animation

(latin animatio)

Toute méthode consistant à filmer image par image des dessins ou des marionnettes qui paraîtront animés sur l'écran.

CINÉMA

1. L'ère des pionniers

C'est le Belge J. Plateau qui construit le premier appareil donnant l'illusion du mouvement : le phénakistiscope (1832). Ensuite, le Britannique William George Horner (1786-1837) met au point le zootrope (1834), ou tambour magique, qui ouvre la voie aux premiers auteurs de dessins animés. Inventeur du « praxinoscope » (1876), É. Reynaud fait la démonstration de son « théâtre optique » en 1888 et poursuit ses expériences, en 1892, avec ses Pantomimes lumineuses. Profitant de l'invention du cinématographe, É. Cohl, dessinateur et scénariste pour la firme Gaumont, découvre les truquages de l'Hôtel hanté (1906), un film de James Stuart Blackton (1875-1941). Il les étudie, et décide de les appliquer en filmant des personnages qu'il dessine ; il réalise ainsi Fantasmagorie (1908), le premier d'une longue série de dessins animés.

2. L'école américaine

S'engageant de plus en plus dans la voie du dessin animé, Blackton réalise Little Nemo (1911), adaptation de la bande dessinée de W. McCay. Charles Bowers (1889-1946) se spécialise dans les films de marionnettes en plastique, et dans ceux qui font alterner prises de vues réelles et séquences d'animation (série des Bricolo, à partir de 1926). Max Fleischer (1889-1972) et son frère Dave (1894-1979) triomphent avec plusieurs séries, dont celles des Betty Boop (1932-1939) et des Popeye (1933-1942) ; ils seront aussi les premiers à transposer Superman en dessin animé (1941-1942).

W. Disney fonde ses studios dès 1923. Il invente la souris Mortimer, rebaptisée Mickey Mouse, qui profite de l'avènement du cinéma sonore et sera la vedette de cent dix-huit films. Disney est en outre le promoteur du dessin animé musical (Silly Symphonies, 1928-1938). Avec Blanche-Neige et les sept nains (1937), il aborde avec brio le long-métrage. Spécialité américaine, le toon (terme venant de cartoon et signifiant « personnage ») devient une activité à part entière des grands studios. Ainsi vont se populariser les noms du pivert Woody Woodpecker, du lapin Bugs Bunny, du cochon Porky, du canard Daffy, du chat Sylvestre, ou encore de Roadrunner (le « Bip Bip »), l'oiseau à la vitesse supersonique qui lutte contre le Coyote du désert. Tom et Jerry, le chat et la souris vedettes de la MGM (Metro-Goldwyn-Mayer), seront récompensés par sept Oscars.

Tex Avery innove avec des personnages caractériels : l'écureuil fou Casse-Noisette, le chien mélancolique Droopy ou le loup obsédé sexuel et le Chaperon rouge sexy. Chez lui, des cuirassés tombent du ciel, des chats et des canaris deviennent plus gros que des planètes, les lions perdent la raison à cause des souris et les chiens aiment leur puce d'amour fou…

En portant à l'écran, dans Fritz the Cat (1971), le personnage du chat obsédé sexuel inventé par R. Crumb, Ralph Bakshi (né en 1939) impose une vision pour adultes dans un dessin animé de long-métrage. Dans la continuité de Disney, Don Bluth (né en 1937) réalise quant à lui des longs-métrages d'animation pour enfants (Fievel et le Nouveau Monde, 1986).

