Sénégal : histoire
Si l'on ne peut projeter exactement sur le passé les frontières relativement récentes (1904) de l'État contemporain du Sénégal, la région sénégambienne a bien été un espace animé par de nombreux brassages de populations, doté d'une histoire très ancienne et connectée à celle des grands empires de l'Ouest africain.
1. Les royaumes précoloniaux
Outre des traces de peuplements paléolithiques et néolithiques, de nombreux mégalithes postnéolithiques, répartis dans la zone du Sine-Saloum et qui semblent avoir servi de tombes, ainsi que des buttes artificielles de terre ou de coquillages, témoignent de populations disparues.
L'essor du commerce transsaharien (or, ivoire, sel, esclaves), à partir du viiie siècle, a soutenu l'épanouissement d'empires médiévaux, jusqu'à ce que le commerce atlantique se développe, à partir du xvie siècle.
1.1. L'empire du Ghana
L'empire du Ghana, fondé par les Soninkés, entre le moyen Sénégal et la boucle du Niger, est mentionné par les auteurs arabes dès le viiie siècle comme le pays de l'or. Les royaumes de Tekrour et de Namandirou, sur les bords de la Falémé, ont été sous son autorité. Le Ghana tombe sous les attaques des nomades almoravides, musulmans rigoristes et prosélytes venus du Nord.
1.2. L'empire du Mali
Alors que les Peuls du Tekrour deviennent musulmans (xie-xiie siècle), les Sérères s'installent plus au Sud. Du xiiie au xve siècle, l'empire du Mali étend sa domination et sa prospérité commerciale du Niger à la Gambie tandis qu'islamisation et Malinkés progressent en Sénégambie.
1.3. L'Empire songhaï
Au xvie siècle, l'Empire songhaï de Gao domine toute la bande soudano-sahélienne, du Sénégal à la boucle du Niger. Il s'appuie sur une armée permanente, une solide administration et domine différents royaumes : le royaume Dyolof (xiiie-xvie siècle), qui aurait été fondé par Ndiadian Ndiaye et qui regroupe à son apogée le pays wolof du bas Sénégal au sud du Cap-Vert et de Sangomar à l'estuaire du Saloum. Le Fouta (ou Fouta-Toro), grenier à mil peuplé de Halpulaar, se situe sur la moyenne vallée du Sénégal. Les Mandingues forment de petites principautés le long de la Gambie et à cheval sur la frontière actuelle du Sénégal et de la Guinée-Bissau.
1.4. Morcellement en petits royaumes
Mais l'essor de l'économie de traite atlantique plonge l'Afrique du Nord dans la crise et une colonne de guerriers partis de Marrakech écrase l'armée songhaï en 1591. À la place de l'empire émergent de petits royaumes, souvent en conflits, qui alimentent en esclaves les forts français du haut Sénégal. Il en va ainsi du Baol et du Cayor, dont le prince inflige une lourde défaite au Dyolof en 1549. En 1695, les trônes du Cayor et du Baol sont réunis, le damel (souverain) Latsuukabe intègre islam et marabouts à son appareil politique et administratif. Il commerce avec les Européens sur la côte et équipe son armée d'armes à feu. La Sénégambie, avec les royaumes du Walo, du Cayor, du Baol en pays wolof, le Sine-Saloum en pays sérère au centre-ouest du Sénégal, est en effet la principale source du trafic d'esclaves du xve jusqu'à la seconde moitié du xviie siècle
Pour en savoir plus, voir l'article traite négrière.
2. Une colonisation précoce
Le Cap-Vert est atteint en 1456 ou en 1460 par le Vénitien Ca'da Mosto, au service du Portugal. En 1617, les Hollandais prennent pied au Sénégal et construisent deux forts à Gorée, tandis qu'Anglais et Français fréquentent l'embouchure du fleuve Sénégal. Les Français deviennent en 1677-1678 maîtres de Gorée. Le premier établissement français dans l'estuaire du Sénégal date de 1639, et celui de Ndar (futur Saint-Louis), de 1659.
La Compagnie du Cap-Vert et du Sénégal, créée par Colbert en 1658, détenait le monopole du commerce français sur les côtes africaines. De la gomme et des esclaves étaient échangés contre des armes, des tissus, des produits de pacotille, avant que les navires de traite repartent vers les Antilles et l'Amérique.
