désir sexuel
Le désir sexuel peut être considéré comme ce qui constitue les mobiles de l'activité sexuelle, qu'il s'agisse de la pulsion, de la libido, de l'appétit sexuel, ainsi que de l'intérêt, de la motivation et de l'excitation sexuels.
On pourrait, compte tenu de l'origine et de la nature mêmes du désir, se demander s'il existe un désir qui ne soit pas « sexuel ». La même interrogation concerne d'ailleurs aussi bien la libido et la pulsion, notions complexes que les psychanalystes situent dans « l'équipement instinctuel » des personnes et qui relèvent du domaine de l'inconscient.
1. Les caractéristiques du désir sexuel
Le désir qui s'exerce dans le domaine de la sexualité produit les phénomènes suivants :
• activation de l'excitation sexuelle par une chose, une personne réelle, une représentation, un fantasme – il s'agit dans tous les cas de l'« objet du désir sexuel » ;
• tension active de la personne vers l'objet désirable (réel ou imaginaire) ;
• production de fantasmes et de scénarios relatifs à l'objet désirable, à l'activité sexuelle attendue, au plaisir (→ fantasme) ;
• orientation du comportement vers la satisfaction du désir : ce sont les jeux de séduction, et l'ensemble des comportements de « cour », dont on observe combien ils codifiés et ritualisés chez les animaux – chez les humains, les rituels varient selon les époques et les cultures.
1.1. Origines du désir sexuel ?
On lui attribue en général deux sources :
• une composante interne, la pulsion, dont la manifestation sexuelle générale peut être identifiée à la libido. Tout être humain est doté de cet « équipement biologique », à l'origine de toutes les formes instinctuelles qui contribuent en effet au maintien de la vie (faim/alimentation), à sa défense (combativité, agressivité), à sa perpétuation à travers la reproduction (sexualité). Le désir, ancré dans l'inconscient, apparaît comme une expression psychique plus élaborée de la pulsion et de la libido, parce qu'il est associé à une émotion, le plaisir, et qu'il est source d'une activité psychique intense, représentée par le fantasme.
• une composante externe, l' « objet », chose ou personne, distinctes et extérieures, ou bien « représentation psychique », élues pour satisfaire sexuellement la pulsion et la libido de l'intéressé (→ choix d'objet).
1.2. Les manifestations du désir sexuel ?
Elles sont rarement silencieuses, sauf dans les romans ou chez certaines personnes dont l'inhibition et la faible estime de soi sont des facteurs limitants, les incitant à préférer taire ou ignorer leur désir.
• L'attirance. Chez les deux sexes, il y a d'abord l'attirance : pour une personne, mais souvent pour un détail ou un point particulier – la voix, un geste, une posture, un regard, un mot, un vêtement – ou même un contexte qui rend désirable l'objet. Ce détail « fait » ensuite l'objet, il l'incarne ou le représente, et, tel une « porte d'entrée », il permet aussi d'accéder à sa globalité. Ce détail est spécifique, mais il est l'écho sans aucun doute d'une expérience ancienne et oubliée.
L'attirance agit comme un aimant (dans tous les sens du terme) et active le désir.
• L'activation sexuelle. Chez la femme comme chez l'homme, l'attirance produit deux effets, physique et psychique :
– l'excitation sexuelle, qui peut difficilement se produire à l'insu de l'intéressé. Chez l'homme, les manifestations génitales sont patentes, véritable « boussole » de l'excitation et du désir sexuels (voir appareil génital). Chez la femme, l'émoi physique peut être plus discret, mais on ne peut ignorer les manifestations neurovégétatives, les signes encore plus évocateurs lorsqu'ils sont génitaux, les sensations de « jambes molles », les rougeurs, l'émotivité paroxystique…
– simultanément, la personne est envahie psychiquement par la représentation de l'objet de son désir, par le « détail » signifiant et par ses propres états émotionnels qu'il s'agit de contenir (mais auxquels il serait si bon de s'abandonner). Et aussi par une intense activité fantasmatique, centrée sur l'objet de son désir et la possibilité d'y accéder, non dénuée d'inquiétude ou d'anxiété, voire d'agressivité.
Le problème est de parvenir au but, de conquérir l'objet. Scénarios, plans, stratégies défilent. Questions taraudantes : en est-on capable (estime de soi ? narcissisme ? confiance ?) ? Et l'autre, qu'éprouve-t-il (elle) ? Où en est-il (elle) ? Peut-on espérer une réciprocité ? Existe-t-il des obstacles ? Sont-ils surmontables ? Peut-on différer longtemps la satisfaction de son désir et le plaisir attendu ? Et « après », bonheur ? Déception ? Et comment continuer à vivre « normalement »?
