Kiev
en ukrainien Kyïv
Capitale de l'Ukraine, sur le Dniepr.
- Population : 2 829 300 hab. (estimation pour 2011)
- Nom des habitants : Kiéviens
Au contact de la forêt et de la steppe boisée, en aval des importants confluents du Pripiat et de la Desna, la ville occupe le site dissymétrique des villes russes de fleuve : la presque totalité de l'agglomération entourant la vieille ville s'est longtemps étalée sur le plateau dominant l'escarpement de la rive droite, occidentale, alors que, de l'autre côté du fleuve, une simple tête de pont s'étendait sur une rive gauche basse et marécageuse. Des quartiers très peuplés l'occupent aujourd'hui.
Endommagée et occupée par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale, la ville a été reconstruite et son patrimoine architectural restauré. Centre intellectuel, artistique et directionnel du pays, détenant les équipements et les services de niveau supérieur, la ville est aussi un pôle d'activités industrielles différenciées (constructions mécaniques, fabrications chimiques, textiles et cuirs, industries alimentaires). Université. Plusieurs centrales thermiques et hydroélectriques, sur le Dniepr, assurent la consommation énergétique de l'agglomération et de ses satellites.
Le climat de Kiev, située à 179 m d'altitude sur le 50e parallèle Nord, est continental, avec des précipitations moyennes (615 mm par an), qui tombent surtout en été, et des températures qui oscillent entre 20 °C en juillet et – 6 °C en janvier, pour une moyenne annuelle de 7 °C.
L'HISTOIRE DE KIEV
« Mère des villes russes », capitale du premier État des Slaves de l'Est, Kiev doit son nom à Ki, l'un des princes polianes qui, d'après les chroniques, l'aurait fondée. Sa situation privilégiée sur la voie « des Varègues aux Grecs » (de la Baltique à Constantinople) est à l'origine de sa fortune : le prince varègue Oleg en fait la capitale de l'État de Kiev (882-vers 1130). Métropole religieuse après l'adoption du christianisme (vers 988-989), l'influence byzantine y devient prépondérante après la nomination d'un métropolite grec (1039).
À partir des années 1130, Kiev n'est plus que la capitale d'une principauté indépendante très affaiblie. Elle est mise à sac par le prince de Rostov-Souzdal (1169) et conquise par les Mongols en 1240. Incorporée au grand-duché de Lituanie (1362), à nouveau ruinée par les raids des Tatars de Crimée à la fin du xve siècle, Kiev est rattachée à la Pologne par l'Union de Lublin (1569). Elle devient, au début du xviie siècle, le centre de la résistance ukranienne au pouvoir polonais et catholique (un métropolite orthodoxe y est consacré vers 1620) et du renouveau culturel (P. Moguila y fonde une académie en 1632).
Rattachée en 1654 à la Russie, Kiev, avec son université fondée en 1834, joue un rôle important dans la renaissance culturelle du xixe siècle et le mouvement nationaliste ukrainien.
Pendant la révolution de 1917 est constituée (mars) une rada (conseil), présidée par Grouchevski, qui institue en novembre une République populaire d'Ukraine, proclamée indépendante de la Russie en janvier 1918. Les bolcheviks, qui ont fondé à Kharkov (aujourd'hui Kharkiv) une République socialiste d'Ukraine, occupent Kiev (février 1918), d'où ils sont chassés par les Allemands.
Pendant deux années de guerre civile, Kiev, où est réorganisé un « directoire ukrainien » présidé par Petlioura, est occupée par les bolcheviks (février-août 1919), les armées blanches de Denikine (août-décembre 1919), puis reprise par les bolcheviks, qui doivent l'abandonner aux Polonais (mai-juin 1920), avant d'y instaurer le pouvoir soviétique. Kharkov demeure la capitale de l'Ukraine soviétique, et Kiev ne recouvre ses fonctions qu'en 1934.
Lors de l'invasion allemande, Kiev est l'objectif prioritaire du groupe d'armées Sud (→ Rundstedt). Au cours d'une grande bataille (12-16 septembre 1941), les blindés de Guderian et de Kleist y encerclent quatre armées soviétiques. La ville tombe le 19 septembre. Elle ne sera reprise que le 6 novembre 1943 par Vatoutine. Kiev est aujourd'hui la capitale de l'Ukraine indépendante (1991).
L'ART À KIEV ET DANS LA RÉGION KIÉVIENNE
Kiev, berceau de l'art et de l'architecture russe, a vu son architecture en pierre se développer après la conversion au christianisme du prince Vladimir Ier, vers 988 ; jusqu'alors, la Russie ne connaissait que le bois. Aussi le prince fait-il appel à des architectes byzantins pour édifier l'église de la Dîme, détruite en 1240 lors de l'invasion tatare. Sous Iaroslav le Sage, de grandes cathédrales sont construites. Celle de Sainte-Sophie de Kiev (1037) fut bâtie en plusieurs étapes : l'édifice primitif comprenait 5 nefs se terminant chacune par une abside ; ce noyau fut entouré d'une double galerie et flanqué de 2 tours-escaliers et couronné de 13 coupoles. L'intérieur fut décoré de mosaïques, dans l'abside centrale la Vierge orante et la Sainte Cène, dans la coupole centrale le Christ Pantocrator. Les fresques représentent des scènes bibliques et laïques. La cathédrale fut restaurée aux xviie et xviiie s. dans le style baroque ukrainien, qui masque en partie l'architecture primitive ; elle fut alors coiffée de 6 nouvelles coupoles. Parmi les grandes réalisations du xie s. dans la région kiévienne, il faut mentionner la cathédrale du Sauveur de Tchernigov (1031-1036) et celle de Sainte-Sophie de Polotsk (1044-1066).