Au xviiie siècle, la France possédait une série d'enclaves côtières, prospère domaine colonial, disputées par l'Angleterre dans la seconde moitié du xviiie siècle, reprises par la France en 1783, pratiquement perdues par la métropole pendant la Révolution et l'Empire. En 1817, après le traité de Vienne qui proclame l'abolition de la traite, la France recouvre ses établissements du « Sénégal et dépendances », en situation précaire.
Sur le bas Sénégal, l'influence des Maures va croissant. Le Torodo Abd el-Kader renverse au Fouta-Toro la vieille dynastie dénianké et met en place une confédération toucouleur (1776).
Les efforts des Français pour développer une traite de produits légaux (cultures tropicales, gomme) sont assez infructueux dans la première moitié du xixe siècle, mais l'arachide apparaît une alternative crédible à partir des années 1840. En 1848, la IIe République abolit l'esclavage et les habitants des communes de Saint-Louis et Gorée sont représentés par un député à l'Assemblée nationale.
3. Seconde colonisation
À la recherche de matières premières et de débouchés, mu par des rivalités internationales, le second Empire lance la conquête des régions intérieures de la Sénégambie. Le gouverneur Faidherbe (1854-1864) fait occuper le littoral du Sénégal au Saloum (Dakar est fondée en 1857), installe des postes militaires en Casamance. Le Toucouleur El-Hadj Omar est défait devant Médine en 1857 et la vallée du Sénégal est soumise à des traités de protectorat.
L'expansion française s'accélère à partir de 1876. Si le Sine demande la protection française en 1877, les campagnes militaires françaises se heurtent à de violentes résistances menées par des peuples (basse Casamance) ou des chefs d'État : Lat Dior (1842-1886), qui a lutté sans succès contre la construction du chemin de fer Dakar-Saint-Louis, est tué à la bataille de Dexxelé.
Le Fouta est définitivement annexé en 1885, le Baol en 1894 et le Dyolof en 1895. Cette année-là est institué un gouvernement général de l'Afrique-Occidentale française (A-OF), dont le siège est fixé à Dakar. Le Sénégal conserve une place privilégiée parmi les colonies du groupe. Saint-Louis, Dakar et Gorée en 1872, Rufisque en 1880 et Dakar en 1887 reçoivent le statut de communes de plein exercice, accordant la citoyenneté française à leurs habitants. À partir de 1904 sont créées des communes mixtes. Le reste de la colonie est soumis au régime de l'indigénat et au travail forcé. Les quatre communes ont le « privilège » d'élire en 1914 un seul député, Blaise Diagne, à l'Assemblée nationale. Celui-ci joue un rôle actif dans le recrutement des tirailleurs sénégalais qui vont participer à la Première Guerre mondiale.
Le même effort est demandé au pays en 1939. La traite de l'arachide est le poste clé de l'économie du Sénégal, dominée par de grandes firmes françaises. Le pouvoir des marabouts à la tête de grandes confréries s'affirme, d'autant qu'ils jouent la carte de la coopération avec l'administration française et contribuent à l'expansion de l'économie arachidière.
Grâce à la politique sanitaire, la colonie connaît une forte croissance démographique (plus d'1,7 million d'habitants en 1939) et un essor urbain unique. En ville, les « évolués » constituent une élite africaine de cadres administratifs, commerciaux et intellectuels, mais restent en situation subalterne, ce qui contribue à susciter leur prise de conscience politique précoce.
4. Le tournant de la Seconde Guerre mondiale
Contrairement à l'Afrique-Équatoriale française (A-ÉF), le gouverneur de l'A-OF, Boisson, reste fidèle à Vichy jusqu'en 1943. Les Sénégalais souffrent des rationnements, du renforcement d'une législation coloniale coercitive, et sont touchés par la mobilisation militaire.
Au lendemain de la guerre – marquée par le massacre de tirailleurs sénégalais en attente de paiement de pensions au camp de Thiaroye, en décembre 1944 –, les revendications politiques deviennent plus radicales, appuyées par le développement du salariat et du syndicalisme.
Les deux députés animateurs de la section sénégalaise de la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO), Amadou Lamine Gueye et Léopold Sédar Senghor (qui fonde le Bloc démocratique sénégalais en 1948, devenu le Bloc populaire sénégalais [BPS] en 1956 avant de se transformer en Union progressiste sénégalaise [UPS] en 1958), participent activement à la création de l'Union française en 1946.
À la suite de la loi-cadre Deferre de 1956, une assemblée territoriale et un conseil de gouvernement à majorité BPS sont élus. Après le référendum de 1958, le Sénégal devient une république au sein de la Communauté.
