Cette harmonie à laquelle aspirent les dirigeants d'Afrique du Sud, la terre sur laquelle ils vivent l'a déjà réalisée. La diversité de ses paysages ressemble à la plus riche palette qu'un peintre puisse composer. C'est comme si la nature y avait rassemblé toutes les beautés dispersées dans le reste du monde.
Nelson Mandela
La lame creuse la chair à vif. Il y a du sang. Le jeune homme a seize ans, mais il ne pleure pas. Le guerrier xhosa chargé de l'opération de circoncision retire son couteau et lâche, admiratif : « Voici un homme. » Selon le rite, Nelson Mandela vient d'accéder au monde adulte. Il est né en 1918 à Qunu, petit village du Transkei. Son autre prénom, Rolihlahla, est tout un programme : il veut dire « celui qui s'attire des ennuis ». Ceux-ci ne tardent guère. Élevé par son oncle, à la cour du chef, dans un village voisin, Nelson se sent xhosa dans toutes les fibres de son être, mais ne veut pas se soumettre aux lois tribales : il n'épousera pas la fille que les anciens ont choisie pour lui. C'est un combattant. Il rêve de devenir boxeur, il sera avocat. On le chasse de l'université de Fort Hare parce qu'il a pris la tête de la contestation étudiante. Il ouvre le premier cabinet d'avocats noirs à Johannesburg et défend la cause des victimes de l'apartheid. Il épouse Evelyn. Leader de l'ANC, il pétitionne, organise des manifestations, et passe dans la clandestinité pour échapper à la prison. Il divorce et se remarie avec Winnie. L'histoire se radicalise. Nelson Mandela s'engage dans la lutte armée ; il devient commandant dans l'organisation militaire de l'ANC. L'armée sud-africaine l'arrête dans une ferme près de Johannesburg. En 1964, il est condamné à la prison à perpétuité. Pendant qu'il casse des cailloux à Robben Island, on scande son nom dans le monde entier. Les années passent, son mythe grandit. Le jour de sa libération, le 11 février 1990, il se lève, comme d'habitude, à 4 h 45, se livre à ses exercices de gymnastique quotidiens et prend son petit déjeuner seul. Nelson Mandela est devenu président de son pays en 1994. Il s'est séparé de Winnie. On le surnomme « Le Père Noël ». Mais il ne briguera pas un second mandat, car il veut profiter des rosés de son jardin et de ses 24 petits- et arrière-petits-fils. Il a aussi une nouvelle compagne, Graca Machel, la veuve de l'ancien président du Mozambique. C'est un homme libre.
Sous l'œil de Dieu
Au nord, les escarpements rocheux encapuchonnés de blanc et les petites vallées au vert crépitant évoquent des paysages d'Europe centrale. Au centre et à l'ouest, les déserts et les plaines caillouteuses, royaumes du sable, de la savane, ou bush, prolongent l'Afrique majestueuse dans son aridité. À l'est, sur les côtes, la douceur du climat, les longues plages blanches et les senteurs exotiques évoquent l'Asie, tandis qu'au sud le climat et la végétation ont des allures provençales. Bordée par deux océans à la pointe de son continent plongé en plein milieu de l'hémisphère Sud, l'Afrique du Sud déroute et surprend. Les conquérants européens installés au Cap se sont souvent perdus dans les immensités désertiques du Richtersveld, hérissées de reliefs lunaires et infranchissables, au nord-est de la plaine du Grand Karroo, en direction de la Namibie voisine. Mais c'est pourtant là, dans cette région inhospitalière, qu'une végétation tenace et luxuriante parvient à se reproduire, à peine humidifiée par les eaux raréfiées du grand fleuve Orange et les nappes de brouillard amenées par les eaux glaciales de l'océan Atlantique. C'est le royaume du Pachypodium namaquanum, un arbre à la forme humaine considéré comme une divinité par les populations aborigènes. À quelques centaines de kilomètres de là, le Namaqualand, qui borde le littoral, est la région la plus aride de la contrée. Pourtant, à l'arrivée des faibles pluies du printemps (en septembre, car nous sommes dans l'hémisphère Sud), le sol jaunâtre et craquelé par la sécheresse se transforme en un épais tapis humide, coloré de touches bleues, orange, jaunes et blanches. Un parterre de pâquerettes fleurit pendant quelques jours seulement, faisant l'admiration des milliers de touristes qui, chaque année, assistent à ce miracle.