1.3. Le rôle du contexte
• Aspect culturel, familial et éducatif. Le désir sexuel a certainement des expressions diverses selon l'éducation reçue, la présence ou non d'un environnement religieux, les traditions culturelles. Les variables familiales et culturelles jouent un rôle, facilitateur ou répressif, en ce qui concerne les modalités de l'expression du désir sexuel, plus ou moins canalisé, contrôlé, encadré, ritualisé. Elles n'ont aucun impact sur les manifestations intimes bio-psycho-sexuelles du désir, à l'exception peut-être de la culpabilité ou de la honte. Les manifestations intimes du désir sexuel, d'ordre physiologique, biologique, hormonal, physique et psychologique sont universelles.
• Aspect psycho-social. Le contexte social intervient non seulement sur l'expression du désir sexuel mais aussi sur ses caractéristiques. Par exemple, le groupe, la fête, les vacances, le climat, la disponibilité psychologique, la prise de substances festives, ont un effet activateur sur le désir sexuel – en particulier sur son intensité, sur l'excitation sexuelle, les critères de désirabilité de l'objet du désir, l'urgence de conclure, et probablement, sur l'activation de tendances agressives.
• Aspect psychologique. Les caractéristiques psychologiques des individus ont un impact certain sur le désir sexuel.
On peut penser que les personnes dont la personnalité est extravertie, avec des traits d'hyperactivité, d'hyperthymie (allant, curiosité, goût de la nouveauté, goût des relations humaines, intérêt pour autrui), dont on dit qu'elles « aiment la vie », ont une libido affirmée, et par conséquent une sexualité « en éveil », c'est-à-dire un désir sexuel facilement activé. Il ne s'agit pas pour autant de donjuanisme ni d'« hypersexualité », mais d'un goût patent pour les choses du sexe, ainsi que d'une sensibilité aiguisée pour la désirabilité d'autrui. Ces personnes savent généralement comment s'adresser à l'objet de leur désir et parviennent sans difficulté à leurs fins. Leur goût pour le plaisir, pour le plaisir partagé ou sa promesse, pour la virilité ou la féminité du (de la) partenaire est certainement communicatif.
En revanche, les personnes introverties, inhibées, dotées d'une faible estime de soi ont probablement sinon un trouble du désir sexuel, du moins des difficultés, tant dans ses manifestations perçues que dans son expression. Le désir pourrait ainsi déclencher chez l'intéressé angoisse, crainte ou culpabilité selon les traits psychologiques dominants. En effet, s'il est convaincu de son échec et de son incompétence sexuelle et relationnelle, l'intéressé réprimera son excitation sexuelle, en souffrira, se détournera de l'objet du désir. Il n'est pas exclu qu'il développe un sentiment négatif envers lui-même et envers autrui, tandis que se renforcera son sentiment douloureux d'infériorité. La phobie sexuelle n'est pas loin, mais dans certains cas, l'agression sexuelle non plus.
2. Les variations du désir sexuel
Le désir sexuel peut varier en fonction de l'âge, du sexe, de l'état hormonal, mais aussi de la libido et de l'objet du désir. Il peut également faire l'objet de véritables troubles.
2.1. En fonction de l'âge et du sexe
• L'enfance. Le désir sexuel, selon les psychanalystes, n'a pas d'âge, puisque l'enfant tout petit en est pétri. C'est le stade de l'auto-érotisme, de l'amour du sein de la mère, puis des premiers émois liés à une personne réelle. Qui n'a pas connu ces émois enfantins auprès d'une tendre nounou, d'une jolie tante, de cousin(e)s séduisant(e)s, voire d'un(e) enseignant(e) ? (voir aussi développement de l'enfant).
• L'adolescence. Le désir sexuel connaît un âge d'or chez l'adolescent et le jeune adulte. Il semble exister un décalage entre filles et garçons.
– Chez les garçons, l'excitation sexuelle est plutôt de l'ordre d'une excitabilité très vive, l'adolescent étant prêt à désirer tout ce qui peut donner lieu à une relation sexuelle. Cette excitabilité ne doit pas être entièrement confondue avec le désir sexuel qui suppose l'existence d'un objet spécifique. Bien souvent chez l'adolescent, toutes les filles sont désirables.
