Santé : rigueur bioéthique et budgétaire
La santé, qui a occupé une large place dans l'actualité, s'est placée à plus d'un titre sous le signe de la rigueur. Toujours mobilisés par le gouffre des dépenses de santé, gouvernement et parlementaires ont, également, travaillé d'arrache-pied sur les problèmes d'éthique biomédicale. Cette année restera en effet celle où la France s'est dotée de règles visant à concilier éthique et progrès scientifique.
Bioéthique : la loi occupe le terrain
Marqué par des avancées inexorables en matière de génome et de procréation médicalement assistée, et face à la dangereuse anarchie qui menace la gestion des « produits » du corps humain, le progrès médico-scientifique réclamait depuis longtemps l'attention du législateur. Tâche aussi délicate qu'écrasante. Aussi n'est-ce qu'au terme de 18 mois que l'appareil législatif français a enfin donné le jour, le 23 juin 1994, à 3 lois bioéthiques. Respect du corps humain, don et utilisation des éléments et produits du corps humain, assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, tels sont les domaines où la morale est désormais érigée en règles de droit. C'est tout d'abord l'embryon qui s'est trouvé au cœur du débat. Des progrès enregistrés ces dernières années dans le domaine de la procréation médicalement assistée (PMA) ont soulevé bien des problèmes humains, philosophiques et juridiques. Insémination de femmes âgées, célibataires, veuves, vierges ou vivant en couples homosexuels, conceptions posthumes, stockage indéfini d'embryons congelés, banques de sperme, cession d'ovules, diagnostic génétique fœtal en cours de grossesse (diagnostic prénatal), voire même en éprouvette sur des œufs fécondés in vitro (diagnostic préimplantatoire), fabrication en série d'embryons cobayes, autant de rêves actuellement réalisables, et assortis d'un sérieux risque de dérives. Dans ce domaine, le progrès ouvre notamment la porte à l'eugénisme, qui vise à sélectionner, dès la formation de l'œuf humain, des individus génétiquement « idéaux ». Selon la nouvelle loi, la PMA ne peut avoir pour objet que de traiter une stérilité ou d'éviter la transmission à l'enfant d'une maladie génétique grave. Elle est d'autre part réservée aux couples hétérosexuels, vivants, en âge de procréer et vivant ensemble depuis au moins 2 ans, l'un des gamètes au moins devant provenir d'un des deux partenaires. Le sort des embryons congelés surnuméraires issus d'une fécondation in vitro, dont le nombre est actuellement estimé à plusieurs dizaines de milliers, sera désormais examiné tous les 5 ans, le couple concerné restant libre à tout moment d'en demander la destruction. Ces embryons surnuméraires pourront enfin être cédés à d'autres couples stériles, sous une triple condition : l'anonymat, la gratuité et le consentement des parents biologiques, recueilli officiellement par voie judiciaire. L'expérimentation sur l'embryon et le diagnostic préimplantatoire, particulièrement suspects de dérives eugéniques, en principe interdits, restent néanmoins possibles « à titre exceptionnel », pour ne pas barrer la route à une médecine de l'embryon. Réserve qui révèle l'embarras du législateur face aux impératifs contradictoires de la recherche, des « droits » de l'embryon et du désir légitime des couples de s'assurer une descendance indemne de maladies génétiques graves comme les myopathies. En matière de prélèvement d'organes et de tissus, objets d'une demande sans cesse croissante, divers scandales ont démontré le risque de dérives mercantiles et de pratiques cavalières particulièrement choquantes. Aussi la nouvelle loi oblige-t-elle à vérifier avant tout prélèvement post-mortem, notamment auprès de l'entourage, que l'intéressé ne s'y est pas opposé de son vivant. Un « registre national des refus » sera mis en place à cet effet. Organes et tissus ne pourront par ailleurs être prélevés que dans un but exclusivement thérapeutique ou scientifique, et ce dans des établissements expressément agréés.
Déclaré inviolable et inaliénable, le corps humain est catégoriquement exclu du droit patrimonial, et aucun de ses éléments ou produits ne pourra faire l'objet de brevets.