écosystème
Système formé par un environnement (biotope) et par l'ensemble des espèces (biocénose) qui y vivent, s'y nourrissent et s'y reproduisent.
1. L’écosystème, unité fondamentale de la biosphère
Le terme d'écosystème a été créé en 1935 par le botaniste britannique Arthur George Tansley (1871-1955) par contraction de l'expression anglaise ecological system (« système écologique »).
L’écosystème représente l'unité de base de l’environnement. Il est constitué par un ensemble d’animaux, de plantes, de champignons et de micro-organismes interagissant les uns avec les autres et avec leur milieu (sol, air, climat, etc.). Une forêt, une falaise, une lande, une plage, un récif corallien, une mangrove… sont autant d'écosystèmes. Les écosystèmes ne sont pas isolés les uns des autres. L’ensemble des écosystèmes de la planète forme la biosphère.
L'écologie fondamentale étudie l'organisation des écosystèmes, à des échelles très diverses (par exemple une forêt, un océan, une portion de rivage marin, un étang, une mare ou un tronc d'arbre mort). L'écologie appliquée prend en compte l'action de l'homme, dans le but d'en limiter les effets néfastes et de favoriser une gestion rationnelle de la nature.
Le fonctionnement des écosystèmes se décrit en des termes qui rappellent ceux des analyses économiques (rendement, production primaire, productivité…) et de la thermodynamique (transferts d'énergie, entropie…). Des modèles statistiques sont élaborés, qui permettent de comparer la productivité des différents milieux naturels et de prévoir leur évolution.
2. Écosystème = biotope + biocénose
Tout écosystème est constitué par l'association de deux composantes en constante interaction l'une avec l'autre : le biotope et la biocénose.
Le biotope est l'environnement physico-chimique, inerte, dit « abiotique » (littéralement « sans vie »). Il englobe toutes les composantes extérieures aux êtres vivants : le sol, l’air, l’eau, la lumière, le climat, etc.
La biocénose est la communauté vivante, constituée par la totalité des êtres vivants qui peuplent le biotope : bactéries, champignons, végétaux et animaux.
3. Macro- et microécosystèmes
Un écosystème peut correspondre aux grands ensembles naturels (lac, mer, forêt…) mais également à des zones très réduites (une couche d'eau dans un étang, une haie, un fossé…). Une unité inférieure à l’écosystème, le microécosystème, a été définie. Par exemple, sur une plage à marée basse, une pierre retournée peut laisser apparaître des algues, des vers, des crustacés, des mollusques, etc. Ce microécosystème est très fragile car, sans la protection de la pierre, ces êtres seraient soumis à un dessèchement fatal. Il existe des microécosystèmes encore plus petits, comme une touffe de mousse, une coquille vide d'escargot, les points d'écoulement de la sève sur les arbres…
On peut à l’inverse définir, à une échelle supérieure, de très vastes écosystèmes (de la taille d’une région, ou plus) : les macroécosystèmes, plus connus sous le nom de biomes. Composés d’un ensemble d’écosystèmes plus petits, ils sont caractérisés par un même climat et par un type dominant de formation végétale (pour les biomes terrestres) ou des caractéristiques physiques particulières (pour les biomes aquatiques). Les limites d’un biome ne sont pas faciles à définir et ne font pas l’objet d’un consensus, aussi le nombre de biomes de la planète varie-t-il selon les auteurs. Sur la terre ferme, les principaux comprennent les forêts – tropicales, boréales (taïga) et tempérées –, la toundra, les steppes, les prairies tempérées, la savane et les différents types de déserts.
L'ensemble des écosystèmes – et des biomes – de la planète forme la biosphère, c'est-à-dire la portion de la Terre et de l'atmosphère favorable à la vie.
4. Fonctionnement des écosystèmes
L'écosystème constitue une unité fonctionnelle caractérisée par un flux de l'énergie et un recyclage de la matière permanents entre ses différentes composantes inertes et vivantes.
Les êtres vivants de la biocénose jouent chacun un rôle déterminé dans leur écosystème : il s’agit de leur niche écologique. Par ailleurs, ils peuvent être répartis en trois grandes catégories fonctionnelles : les producteurs (bactéries et plantes chlorophylliennes essentiellement), les consommateurs (animaux herbivores et carnivores) et les décomposeurs (bactéries, champignons, certains animaux). [→ biocénose]
Ces trois catégories sont réunies par des liens « alimentaires », dits trophiques : c’est ce que l’on appelle les chaînes alimentaires qui, ensemble, forment un réseau trophique. Ces chaînes se caractérisent par des échanges d'énergie et de matière (cycles écologiques) s'effectuant uniquement dans le sens : producteurs → consommateurs → décomposeurs.