Les effets spéciaux conçus par ordinateur (→ image de synthèse) interviennent désormais dans de nombreux films d'animation. G. Lucas, dans sa série la Guerre des étoiles (1977-1999), et S. Spielberg, dans Jurassic Park (1993) et Jurassic Park 2 – le Monde perdu (1997), intègrent des images virtuelles. Spielberg, par ailleurs, confie à Robert Zemeckis (né en 1952) la réalisation de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? (1988), où les toons partagent la vedette avec les stars. Ainsi, Disney parvient à se renouveler (le Roi Lion, de Roger Allers et Bob Minkoff, 1994 ; Pocahontas, de Mike Gabriel et Eric Goldberg, 1995), utilisant à plein les ressources informatiques et les talents du studio Pixar. Toy Story (John Lasseter, 1995) est de ce point de vue un événement que le Monde de Nemo (Andrew Stanton, 2003) égale voire surpasse tant par la qualité technique qu'artistique. Fourmiz (Eric Darnell et Tim Johnson, 1998) puis Shrek (Andrew Adamson et Vicky Jenson, premier dessin animé en compétition au Festival de Cannes, 2001), chez S. Spielberg (DreamWorks), suivent le même chemin, et témoignent aussi de l'incessant renouvellement du cinéma d'animation américain. En 2015, le film Vice-versa s'illustre en incarnant des émotions à l'aide de personnages humoristiques, et gagne l'Oscar du meilleur film d'animation 2016.

3. L'école française

Le Russe Ladislas Starevitch (1882-1965) devient, après É. Cohl, le pionnier du film de marionnettes. Grand dessinateur, parfois associé de Cohl pour ses films, Benjamin Rabier (1864-1939) réalise seul quelques dessins animés (la série Flambeau, 1920-1922). Marius O'Galop ([Marius Roussillon] 1875-1946) est l'inventeur du bonhomme Michelin et l'auteur de la série Bécassotte (1920-1924).

L'animation peut aussi être affaire d'avant-garde avec Man Ray (Retour à la raison, 1923), F. Léger (le Ballet mécanique, 1924) ou M. Duchamp (Anemic Cinema, 1926). Berthold Bartoch (1893-1968) signe un film en ombres chinoises : l'Idée (1932). Le Russe Alexandre Alexeieff (1901-1982) invente l'écran d'épingles : il s'agit d'un cadre où un million de pointes d'épingles, chacune étant située dans une alvéole, accrochent des lumières latérales, coulissent ou s'enfoncent de manière à jouer des ombres (allant du noir au blanc) et à animer la gravure. Installé en France, Alexeieff applique sa technique à Une nuit sur le mont Chauve (1934).

Inventeur de la bande dessinée Zig et Puce (1925), A. Saint-Ogan s'essaie au dessin animé (Un concours de beauté, 1934). Réalisateur de la série Zut l'hippopotame (1929), André Daix (1905-1976) sera aussi le créateur du Professeur Nimbus (1934).

C'est P. Grimault qui se révèle comme le grand auteur français d'animation. Il tourne en CinémaScope et en couleurs. Collaborant avec Prévert, il réalise la Bergère et le Ramoneur (1953), d'où il tirera son chef-d'œuvre, le long-métrage le Roi et l'Oiseau (1980). D'origine hongroise, Jean Image ([Emerich Hajdu] 1911-1989) trouve le succès avec plusieurs longs-métrages (Jeannot l'intrépide, 1951 ; Aladin et la lampe merveilleuse, 1969 ; le Secret des Sélénites, 1983).

Auteur de dessins animés pour adultes, René Laloux (1929-2004) collabore avec R. Topor pour les Escargots (1965) et le long-métrage la Planète sauvage (1973), puis avec Moebius pour les Maîtres du temps (1982). Il réalise seul Gandahar (1988). Élève de Grimault, Jacques Colombat (né en 1940) utilise la technique du papier découpé (Marcel, ta mère t'appelle, 1962) ou les techniques traditionnelles (Robinson et Cie, 1991). Graphiste innovateur, Jean-François Laguionie (né en 1939) conçoit des œuvres à contenu onirique (la Traversée de l'Atlantique à la rame, palme d'or des courts-métrages à Cannes en 1978 ; Gwen, le livre de sable, 1984 ; le Château des singes, 1999). Avec le conte africain Kirikou et la sorcière, Michel Ocelot (né en 1943) rencontre la critique et le jeune public tout en innovant par son sujet et par le graphisme.