5. L'indépendance
Senghor, qui cherche à préserver l'influence du Sénégal dans l'ensemble francophone ouest-africain, propose la création d'une fédération, à laquelle le leader ivoirien Félix Houphouët-Boigny est très hostile. En définitive, seul le Soudan français (actuel Mali) se joint au Sénégal pour former, en janvier 1959, la Fédération du Mali, qui accède à l'indépendance le 20 juin 1960 mais éclate dès le mois d'août suivant.
Le 20 août 1960, l'Assemblée sénégalaise proclame l'indépendance du pays. Senghor devient président de la République et nomme Mamadou Dia président du Conseil des ministres. L'entente entre les deux hommes dure peu : Dia préconise un socialisme plus radical (mais non marxiste) que Senghor, qui bénéficie par ailleurs du soutien de Paris. À la faveur d'une tentative de coup d'État, Dia est arrêté en décembre 1962 avec plusieurs de ses amis. Il ne sera libéré qu'en 1974.
6. Le senghorisme
Une révision constitutionnelle, approuvée par référendum en 1963, renforce le caractère présidentiel du régime. Parallèlement, le parti de Senghor, l'UPS tend à devenir parti unique de fait, soit par interdiction de partis adverses (le Bloc des masses sénégalaises du professeur Cheikh Anta Diop en 1963), soit par absorption (parti du Regroupement africain-Sénégal en 1966).
L'effervescence des étudiants de Dakar, en mai 1968, suivie d'une grève générale déclenchée par l'Union des travailleurs sénégalais entraîne une réaction immédiate : l'université est fermée et l'état d'urgence proclamé. Le poste de Premier ministre est rétabli en 1970 et confié à un jeune administrateur, Abdou Diouf.
En 1976, un amendement constitutionnel instaure un tripartisme, dans lequel le parti socialiste (PS, nouvelle dénomination de l'UPS) représente le socialisme, le parti démocratique sénégalais (PDS d'Abdoulaye Wade, le libéralisme, et le parti africain de l'Indépendance (PAI), le marxisme. Le PS demeure très largement dominant et s'institutionnalise, tant au niveau national que local. Le retour au multipartisme intégral en 1981 n'est pas de nature à mettre en danger son hégémonie.
Entre-temps, le 31 décembre 1980, le président Senghor a abandonné volontairement le pouvoir et s'est retiré de la vie politique. Il passera désormais une partie de son temps en France, et son talent de poète, qui a chanté en français les beautés de la négritude, vaut à l'agrégé de grammaire, cofondateur de Présence africaine, créateur du Festival des arts nègres de Dakar, d'être élu à l'Académie française en 1984.
Abdou Diouf lui succède, conformément à la Constitution. Il subit avec succès en 1983 l'épreuve des urnes, obtenant 83,55 % des voix. Mais, signe révélateur, les abstentions s'élèvent à 41 % des inscrits. De nouveau, le poste de Premier ministre est supprimé.
7. Abdou Diouf : le temps des difficultés
Le changement intervenu à la tête de l'État ne constitue pas une rupture. Le musulman Abdou Diouf poursuit la politique engagée par le catholique Senghor : le refus des extrémismes, la discrétion dans l'action, mais aussi la fermeté. Il continue de défendre son pays contre les menées des islamistes soutenus par la Libye. Mais le nouveau président doit faire face à des difficultés que n'avait pas connues son prédécesseur.
7.1. La Casamance
C'est en 1982 qu'est créé, dans la clandestinité, le Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC), indépendantiste, qui n'hésite pas à recourir aux actions violentes. Il estime que la Casamance – coupée du reste du Sénégal par la Gambie et dotée d'une réelle spécificité régionale – est négligée par le pouvoir et sa population originelle, les Diolas, maintenus en état d'infériorité par rapport au reste de la population. Dakar, manifestement, ne parvient pas à trouver de solution, alternant répression et négociation. Les indépendantistes, de leur côté, se divisent entre modérés, conduits par l'abbé Diamacoune Senghor (sans lien de parenté avec l'ancien président), et radicaux, qui mènent des raids à partir de la Guinée-Bissau. Les trêves qui sont signées ne durent guère. Le conflit se militarise : en 1993, pour faire face à l'insurrection, le gouvernement retire son contingent des forces ouest-africaines qui opèrent au Liberia. Il s'ethnicise aussi, avec une certaine diabolisation des Diolas.
