Enfin, la loi précise et renforce la protection de l'anonymat des personnes, déjà prévue par la loi « Informatique et libertés », en matière de traitement des données nominatives recueillies à des fins de recherche dans le domaine de la santé. Assortis de sanctions, ces principes bioéthiques ont donc désormais force de loi.
Drogue et sida
Drogue et sida continuent par ailleurs d'assombrir le paysage sanitaire. Le sida (31 344 cas, dont 535 enfants, répertoriés en France en juin 1994 depuis le début de l'épidémie), qui déjoue toujours les efforts déployés pour trouver un vaccin, a néanmoins su faire parler de lui, en inspirant à l'occasion des initiatives discutables. Ainsi, une pétition destinée à obtenir la grâce des docteurs Jean-Pierre Allain et Michel Garretta – condamnés lors du procès du sang contaminé – présentée en janvier, au nom de la défense du « progrès de la médecine », par un groupe de spécialistes et de chercheurs éminents, a raté son objectif. Perçue comme un réflexe de corporatisme tardif du milieu de l'hématologie, cette démarche n'aura inspiré à l'opinion publique qu'une vive réprobation, assortie d'une méfiance redoublée à l'égard des scientifiques.
En avril, l'Académie de médecine lançait à son tour un pavé dans la mare de l'éthique en proposant d'« assouplir » le secret médical vis-à-vis des partenaires, du conjoint ou de la famille de sujets séropositifs. Récusée par la plupart des praticiens en exercice comme nuisible à la confiance nécessaire à la prévention, cette proposition a également été écartée par la majorité des députés, conformément à la demande de Simone Veil.
En mars, le ministère de la Santé, tenant compte quant à lui des leçons de l'histoire, qui incite dans ce domaine à la plus grande vigilance, a retiré du marché un test de dépistage impropre à la détection d'un certain sous-type, dit « O », du virus du sida, et ordonné à cette occasion la réévaluation de tous les tests actuellement utilisés. Faute de solutions thérapeutiques ou vaccinales, la seule démarche active pour endiguer la progression du VIH reste la prévention, notamment dans le domaine de la toxicomanie. Le recours aux produits dits « de substitution », telles la méthadone ou la buprénorphine (Temgesic®), administrables par voie orale, diminue notablement la transmission du virus liée au partage de seringues. On le constate notamment en Espagne et en Angleterre, où les « programmes méthadone » ont été largement développés. Aussi la France, qui dans ce domaine faisait preuve jusqu'à maintenant d'une très grande pusillanimité, a-t-elle décidé de combler son retard. Le 5 octobre, Simone Veil et Philippe Douste-Blazy confirmaient à la presse ce changement de politique : de 52 actuellement, le nombre de centres distributeurs de méthadone passera à plus de 1 600 en 1995, chacun pouvant accueillir simultanément plusieurs dizaines d'usagers de drogues intraveineuses.
Vers la dépénalisation de la toxicomanie ?
Avec l'apparition du sida, une nouvelle attitude face à la toxicomanie commence à se faire jour. Traiter les drogués comme de simples délinquants paraît de plus en plus inadapté puisqu'ils deviennent eux-mêmes des condamnés à mort en puissance risquant de contaminer leurs proches. Depuis qu'en 1986 Michèle Barzach, alors ministre de la Santé, a imposé le principe de la vente libre des seringues pour éviter aux drogués d'être infectés par les seringues usagées, les mentalités ont commencé à évoluer. On en est arrivé aujourd'hui à la mise sur pied de « programmes méthadone » offrant la possibilité aux héroïnomanes de se procurer auprès des services compétents cette drogue de substitution, échappant ainsi au cycle infernal de la recherche à tout prix de la drogue, avec toutes ses conséquences physiques et pénales. Ces nouvelles attitudes, souvent adoptées en dehors de tout cadre légal, coexistent avec le maintien de la loi du 31/12/70, qui institue le principe de la répression de l'usage de toute forme de drogue, refusant la liberté de consommation personnelle comme la distinction entre drogues dures (héroïne, opium, morphine, crack) et drogues douces (cannabis et hallucinogènes).