Tant bien que mal, les Européens finissent par se partager ce vaste territoire recouvrant en partie l'Afrique du Sud actuelle et composé alors de deux colonies anglaises (Le Cap et le Natal) et de deux républiques boers indépendantes (le Transvaal et l'État libre d'Orange), tout en guerroyant contre les Zoulous, dont l'ardeur militaire, un temps reconstituée, est brisée par un nouveau massacre en 1877. La découverte de gisements d'or et de diamant enflamme le pays. La fièvre s'empare de nouveaux émigrants, et le Transvaal est occupé par les Anglais qui créent une nouvelle capitale, Johannesburg. « La guerre des Boers » devient inévitable. Armés par les Allemands de canons Krupp, les Afrikaners remportent quelques victoires, mais, plus nombreux, les Anglais en viennent à bout. Ceux-ci furent des vainqueurs cruels : les Boers sont parqués dans des camps de concentration après la destruction de tous leurs biens ; ils se soumettent à la Couronne en 1902.
De l'apartheid à la liberté
Puissance coloniale désireuse d'instaurer un système aux apparences démocratiques, la Grande-Bretagne doit concéder des droits aux Boers et accepter de partager le pouvoir avec eux sur un si vaste territoire. En 1909, les délégués des quatre provinces signent l'acte fondateur de l'Union sud-africaine. Louis Botha en devient Premier ministre et forme un gouvernement qui compte des représentants boers ; ce qui ne règle pourtant pas le problème entre les deux communautés. Point épineux : le sort réservé aux Noirs. Les anglophones penchent pour l'émancipation, les Boers prônent la discrimination. En 1922, les Afrikaners se révoltent, et sont matés. Au rythme de gouvernements d'union nationale et alors que le pays devient de plus en plus autonome (la séparation officielle avec le Commonwealth sera promulguée en 1961), l'Afrique du Sud se bâtit une idéologie qui va faire ressembler ce pays à nul autre au monde. L'apartheid, qui est instauré en 1948, s'appuie sur des mesures ségrégationnistes déjà en vigueur. L'interdiction pour les Noirs d'accéder aux emplois qualifiés, par exemple, existe depuis 1911. Mais, avec la loi sur l'enregistrement des populations, qui classe les Africains du Sud en quatre catégories (Blancs, Noirs, métis et Asiatiques) et celle sur les zones de regroupement, assignant à chacun des lieux de résidence, le système va encore plus loin... et peaufine les détails : plages, moyens de transport, bancs, cafés et trottoirs réservés aux Blancs, interdiction des mariages mixtes... Poussant cette logique paranoïaque jusqu'à son paroxysme, les dirigeants du Parti national réinventent la géographie de l'Afrique du Sud en créant des « home-lands », ou « bantoustans », des enclaves sévèrement délimitées où, regroupés artificiellement par ethnies, les Noirs sont désormais priés de vivre, sans moyens bien sûrs. Chaque matin, on peut assister au spectacle désolant de milliers d'Africains embarqués dans des bus pour aller travailler à la journée dans les entreprises des Blancs. En face, les Noirs progressistes ne baissent pas les bras. Réunis au sein de l'ANC (African National Congress), créé en 1923, ils organisent la contre-offensive. Mais leurs manifestations sont réprimées sauvagement – 60 morts à Sharpeville en 1960 – et les leaders, emprisonnés. Finalement, le parti sera déclaré illégal en 1960. Le 11 juin 1963, Nelson Mandela, l'un des principaux dirigeants de l'ANC, est condamné à perpétuité. Son mouvement poursuit l'action dans la clandestinité, tandis que de nouveaux leaders noirs (comme Steve Biko, torturé à mort par la police en 1977) prennent le relais. En 1976, alors que le gouvernement veut faire de l'afrikaans la seule langue en usage dans les écoles, la jeunesse se révolte. La répression contraint les dirigeants à fuir dans les pays limitrophes. Sous la double pression de la communauté internationale, qui organise le boycott de l'Afrique du Sud, et de diverses organisations anti-apartheid parvenant à se reconstituer à l'intérieur du pays, les gouvernements successifs cèdent du terrain. C'est ainsi qu'en 1984 l'accès aux centres commerciaux est autorisé « à toutes les races », mesure dérisoire qui ne fait que souligner davantage encore l'injustice d'un système politique où seule la minorité blanche a le droit de vote. L'arrivée à la présidence de Frederik De Klerk, en 1989, laisse d'abord sceptiques les observateurs. L'homme, un Afrikaner, passe pour conservateur. Le 2 février 1990, il crée la surprise en annonçant son intention de légaliser les mouvements anti-apartheid et de libérer les prisonniers politiques. « Il est temps, déclare-t-il, de rompre avec le cycle de la violence et d'effectuer une percée vers la paix et la réconciliation. » De Klerk tourne ainsi le dos à trois siècles d'histoire, tandis que Mandela, l'ex-prisonnier de Robben Island, lui répond : « Le temps est venu de panser les blessures, de combler le fossé qui nous divise. »