7.2. Difficultés économiques et contestation
Les années 1980 voient s'aggraver les difficultés économiques, avec de nouvelles vagues de sécheresse, des attaques ravageuses de criquets (1988) et la généralisation de la crise mondiale, qui provoque une baisse de la demande et des cours des matières premières.
L'ajustement structurel conduit le gouvernement à prendre des mesures d'austérité qui détériorent le climat social. En 1988, Diouf obtient 73,2 % des voix contre 25,8 % pour Abdoulaye Wade au cours d'élections aux résultats contestés.
Le « vent d'est », qui souffle dans toute l'Afrique à partir de la fin de 1989, n'épargne pas le Sénégal, mais prend des formes moins radicales qu'ailleurs, du fait du caractère démocratique du régime. On conteste à Dakar, bastion du PDS, le président Diouf, dont la démission est réclamée ; on manifeste pour exiger une égalité de traitement de la part des médias ; on boycotte les élections locales dont on conteste la validité.
Wade, devenu ministre d'État (mars 1991), se présente contre Diouf à l'élection présidentielle de février 1993 (il obtient 32 % des voix contre 58,4 %). Soupçonné d'être compromis dans l'assassinat (15 mai 1993) du vice-président du Conseil constitutionnel (le seul assassinat politique qu'ait connu le Sénégal), il est emprisonné puis relaxé, et revient au gouvernement en mars 1995.
La vie politique souffre de l'usure profonde du PS, divisé, qui subit une sérieuse érosion de son électorat aux législatives de mai 1998 ; ses cadres, sans doute insuffisamment renouvelés, sont accusés d'incompétence et de corruption par une large partie de l'opinion publique, et spécialement par la jeunesse urbaine, qui se détourne des urnes.
8. L'alternance : Abdoulaye Wade (2000-2012)
En mars 2000, l'élection présidentielle met fin au long « règne » de Abdou Diouf, qui s'incline au second tour devant son adversaire, Abdoulaye Wade (respectivement 41,5 % et 58,5 %), leader historique du PDS et qui a fait campagne sur le thème du Sopi (« changement » en wolof). Le Sénégal connaît pour la première fois depuis quarante ans l'alternance.
L'adoption en janvier 2001 d'une nouvelle Constitution – censée exprimer la rupture et renforcer les prérogatives parlementaires mais confirmant en fait l’orientation présidentialiste du régime – permet au président de dissoudre l’Assemblée dominée par le PS et de convoquer des élections législatives anticipées en avril 2001, remportées largement par le PDS. A. Wade lance un vaste programme de constructions : voies de communication, nouvel aéroport international, nouvelle capitale et retour vers l'agriculture.
Les difficultés s'accumulent après une courte période d'état de grâce. Le pays est bouleversé par le naufrage du Joola le 26 septembre 2002 (1 863 morts) et par l'impunité de ses responsables.
En 2005, alors que le Sénégal a rejoint depuis 2001 les pays les moins avancés (PMA), le président Wade décide de mettre en œuvre une stratégie de croissance accélérée mais les critiques fusent à propos du manque de transparence, de la corruption du pouvoir. De plus en plus coupé de l'intelligentsia, le président nomme en l'espace de quatre ans six gouvernements, quatre Premiers ministres et se trouve confronté à des oppositions au sein du PDS. Idrissa Seck, son Premier ministre de novembre 2002 à avril 2004, longtemps considéré comme son dauphin, est incarcéré pour malversations avant d'être blanchi.
Sur fond de persistance du chômage, de grèves et de « délestages » électriques, A. Wade remporte cependant l'élection présidentielle de février 2007 avec 55,9 % des voix devant ses deux principaux adversaires, I. Seck (14,9 %) et le candidat du PS, Ousmane Tanor Dieng (13,5 %), qui dénoncent de multiples cas de fraude.
Aux élections législatives de juin, boycottées par l'opposition et remportées par le PDS, l'ampleur de l'abstention (qui atteint 75 % à Dakar) jette une ombre sur le « modèle démocratique » sénégalais. Le chef de l'État n'a de cesse d'écarter les rivaux de son fils, Karim, promu « conseiller spécial » et président de l'Agence nationale de l'organisation de la conférence islamique. Macky Sall, Premier ministre depuis avril 2004, est limogé (juin 2007) puis destitué de son poste de président de l'Assemblée nationale (novembre 2008) pour avoir tenté d'auditionner le fils du président.