4.1. Les niches écologiques
Chaque espèce, animale ou végétale, se caractérise par son mode de vie (occupation de l'espace, rythme d'activité, etc.), ses exigences (alimentaires, physiologiques) et ses potentialités adaptatives : l'ensemble de ces caractéristiques définit sa niche écologique.
Il ne s'agit donc pas simplement d'une question de localisation et d'utilisation de l'espace. La niche écologique représente le rôle de chaque espèce dans l'écosystème. Cette notion permet de mieux appréhender les relations entre espèces dans l'écosystème (compétition, cohabitation, association…) et d'interpréter certains mécanismes d'évolution biologiques : l'occupation de nouvelles niches écologiques peut en effet favoriser l'apparition d'espèces nouvelles.
4.2. Cycles de la matière et transferts d'énergie
Chaînes alimentaires et réseaux trophiques
Les producteurs sont souvent les végétaux chlorophylliens (« plantes vertes »), mais il peut aussi s'agir de bactéries. Grâce à la chlorophylle qu’ils renferment, les végétaux chlorophylliens sont capables d'utiliser l'énergie solaire pour élaborer leur propre matière organique, par le processus de photosynthèse.
Les consommateurs dépendent des producteurs pour leur énergie et pour les éléments nécessaires à leur croissance. Ils rassemblent l’ensemble des animaux. Les animaux herbivores, qui se nourrissent directement des plantes (producteurs) sont des consommateurs primaires, tandis que les animaux carnivores (prédateurs et charognards), qui consomment les herbivores, sont des consommateurs secondaires. Les prédateurs qui s’attaquent à des animaux eux-mêmes carnivores sont des consommateurs tertiaires. Parmi eux, on appelle superprédateurs ceux qui se trouvent au sommet des chaînes alimentaires, c’est-à-dire qui n’ont eux-mêmes aucun prédateur.
Les décomposeurs se nourrissent de matière organique inerte (cadavres d’animaux, végétaux morts, débris comme les feuilles mortes ou les brindilles, liquides organiques…). Ils rassemblent les êtres vivants saprophages ou détritivores : bactéries, champignons, invertébrés, mais aussi animaux nécrophages (charognards). En dégradant la matière organique inerte, l’ensemble des décomposeurs finit par la transformer en éléments minéraux qui retournent au milieu – et peuvent à nouveau être utilisés par les producteurs.
La succession « producteur, consommateur primaire, consommateur secondaire, consommateur tertiaire et décomposeur » constitue une chaîne alimentaire. Cependant, beaucoup d'animaux sont omnivores : ils appartiennent à plusieurs niveaux trophiques, et il est difficile de les situer au sein d'une chaîne alimentaire. En fait, les chaînes alimentaires d’un écosystème sont toutes interconnectées, souvent à différents niveaux. C'est pourquoi on parle plutôt de réseaux trophiques.
Dynamiques des populations prédateurs/proies et équilibre des écosystèmes
Le nombre de proies d'un écosystème détermine celui de leurs prédateurs. Imaginons une forêt peuplée de martres et d'écureuils, leurs proies habituelles. Si le nombre de martres tend à augmenter, celui des écureuils va légèrement diminuer. Ayant donc moins de nourriture, les martres vont se raréfier (soit par mortalité, soit par émigration vers d'autres forêts), et les écureuils deviendront à nouveau plus abondants, et ainsi de suite. Il se crée donc, dans le rapport de nombre entre prédateurs et proies, de lentes oscillations qui équivalent à un équilibre.
La présence des prédateurs est garante du bon fonctionnement des écosystèmes. Ils assurent une sélection en capturant les individus malades ou âgés. Le loup et le lynx, par exemple, n'ont jamais décimé ni les cerfs ni les chevreuils d'Europe, mais seulement assuré une sélection efficace au sein de leurs populations. La densité de ces cervidés est quant à elle déterminée par la quantité de nourriture disponible. S'ils tendent à devenir trop nombreux – parce que leurs prédateurs disparaissent –, plusieurs facteurs de régulation peuvent se mettre en place : une épidémie peut rétablir leur nombre à un niveau raisonnable, certains peuvent émigrer vers d'autres lieux, ou encore, comme ils exercent une pression trop forte sur la végétation, celle-ci se raréfie, et les herbivores redeviennent moins nombreux faute de ressources alimentaires.
