Au nord de la ville, le vieux quartier populaire est constitué d'un réseau dense de ruelles et de passages, où la lumière du jour semble bannie. Dans ce labyrinthe, l'œil non averti perd vite ses repères et l'étranger qui s'y aventure sans guide risque fort de ne plus retrouver son chemin et de se laisser surprendre par la nuit. Les bâtiments publics de Hanoi évoquent çà et là des architectures inspirées des styles de l'ancienne Chine ou de l'époque coloniale française. Quelquefois ils font illusion. À cause de ses lignes Belle Époque en fer forgé, tel portail de l'ancienne université d'Indochine, devenue aujourd'hui l'École polytechnique de Hanoi, donne une touche parisienne au quartier de Hai Ba Trung.
La renaissance du petit commerce
Autrefois, les rues étaient spécialisées, comme l'indiquent leurs noms. Chacune avait une activité artisanale ou marchande particulière. Ainsi Hang Bac était-elle la rue des orfèvres, Hang Gai la rue des vendeurs de chanvre, Hang Ga celle des marchands de poulets, Hang Muoi celle des marchands de sel, et Hang Hom, d'après les guides, était celle des fabricants de tonneaux ou de cercueils.
Aujourd'hui, les rues de la vieille ville ont retrouvé leur animation de jadis. Peu de voitures y circulent encore mais leurs chaussées sont envahies par les piétons, les bicyclettes, les cyclo-pousses à trois roues et les mobylettes pétaradantes. L'éclosion des cafés à la fin des années 80 a marqué ici l'avènement d'un capitalisme populaire rendu possible par la libéralisation du régime. Une à une, des petites entreprises privées ont fait leur apparition dans les vieux quartiers, offrant par la même occasion quantité de nouveaux produits. Des magasins de chaussures se sont ouverts à Hang Dan, des boutiques où l'on peut acquérir jeans et T-shirts longent les trottoirs de Hang Dao.
Un parfum nouveau s'est répandu sur la ville depuis une dizaine d'années. De nombreuses scènes de rue le révéleront aux promeneurs attentifs. Ici comme à Berlin, un mur est tombé à la fin des années 80. Communisme et capitalisme cohabitent à présent de manière surréaliste. De grandes fresques murales louant les mérites du collectivisme s'écaillent dans l'indifférence générale au-dessus des échoppes d'un petit commerce en plein essor. Le temps est révolu où la population de Hanoi devait se rendre dans des grands magasins aux rayons vides pour faire ses achats.
Désormais, les rues ont retrouvé leur vitalité et leur pittoresque. Hang Non est aujourd'hui un vaste marché à ciel ouvert où l'on peut acheter les produits frais de la vallée du Song Kôi. C'est peu de dire que les boutiquiers et les restaurateurs de la capitale sont les premiers bénéficiaires de la libération économique entreprise par le gouvernement vietnamien il y a une décennie.
Les pagodes de Quan Thanh et Quan Su
Les longues nuits d'été à Hanoi sont inoubliables. Il faut attendre le crépuscule pour oser quitter sa chambre d'hôtel et s'aventurer dans le quartier français ou la vieille ville à travers une marée humaine allant et venant en tout sens de part et d'autre des rives du Song Kôi. Les eaux du fleuve resplendissent sous les lumières, avançant majestueusement vers ses embouchures ouvertes sur le golfe du Tonkin. Nées de la fonte des neiges himalayennes, elles achèvent un périple de 1 150 kilomètres à travers les massifs montagneux du sud de la Chine. Des embarcations qui semblent habitées encombrent ses digues, laissant deviner une intense vie fluviale.
Les principaux lieux de culte du bouddhisme vietnamien à Hanoi se trouvent près d'un lac et près de la gare de chemin de fer. Sur les rives du lac de l'Ouest s'élève en effet le temple de Quan Thanh, ou pagode du Grand Bouddha, construit il y a mille ans au commencement de la dynastie Ly. Cet édifice est dédié à Tran Vo, le génie tutélaire du Nord, que les artistes vietnamiens représentent toujours avec ses attributs, le serpent et la tortue. Situé à proximité de la gare, le deuxième haut lieu de la spiritualité bouddhiste de Hanoi est la célèbre pagode de Quan Su, encore appelée pagode des Ambassadeurs. Elle a été élevée au xve siècle sous la dynastie Lê pour recevoir des dignitaires bouddhistes venus de plusieurs pays d'Asie.
Les cavernes de Son La
Son La est une capitale de province qui compte plus de 100 000 habitants, en majorité des Thaïs. C'est une ville moyenne très active, mais elle évoque dans la mémoire des Vietnamiens de sombres pages d'histoire. Son La est célèbre à cause du pénitencier érigé par les Français au début de leur administration pour y interner les chefs rebelles. Deux générations plus tard, les populations locales se souviennent encore de la guillotine qu'on y dressait les jours d'exécution de condamnés à mort.