En Casamance, la situation demeure incertaine malgré l'accord de paix passé le 30 décembre 2004 entre le gouvernement sénégalais et le MFDC, qui paraît de plus en plus affaibli. Après le décès, en janvier 2007, de l'abbé Augustin Diamacoune Senghor, leader historique du MFDC, le mouvement est divisé en nombreuses factions. L'Agence nationale pour la relance des activités économiques et sociales en Casamance met en œuvre un Projet d'urgence d'appui à la reconstruction de la Casamance (Parc).
À la suite de la défaite du PDS aux élections municipales de mars 2009 (Dakar, où se présentait son fils, Karim, tombe aux mains du PS), A. Wade tente de resserrer les rangs du parti. En mai, il nomme son fils ministre de la Coopération internationale, des Infrastructures et de l'Aviation et annonce, dès septembre, sa candidature à l'élection présidentielle de mars 2012.
Dans cette perspective, il tente par une nouvelle réforme constitutionnelle – après, notamment, celle de 2008 qui a réintroduit le septennat – de faire abaisser à 25 % des suffrages exprimés le seuil nécessaire à l'élection dès le premier tour. Sous la pression de la rue, il doit cependant y renoncer en juin 2011 mais maintient sa candidature malgré son âge avancé, son impopularité croissante et l’article 27 de la Constitution de 2001 limitant à deux le nombre de mandats. Ayant été élu en 2000 – alors que la Constitution de 1963 était encore en vigueur – A. Wade décide ainsi de ne pas s’appliquer cette clause et reçoit l’avis favorable du Conseil constitutionnel.
Après de nouvelles manifestations qui tournent à l’émeute, le scrutin se déroule finalement dans le calme : à l’issue du second tour, auquel participent 55 % des électeurs, A. Wade accepte de s’incliner devant son adversaire, l’ancien Premier ministre Macky Sall, qui, à la tête de l’Alliance pour la République (APR, fondée en 2008), l’emporte très largement avec 65,8 % des suffrages. Le nouveau président entre en fonctions le 2 avril et confie le poste de Premier ministre à Abdoul Mbaye.
9. La présidence de Macky Sall (2012-)
En juillet 2012, la mouvance présidentielle représentée par la coalition Benno Bokk Yakaar (« Unis pour un même espoir », en wolof) remporte la majorité absolue des sièges avec 119 députés sur 150, le PDS étant réduit à 12 représentants. En vertu de la nouvelle loi sur la parité adoptée en 2010, 64 femmes sont élues. Seule ombre au tableau, la participation n’atteint que 37 % des inscrits environ.
L’égalité entre l’homme et la femme, la réduction du chômage des jeunes et la lutte contre la corruption figurent parmi les grands objectifs du gouvernement. À la tête d’un cabinet réunissant diverses figures de l’opposition à A. Wade, le banquier et « technocrate » A. Mbaye est cependant démis de ses fonctions en septembre 2013 pour être remplacé par la ministre de la Justice, Aminata Touré. Ancienne fonctionnaire des Nations unies et membre depuis 2010 de la direction de l’APR, cette dernière a notamment participé à la gestion du délicat dossier des « biens mal acquis » – concrétisée par la réactivation de la Cour de répression de l’enrichissement illicite, à l’origine de l’arrestation de Karim Wade, fils de l’ancien président – et de celui, très épineux, de l’ex-président tchadien Hissène Habré. Le 2 septembre, un nouveau gouvernement est formé dans lequel le parti présidentiel voit sa position renforcée.
En juillet 2014, traduisant la renaissance précoce des divisions au sein de la coalition au pouvoir, un deuxième remaniement doit cependant avoir lieu à la suite du revers électoral subi par la mouvance présidentielle aux élections locales considérées comme un test politique. Battue (à Dakar) comme d’autres personnalités associées au gouvernement, à l’APR ou à la famille de M. Sall, la Première ministre est limogée pour être remplacée par Mahammed Boun Abdallah Dionne, un technocrate chargé de la mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent (PSE), dans le gouvernement sortant.
Remportées par la coalition pro-gouvernementale (125 sièges sur 165 avec plus de 49 % des suffrages), les élections législatives de juillet 2017 confortent le président M. Sall.
Le lancement de grands projets dans les infrastructures (à l’instar de la nouvelle ville – et zone économique spéciale – de Diamniadio), est au cœur du PSE, dont bénéficie aussi l’agriculture. Si l’objectif de 60 % n’est pas atteint, le taux d’électrification rurale progresse de 29 % en 2014 à environ 43 % en 2018. Les secteurs des industries extractives et des TIC contribuent aussi à la croissance économique, qui atteint plus de 6 % par an depuis 2014 (7 % en 2017).