L’exemple de la réintroduction du loup gris (Canis lupus) dans le parc naturel de Yellowstone, aux États-Unis, illustre bien l’importance des prédateurs dans le fonctionnement d’un écosystème. Ce parc avait perdu le loup, exterminé par la chasse, dans les années 1930. Il y a été réintroduit en 1995. On a vu alors se produire toute une cascade d’événements touchant l’ensemble du parc : les élans (ses proies principales), qui s’étaient multipliés au-delà de la capacité de leur milieu (en dépit d’une certaine prédation exercée par les ours noirs et les grizzlis, les couguars et, dans une moindre mesure, les coyotes), ont à nouveau vu leur population limitée (10 000 individus aujourd’hui, le double au milieu des années 1990). De plus, la pression de prédation venant des loups a conduits les élans à se déplacer en permanence. Ces deux facteurs ont permis à plusieurs espèces végétales, notamment les saules poussant au bord des cours d’eau, de pousser à nouveau librement – alors qu’auparavant leurs jeunes pousses, littéralement rasées par les élans sédentaires, n’avaient aucune chance de se développer. Le retour des jeunes saules, indispensables aux castors, a permis le rétablissement de ces derniers : ils se répartissaient, en 2011, en neuf colonies, contre une seule, résiduelle, avant le retour du loup. Derrière les barrages des castors se sont réinstallées des plantes aquatiques qui avaient besoin de ces plans d’eau, et des poissons appréciant leurs eaux fraîches et ombragées. Devenus robustes, les saules des rives accueillent des oiseaux nicheurs. Et ce n’est pas tout : les carcasses laissées par les loups bénéficient également à de nombreuses espèces qui se comportent, en permanence ou de façon ponctuelle, en nécrophages – corbeaux, lynx, ours (surtout au sortir de l’hibernation), gloutons, pies, coyotes… Avec le retour du superprédateur, c’est ainsi tout l’écosystème qui se restaure progressivement et retourne à son équilibre d’origine.
Les cycles écologiques
Pour survivre, les membres des populations qui composent la biocénose d'un écosystème doivent satisfaire leurs besoins énergétiques. L'énergie arrive essentiellement sous la forme de lumière solaire. Cette énergie entrante, par ses transformations et ses transferts, est à la base du fonctionnement de tout écosystème. Ce fonctionnement fait intervenir des producteurs, des consommateurs et des décomposeurs (minéralisateurs). Ces derniers fragmentent la matière organique morte pour s'en nourrir (champignons, vers, certains insectes…) : leur rôle est essentiel dans le recyclage de cette matière. À la fin du processus, la matière organique est réduite à ses composants minéraux, qui seront à nouveau absorbés par les végétaux.
Ainsi le fonctionnement des écosystèmes est-il cyclique. Les cycles écologiques ou cycles biogéochimiques (cycle du carbone, de l’azote, du phosphore…) ont des parties communes (par exemple le passage de ces éléments dans les organismes vivants) et des parties distinctes. L'eau suit également un cycle écologique, dans lequel elle prend différentes formes – liquide, gazeuse et solide. (→ cycle de l'eau.)
4.3. Rendement des écosystèmes et pyramides écologiques
La masse vivante des écosystèmes est appelée biomasse, son accroissement est la productivité. L’accroissement de la biomasse végétale est appelée productivité primaire, l’accroissement de la biomasse des consommateurs, productivité secondaire.
On peut représenter les liens alimentaires qui unissent les producteurs et les consommateurs sous la forme de pyramides écologiques : pyramide de biomasse, où chaque gradin représente la masse vivant d’un niveau, ou pyramide de productivité, où chaque gradin correspond à l’énergie d’un niveau disponible pour le suivant.
La base des pyramides écologiques est généralement beaucoup plus large que le sommet : en effet, il y a beaucoup plus de biomasse végétale que de biomasse d'herbivores, et plus de biomasse herbivore que de carnivores, de même qu’entre chaque niveau trophique et le suivant, la productivité décroît de façon considérable. De fait, l’assimilation des nutriments chez les animaux (alimentation, digestion) n’est pas un processus efficace à 100 % ; de la nourriture ingérée, ils n’en assimilent qu’une fraction. En réalité, en moyenne, seulement 10 % de l’énergie disponible d’un niveau sont convertis en biomasse au niveau supérieur (la plus grande partie de l'énergie n'est pas utilisée sous forme de biomasse, mais dépensée) : cette mesure est l’expression du rendement énergétique des écosystèmes. Les pyramides écologiques montrent qu’il est faible, et ce même pour les écosystèmes les plus productifs.
5. L'évolution des écosystèmes
À l'échelle historique, voire sur la durée d'une vie, on peut observer les phases du développement des écosystèmes (leur établissement peut cependant requérir des centaines, voire des milliers d'années). Chacun d'eux subit des modifications permanentes qui se traduisent dans la structure des biocénoses.
5.1. Les successions écologiques
Lors de la conquête d'une zone vierge par les espèces vivantes ou, plus fréquemment, lors de la restauration de l'environnement naturel après perturbation de celui-ci, les populations végétales et animales qui composent la biocénose se succèdent suivant une séquence déterminée. Cette « succession écologique » peut – en l’absence de toute activité ou intervention humaine – aboutir à un état d'équilibre relativement stable appelé climax. Étape finale de l'évolution d'un écosystème, le climax représente cependant plus un concept théorique qu’une réalité concrète. La forêt, aboutissement de l’évolution des prairies par exemple, est un exemple de climax.
