marées est couverte de pétrole. Les coquillages et les crustacés, qui filtrent l’eau de mer pour se nourrir, deviennent impropres à la consommation. Les poissons, du fait de leur mobilité, sont moins sensibles, mais leur frai peut être détruit et leur nourriture se raréfier. De plus, leurs performances physiologiques, comme leur taux de croissance, pourraient être affectées. Les oiseaux marins sont le plus touchés car, englués dès qu’ils se posent à la surface, ils deviennent incapables de voler. Les graisses qui assurent l'imperméabilité de leur plumage et les isolent du froid sont dissoutes, ce qui entraîne la mort. D'autres ingèrent des hydrocarbures et meurent intoxiqués. Ainsi, à la suite du naufrage de l’Exxon Valdez en 1989, on estime que ce sont quelque 225 000 oiseaux marins qui ont trouvé la mort.
Outre les conséquences sur la faune et la flore (engluage, ingestion de produits toxiques, ralentissement de la croissance, réduction de la fécondité...), les marées noires ont des implications économiques : la pêche et l’aquaculture sont affectées, tandis que la fréquentation touristique chute.
Cependant, tous les écosystèmes affectés par des marées noires retrouvent au bout d'un temps plus ou moins long leur situation d'origine. Cette capacité de restauration est due à la biodégradation bactérienne naturelle, mais aussi au fantastique pouvoir autoépurateur que possèdent les communautés marines. On estime qu’un écosystème stable au moment de la catastrophe met environ 10 ans à se reconstituer.
→ environnement
→ littoral
→ marée
→ pollution
3. Lutte contre les marées noires
La première mesure de lutte est la prévention. Elle passe par le renforcement des dispositifs de sécurité sur les forages offshore (→ forage), sur l’augmentation et la rigueur des contrôles de conformité pratiqués sur les navires transporteurs et sur le remplacement progressif des pétroliers simple coque par des navires double coque (équipés d’une épaisseur de tôle supplémentaire entre les citernes et la coque extérieure). Des plans d’urgence en cas d’accident devraient également être élaborés par les compagnies pétrolières, tenant compte des caractéristiques écologiques des côtes concernées.
Lorsqu’une nappe de pétrole se forme au large, on procède dans certains cas à l’épandage de dispersants. Ceux-ci dispersent le pétrole en petites gouttelettes en suspension dans l’eau, ce qui le rend plus facilement attaquable par les bactéries compétentes – et accélère ainsi son élimination par l’écosystème marin – et réduit sa prise au vent. Cependant, les produits dispersants actuels (eux-mêmes issus de dérivés pétroliers) sont controversés, certaines études ayant montré que le mélange pétrole-dispersant pourrait être plus nocif que le pétrole seul. Des études sont en cours pour la mise au point de dispersants plus respectueux de l’environnement, renfermant notamment des composants utilisés dans l’industrie agro-alimentaire.
L’installation de barrages flottants empêche la nappe pétrolière de s’étaler. Des dispositifs de récupération (pompage) du pétrole peuvent alors être utilisés. Dans certains cas, un incendie volontaire peut être décidé pour brûler le pétrole. Cette technique présente des inconvénients importants, comme la formation de fumées et de boues résiduelles riches en substances cancérigènes. Parallèlement à ces différentes options, il faut également supprimer la cause de la marée noire (pompage puis remorquage du pétrolier, colmatage de la fuite, etc.).
Sur les côtes engluées, le nettoyage manuel est la seule option possible. Il requiert un équipement approprié (combinaison, gants, bottes) en raison de la haute toxicité des hydrocarbures. Les oiseaux et les mammifères marins mazoutés sont ramassés pour être nettoyés.
Pour en savoir plus, voir l'article pollution.