Fort de ce résultat, le gouvernement met également en avant, notamment, la couverture maladie universelle, adoptée en 2013, pour défendre son bilan sur le plan social, bien que le taux de pauvreté ne diminue toujours que très progressivement et que les inégalités tendent plutôt à augmenter, l’indice de développement humain restant faible (164e rang sur 189 pays). Par ailleurs, le taux de chômage dépasse 15 % (et 18 % en milieu urbain) en 2017.
La réélection en février 2019 de Macky Sall s’annonce d’autant plus aisée que deux de ses adversaires ont été écartés de la course et que l’opposition est très affaiblie. Le maire de Dakar, Khalifa Sall, déclaré coupable de détournement de fonds publics et incarcéré depuis 2017, ne peut se présenter, de même que Karim Wade (fils de l’ancien chef d’État), en exil, inéligible en raison de sa condamnation en 2015 pour « enrichissement illicite ».
Si elle est suspectée d’être politiquement motivée, cette lutte contre la corruption permet au Sénégal d’être parmi les États africains ayant enregistré des progrès notables en la matière dans les six dernières années, d’après les critères de Transparency International.
Le président sortant l’emporte ainsi dès le premier tour avec plus de 58 % des suffrages devant quatre candidats, dont l’ancien Premier ministre I. Seck (20,5 %) et Ousmane Sonko (15,6 %). En mai, après l’adoption d’une réforme constitutionnelle, le poste de Premier ministre est supprimé. M. Dionne, qui avait été reconduit, reste secrétaire général de la Présidence.
10. La politique extérieure du Sénégal
Le Sénégal entretient avec les pays limitrophes des relations variables. Les conditions de l'indépendance ont été à l'origine de frictions avec le Mali lors de la rupture de la fédération, mais surtout avec la Guinée révolutionnaire de Sékou Touré ; les deux pays ne normalisent leurs relations qu'en 1978. La situation particulière de la Gambie, totalement enclavée dans le Sénégal, est à l'origine de deux interventions militaires de soutien au gouvernement en place (1980 et 1981), puis de la création de la Confédération de Sénégambie prévoyant l'intégration des forces armées des deux pays et une union économique et monétaire. Cette construction originale, plus théorique que réelle, est dissoute en 1989. Les relations entre les deux États s’améliorent depuis le changement politique en Gambie (élection de décembre 2016), dans lequel le Sénégal a joué un rôle déterminant.
Les relations avec la Mauritanie sont brutalement rompues en 1989 après un incident dans la région du fleuve Sénégal, qui fit deux morts parmi les Sénégalais. Le climat entre les deux pays était déjà tendu, le Sénégal accueillant un mouvement de Mauritaniens noirs dissidents, qui avaient tenté un coup de force à Nouakchott en 1987. Au Sénégal, mais surtout en Mauritanie, les ressortissants de l'autre pays sont victimes de pogroms faisant plusieurs centaines de morts, entraînant un double mouvement de rapatriement de part et d'autre du fleuve. Pressions et médiations internationales permettent d'éviter de justesse l'affrontement armé. Les relations diplomatiques entre les deux pays ne sont rétablies qu'en 1992, sans que le problème des réfugiés soit définitivement réglé.
Avec la Guinée-Bissau, les relations ne furent pas toujours sereines, marquées notamment, à la fin des années 1980, par un conflit sur l'étendue du domaine maritime, qui fut finalement tranché par la Cour internationale de justice (CIJ). Plus fondamentalement, le problème de la Casamance a longtemps opposé les deux pays, Dakar accusant Bissau de soutenir les rebelles.
L'ancienneté de la colonisation française continue de marquer profondément les relations du Sénégal avec la France, premier fournisseur et investisseur. En février 2010, les deux pays renégocient ensemble l'« accord de coopération » militaire qui les unit depuis 1974 et décident de remplacer la base des Forces françaises en plein Dakar par une « plateforme régionale de coopération » aux effectifs très réduits.
Depuis plusieurs années, le Sénégal cherche à diversifier ses relations, notamment en direction des États-Unis, de la Chine (avec laquelle il a rétabli ses relations diplomatiques aux dépens de Taïwan en 2005 et qui est devenue l’un de ses principaux partenaires commerciaux), des pays émergents comme l'Inde, le Brésil, la Malaisie, l'Indonésie mais également de l'Arabie saoudite et de l'Iran.