En 2003, les Enfants de la pluie (de Philippe Leclerc, né en 1953), beau récit fantastique, compense par son rythme un graphisme classique. La même année est marquée par le succès des Triplettes de Belleville (de Sylvain Chomet, né en 1963), œuvre inclassable, d'un graphisme crépusculaire, oscillant entre satire et nostalgie. En 2007, le film Persepolis de Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi renouvelle la conception du film d'animation en reprenant fidèlement le roman graphiste en noir et blanc dont il est inspiré. En 2015, le film Le petit Prince reçoit le César du meilleur film d'animation, en grande partie grâce aux images de synthèse combinées à la technique traditionnelle de l'« image par image ». Le film réalisé image par image Ma vie de courgette (2016, Claude Barras) reçoit les César du meilleur film d'animation et de la meilleure adaptation et est nommé aux Oscars en 2017.

4. L'école canadienne

Né en Écosse, N. McLaren s'illustre, à partir de 1939, par des films d'animation réalisés sans caméra. Le Britannique J. Grierson, fondateur en 1939 de l'Office national du film canadien, y fait venir McLaren pour l'associer à tous les procédés : animation de papiers découpés, d'objets, de personnages vivants image par image, peinture à la gouache, abstraction en stéréoscopie, mélange de dessins et de personnages réels… McLaren acquerra un renom international (Alouette, 1944 ; le Merle, 1958 ; Ballet adagio, 1972).

George Dunning (1920-1979) entre à l'Office national du film en 1942, et y réalise des découpages métalliques articulés (Trois Souris aveugles, 1945). Il crée son propre studio, puis, en 1956, il s'installe à Londres, où il s'impose comme le chef de file d'un courant « moderniste » de l'animation (la Pomme et l'Homme volant, 1962). Les Beatles font appel à lui pour leur fresque en dessin animé Yellow Submarine (le Sous-marin jaune, 1968).

5. L'école britannique

D'origine hongroise, John Halas (1912-1995) et sa femme Joy Batchelor (1914-1991) sont les auteurs du premier long-métrage d'animation britannique (Animal Farm, 1954). D'origine australienne, Bob Godfrey (1921-1970) attache son nom à des dessins animés anticonformistes (Kama Sutra Rides Again, 1971). Auteur de dessins animés pour la télévision, Nick Park signe les Aventures de Wallace et Gromit (1989-1996), fables originales qui sont interprétées par un chien et son maître, et dont les figurines sont faites en pâte à modeler. En 2015, Nick Park produit également Shaun le mouton en utilisant les mêmes procédés d'animation.

6. Autres écoles européennes

En Italie, on compte deux grands auteurs : Emanuele Luzzati ([1921-2007] l'Italienne à Alger, 1968) et Bruno Bozzetto ([né en 1938] Vip, mio fratello superuomo, 1968).

En Belgique, les dessins animés, coproduits avec la France et l'Allemagne, sont tirés de bandes dessinées célèbres : Tintin d'Hergé, Astérix de Goscinny et Uderzo, les Schtroumpfs de Peyo. Avec Tarzoon, la honte de la jungle (1974), la verve satirique et provocatrice du caricaturiste Picha (né en 1942) rencontre un succès mondial. Suivent le Chaînon manquant (1980) et le Big Bang (1986).

En Europe de l'Est, ce sont les écoles tchèque et polonaise qui dominent. La première est surtout représentée par J. Trnka et K. Zeman. La seconde l'est par Walerian Borowczyk (1923-2006), qui choisit la technique nouvelle du découpage (les Astronautes, avec le Français C. Marker, 1959), et par Jan Lenica (1928-2001), qui s'installe en France en 1963 (Ubu roi, 1976).

7. L'école japonaise

Parmi la production pléthorique de mangas se détachent les séries Goldorak et Tortues Ninja. Sinon, deux auteurs ont donné à l'animation ses lettres de noblesse : Yoji Kuri (né en 1928), auteur de courts-métrages à l'humour mordant (Love, 1963 ; Samurai, 1965 ; Manga, 1976), et Hayao Miyazaki, qui nous fait entrer dans un monde débordant de féerie et de tendresse (Nausicaa de la vallée du vent, 1984 ; le Château dans le ciel, 1986 ; Princesse Mononoké, 1997 ; le Voyage de Chihiro, 2001). En 2013, le long-métrage Le Conte de la princesse Kaguya de Isao Takahata rencontre également un franc succès grâce à sa poésie, et un graphisme évoquant l'aquarelle.