L'existence des successions est facile à observer à partir d'un sol nu. Dans les stades initiaux, le sol est colonisé par des espèces pionnières (mousses, lichens, graminées) accompagnées d'une faune peu abondante. Puis apparaît progressivement une végétation buissonnante, à laquelle succèdent les premiers arbres. Cette évolution s'accompagne de modifications au sein du peuplement animal. On observe alors une complexification croissante de l'organisation des diverses communautés et des chaînes, ou réseaux, alimentaires.
Une succession primaire commence à partir d'une surface nue où aucune végétation ne l'a précédée (formation d'une île volcanique, par exemple) tandis qu'une succession secondaire s'établit à partir d'un milieu dont le peuplement a été détruit (incendie, défrichement, érosion).
Sous certaines pressions, en particulier l'exploitation humaine intensive, des destructions successives conduisent à une évolution régressive, menant à des stades dégradés ou peu évolués, souvent voisins dans leur aspect des stades pionniers, ou, dans les cas extrêmes, à des espaces désertifiés. Toute la surface d'un territoire n'évolue donc pas, en fonction des circonstances locales, vers l'écosystème régional optimal.
Un état stable influencé par les activités humaines est appelé paraclimax. C’est le cas de la plupart des landes, issues d’une déforestation ancienne et maintenues par le pâturage ; en l’absence de ce dernier, elles sont à nouveau colonisées par des arbres. La garrigue et le maquis sont eux aussi des paraclimax.
5.2. La paléoécologie
De nombreux écosystèmes sont le produit de successions anciennes. L'analyse de restes végétaux donne des indications sur la constitution des paysages disparus. Par exemple, on compare la fréquence relative des pollens de différentes plantes à l'intérieur de tourbes plus ou moins anciennes (leur acidité favorise la conservation du pollen), ou on analyse les charbons de bois prélevés dans les foyers préhistoriques, pour reconstituer l'évolution des paysages durant les périodes glaciaires. L'étude de l'évolution des écosystèmes au cours des ères géologiques est l'objet d'une discipline commune à l'écologie et à la paléontologie (ainsi qu'à l'étude de la préhistoire), la paléoécologie. Les données paléoécologiques se révèlent d'une grande importance pour les sciences de l'évolution. En effet, les facteurs écologiques sont déterminants dans l'évolution des espèces : ils représentent ce que le naturaliste britannique Charles Darwin (1809-1882) a nommé sélection naturelle.
6. Les services rendus par les écosystèmes
Les hommes tirent de nombreux avantages et bénéfices, directs comme indirects, du fonctionnement des écosystèmes. Cette notion de services rendus – gratuitement – par les écosystèmes, ou services écosystémiques, si elle n’est pas nouvelle, a été formalisée en 2005 par le projet onusien d’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire (Millenium Ecosystem Assessment).
On distingue quatre grands types de services écosystémiques :
• les services d’approvisionnement : ils correspondent aux matières et matériaux fournis à l’homme par les écosystèmes, comme la nourriture (produits de la pêche, de la chasse, de la cueillette, de l’agriculture), l’eau potable, les matériaux de construction (bois, terres argileuses, jonc, paille…), les combustibles (bois, tourbe, bouses de certains animaux…), les fibres naturelles (coco, sisal, jute, raphia, jonc, kapok, etc.), les substances médicinales – l’OMS estime que 80 % de la population mondiale dépend de substances médicinales issues d’espèces sauvages –, etc. ;
• les services de régulation : les écosystèmes en bonne santé interviennent notamment dans la régulation du climat (évapotranspiration, stockage du CO2 par les forêts), assurent l’épuration de l’eau (rôle de filtres naturels des zones humides), et jouent un rôle de prévention contre les catastrophes naturelles (sécheresse, inondations, glissements de terrain, etc.) en régulant les débits d’eau, en fixant les sols et en les protégeant contre l’érosion ;
• les services culturels : ils incluent les valeurs esthétiques et récréatives (activités de loisirs) des écosystèmes, et leurs valeurs spirituelles et éducatives ;
• les services de soutien : ils assurent le maintien des conditions favorables à la vie sur Terre en assurant les cycles biogéochimiques – ce qui permet la production d’oxygène (notamment par les forêts, comparées aux poumons de la planète), la formation et la stabilité des sols et le maintien de la vie –, ils offrent l’habitat de tous les êtres vivants, etc.
Les services écosystémiques dépendant tous de la biodiversité, qui augmente la capacité des écosystèmes à réaliser leurs services écologiques.