– Chez les filles du même âge, cette excitabilité sexuelle physique n'est pas présente avec la même intensité. Mais les comportements de séduction, les jeux amoureux et sexuels précoces, les préoccupations romanesques sont des équivalents psychiques et comportementaux féminins de l'excitabilité sexuelle physique des garçons.
• Avec l'âge, le désir sexuel peut s'émousser. Il semblerait qu'il perdure plus longtemps chez les femmes, peut-être du fait de la prédominance de la composante psychologique.
2.2. En fonction de l'état hormonal
Chez l'adulte, en dépit de leur intégration psychique, les effets de la libido et du désir demeurent étroitement dépendants de la production hormonale. Par exemple, la diminution avec l'âge de la testostérone, principalement chez l'homme mais aussi chez la femme au moment de la ménopause, entraîne une diminution du désir et de l'excitation sexuelle, voire des troubles de l'érection – c'est d'ailleurs pourquoi les anti-androgènes (anti-testostérone) sont utilisés pour traiter l'hypersexualité et certains pédophiles (→ hormonothérapie). Inversement, la grossesse et son « inondation » hormonale augmentent souvent le désir sexuel chez la femme.
2.3. En fonction de la libido
Le désir sexuel est une expression de la libido, comme de la pulsion sexuelle. Si l'on compare la pulsion à une énergie, la libido en serait la puissance et le désir le « canal » et la finalité pulsionnelle. Les individus ne sont pas égaux face à la pulsion et à la libido, et les données de la psychanalyse, pionnières dans ce domaine, se trouvent aujourd'hui confortées par la biologie du tempérament et de la personnalité. Toutefois, le désir sexuel a de fortes connotations psychologiques. Ainsi, un individu doté d'une pulsionnalité et d'une libido moyennes peut avoir des désirs sexuels impérieux, dopés, activés par l'« objet du désir » et ses caractéristiques.
2.4. En fonction de l'objet du désir
La nature de l'objet sexuel donne au désir des caractères propres et à l'intéressé une identité spécifique. En effet, si l'objet sexuel est traditionnellement incarné par une personne du sexe opposé, on observe de nombreuses variantes.
• Désir homosexuel. L'objet du désir sexuel est ici nécessairement du même sexe (→ homosexualité). Hormis les cas de bisexualité, l'excitation sexuelle et a fortiori le coït sont alors impossibles avec un partenaire de l'autre sexe.
Le désir sexuel demeure identique dans ses caractéristiques. En revanche, sa mise en œuvre, la nature des fantasmes, l'activité correspondante, et enfin l'identité sexuelle sont spécifiques du désir homosexuel (→ rôles sexuels). Il semble bien s'agir ici de l'« objet » et non de la libido ni de la pulsion sexuelle, largement indifférenciée. C'est bien de la signification « sexuelle » de cet objet pour l'intéressé qu'il s'agit, et du plaisir attendu.
• Pédophilie. En dehors de toute considération morale ou juridique, un commentaire analogue peut-être fait pour le pédophile et le choix de son objet sexuel. La connotation identitaire est lourde de conséquences, de même que la position sociale du pédophile. Toutefois, on observe en général chez de très nombreux pédophiles une faible activité sexuelle, témoignant d'une faible pulsionnalité sexuelle. Leur fantasmatique est en outre particulière : plus esthétique et infantile que franchement sexuelle, ou bien sadique, avec des phénomènes d'emprise, compatibles avec la dénomination de « prédateur ».
• Paraphilies. L'objet sexuel détermine encore ici l'identité sexuelle de l'intéressé. Le problème est celui du contrôle social (y compris juridique, le cas échéant) des paraphilies – autrefois appelées « sexualités déviantes » – et de l'impact de ce contrôle sur l'activité sexuelle des intéressés.
2.5. Les troubles du désir sexuel
Si le désir sexuel connaît des variations « normales », il existe de véritables états pathologiques, qui touchent hommes et femmes.
Dans les cas d'anhédonie (impossibilité d'éprouver du plaisir), la question se pose naturellement. Mais c'est un syndrome rare, en général symptomatique d'une affection psychiatrique ou somatique, ou encore d'un état d'épuisement.