Si le quartier le plus ancien de Kiev est le Podol, où se concentrait le commerce, le foyer spirituel et intellectuel de la ville se trouvait dans le grand monastère de la « Laure des Grottes » (Kiïevo-Petcherskaïa Lavra), fondé au xie s. C'est le plus ancien monastère de la Russie. Son enceinte renferme tout un ensemble de bâtiments, des églises, des cellules, la maison du métropolite ; souvent abîmé par des incendies, le monastère a été restauré, modifié. Certaines portes d'entrée du monastère sont surmontées d'une église ; celle de la Trinité (1108) a été restaurée au xviiie s. en style baroque et décorée alors de fresques parmi les plus belles de l'époque, dues à Olympe Galik ; la porte dite « de l'Économie » est surmontée de l'église de Tous-les-Saints (1696-1698), coiffée de cinq coupoles et décorée de pilastres, de colonnettes, de frontons. Au centre de la Laure s'élevait la collégiale de l'Assomption, construite de 1073 à 1078 (et détruite en 1941) ; l'exécution de ses fresques, due au moine Olympe, se prolongea jusqu'en 1089. L'église-réfectoire ou petite église Sainte-Sophie (1722-1730), dont l'architecture fut modifiée au xixe s., se présente comme un long bâtiment se terminant par une abside et couronné d'une coupole ; la façade occidentale est surmontée d'un fronton décoré de volutes. C'est l'architecte Ivan Ivanovitch Chedel (Gottfried Schädel) qui a édifié le grand clocher de la Laure (1731-1745), un campanile à 4 niveaux coiffé d'une coupole piriforme. Transformé en musée national de l'histoire et de la civilisation après la révolution bolchevique, le monastère des Grottes a été restitué à l'Église en 1988.
Le monastère Vydoubetski fut fondé par le prince Vsevolod Ier Iaroslavitch, qui y fit construire l'église Saint-Michel (1070-1088), dont il ne reste que la partie occidentale, restaurée en 1767-1769. L'aspect actuel du monastère date de la fin du xviie et du début du xviiie s. ; on y construisit en 1696-1701 la collégiale Saint-Georges et l'église-réfectoire, en 1727 un clocher.
Dans le village de Berestovo, où se trouvait vraisemblablement la résidence des princes au tournant des xie et xiie s., le prince Vladimir Monomaque fit bâtir l'église du Sauveur, en partie détruite lors de l'invasion tatare ; en 1640, le métropolite Petr Simeonovitch Moguila fit restaurer la partie occidentale de l'église. À Tchernigov, la collégiale du monastère Ieletski, qui date du milieu du xiie s., exprime bien le caractère de forteresse des édifices religieux de cette époque de luttes ; l'église des Saints-Boris-et-Gleb de Grodno ou la cathédrale de l'Assomption de Vladimir en Volhynie donnent la même impression, tandis que l'église de Sainte-Parascève de Tchernigov présente un aspect plus aéré avec sa succession de voûtes en berceau et en demi-berceau.
L'architecture fleurit durant la période prémongole, puis de nouveau au xviie s. avec le baroque ukrainien, qui peut se diviser en trois périodes. De la seconde moitié du xviie s. aux années 1720, les édifices religieux affectent une forme de tour et sont couronnés de 3 ou 5 coupoles ; le décor est fait de niches, de colonnes, de frontons. De cette époque datent l'église Saint-Élie dans le Podol (1692) et l'église de la Théophanie (1693), œuvre d'Ossip Dmitrievitch Startsev. Des années 1720 à 1750, les monuments se caractérisent par la richesse du décor, l'emploi d'éléments sculptés, de céramiques multicolores. À partir de 1750 interviennent la personnalité de l'architecte italien Bartolomeo Francesco Rastrelli (vers 1700-1771) et celle de l'Ukrainien Grigorovitch-Barski (Ivan Grigorievitch [1713-1785]). On doit au premier la belle église Saint-André (1744-1753), dont la décoration intérieure fut dirigée par A. P. Antropov. Du second, on peut admirer l'église Saint-Constantin-et-Sainte-Hélène (1750), l'église de la Protection-de-la-Vierge (1766), l'église Saint-Nicolas (1775). À côté de cette architecture en pierre, il existe également en Ukraine, à cette époque, une très belle architecture en bois.
Au baroque succède un style néoclassique dont l'université (1837-1843), construite par V. I. Beretti, est un bon exemple. La cathédrale Saint-Vladimir, construite de 1862 à 1896 en style vieux-russe, fut décorée à fresque par Viktor Mikhaïlovitch Vasnetsov (1848-1926) et Mikhaïl Vassilievitch Nesterov (1862-1942). Parallèlement à l'éveil du nationalisme ukrainien, un mouvement pictural se développe au xixe s. ; l'« Union des peintres du Sud » est créée en 1890. Parmi l'avant-garde des années 1910, des peintres comme Anatoli Galaktionovitch Petritski ou M. Seniakova recherchent stylisation et schématisation. L'architecture soviétique est bien représentée par l'édifice abritant le Conseil des ministres (1934-1937), dû à Ivan Aleksandrovitch Fomine (1872-1936) et Pavel Vassilievitch Abrossimov, le Stade central (1938-1946) de M. I. Gretchina et, plus récemment, par l'hôtel du Dniepr (1956-1964) et le cinéma Ukraine (1964).