Dans les cas de troubles de l'érection, le problème est plus complexe, en particulier chez l'homme jeune. On peut désormais aborder ces difficultés et les traiter. Il ne faut jamais oublier que les causes sont intriquées et que le facteur psychologique doit être pris en compte. En effet, l'érection suppose un désir et une fonction en état. Restaurer la fonction ne restaure pas nécessairement le désir. Il semble que les médications de l'érection puissent aider à faire la part des choses et à distinguer les troubles du désir d'un trouble mécanique. Il reste à analyser plus finement les ressorts psychologiques de ce déficit, sans omettre la possibilité d'une conversion hystérique ou d'un syndrome dépressif.
La frigidité féminine pose des problèmes difficiles, mais un traitement est possible.
3. Le désir sexuel et le couple
Les déterminants qui fondent le couple sont divers. La sexualité en est l'un des plus importants. S'il existe des unions sans sexualité, cela confère rarement aux partenaires le statut de « couple ». L'absence de sexualité rend en effet difficile l'existence et le maintien d'un couple « harmonieux ».
3.1. Rôle du désir sexuel dans le couple
S'il n'y a pas de couple heureux sans sexualité harmonieuse, c'est que chacun des conjoints doit éprouver de manière élective et durable un désir sexuel pour son partenaire, désir partagé, désir attendu, désir fiable. Le désir sexuel a une fonction de réassurance narcissique pour chacun, qu'il conforte dans sa capacité à être désiré et à satisfaire son partenaire. Le désir sexuel est aussi une promesse de plaisir et d'intimité, de « renaissance » amoureuse et complice. En ce sens, il intervient de manière « dynamique », comme une sorte de réactivation de la relation amoureuse du couple.
3.2. Évolution du désir sexuel dans le temps
Certains couples éprouvent de manière permanente un désir sexuel mutuel. Ce désir déclenche une sorte d'émotion élective liée au conjoint, résistant au temps. Et s'il arrive que l'activité sexuelle diminue, que le désir soit moins vif, l'émotion élective perdure comme témoin, comme trace de ce qui constitue, dans un couple, le désir sexuel. La tendresse des vieux couples s'exprime par des gestes, des mots, une sorte de « cadence » et d'harmonie des échanges, qui en disent long sur leur intimité, leur complicité amoureuse, et finalement leur vie amoureuse et sexuelle, qui fonde la singularité de leur couple.
D'autres couples n'ont pas cette chance, que le désir s'émousse et disparaisse avec le temps chez chacun ou que l'un des partenaires déplace son désir ailleurs.
Enfin, le désir fluctue, au gré de l'évolution de la vie professionnelle, des contraintes familiales, des naissances... Les crises au sein du couple sont banales et fréquentes. Non sans risques, elles sont en général surmontées et contribuent à le rendre plus solide. Le désir sexuel connaît alors en général un regain de vigueur, ce qui atteste qu'il était latent au cours de la crise.
3.3. Risques liés au désir sexuel pour le couple
Les avatars du désir sexuel sont à la fois fréquents dans un couple, et critiques. Le désir sexuel est un peu le baromètre de l'entente du couple. Parmi tous les facteurs qui assurent les liens et la pérennité du couple, la sexualité et par conséquent le désir sexuel en sont les principaux. De sorte qu'on a pu dire que si le désir sexuel demeurait vivant au sein d'un couple par ailleurs en conflit ouvert et déchiré, le plus souvent rien n'était perdu. L'inverse est malheureusement presque toujours faux. La meilleure entente sur les plans intellectuel, philosophique, religieux, financier, pas plus que l'amour des enfants, ne suffisent habituellement à faire un couple. Une simple « association », sans une sexualité vivante, forme la plupart du temps un couple bancal.
L'un des problèmes qui se pose alors au couple est d'entretenir son désir, comme un « feu sacré », le protégeant des aléas de la vie, des rivaux éventuels, de la monotonie. Les conjoints doivent partager à part égale ce souci.
Certains trouvent des solutions qui semblent aventureuses, voire dangereuses : l'adultère, les aventures peuvent apparaître comme des stimulants pour les deux conjoints. D'autres font des pauses ou aménagent des fenêtres dans leur vie commune, « s'aèrent », se renouvellent. Mais ce n'est pas sans risque, car on apprend ainsi à se passer l'un de l'autre ; il n'y a plus ni partage ni communauté, le désir sexuel peut sembler décalé, presque incongru et violent, et la sexualité inauthentique. Il y a aussi ceux qui parviennent mutuellement à prendre le relais de l'autre et ils sont tour à tour la locomotive du désir sexuel des deux.