Le 24 novembre, le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) remet son rapport à Simone Veil, ministre des Affaires sociales. Le comité estime que la distinction entre drogues licites (alcool, tabac) et drogues illicites devrait être remise en cause au profit d'une nouvelle classification des substances selon leur effet pharmacologique sur le système nerveux central. Il suggère une réponse médicale plutôt que strictement pénale et un encadrement juridique à mi-chemin entre la répression et la légalisation. Il propose ainsi une « gradation des peines selon la gravité de l'abus et/ou du tort causé, depuis le simple avertissement jusqu'à la prison et l'amende, en passant par la contravention, la suspension du permis de conduire, l'astreinte à des travaux d'utilité publique, etc. »
Déficit de la « sécu »
Ces travaux édifiants n'ont pas dispensé le gouvernement de soucis plus terre-à-terre. La situation financière de notre système de santé, véritable casse-tête, reste en effet catastrophique, en dépit des mesures mises en place l'an dernier pour freiner les dépenses. La hausse de la CSG (contribution sociale généralisée, applicable à tous, au taux de 2,4 %, sur l'ensemble des revenus professionnels, mobiliers et immobiliers), la baisse des remboursements, l'instauration de dispositions conventionnelles de maîtrise des dépenses (respect de « références médicales » obligatoire pour les praticiens, codage des actes médicaux, instauration par le biais du dossier médical d'un véritable « carnet de santé » pour certains patients âgés) n'ont pas eu l'effet escompté, selon les comptes de la Sécurité sociale publiés en juillet. Avec une consommation médicale de 648 milliards de francs, la France aura en effet consacré 11 234 F à la santé de chaque citoyen en 1993, soit 5,7 % de plus qu'en 1992. Le régime général accuse quant à lui à nouveau un déficit de 56,4 milliards, vraisemblablement appelé à se répéter.
Pourquoi ce « trou de la sécu » s'aggrave-t-il implacablement d'année en année ? Récession et chômage continuent, d'une part, de priver le système des recettes assises sur les cotisations salariales ; d'autre part, si les mesures mises en place l'an dernier ont notablement modéré les dépenses de médecine de ville (– 3,4 %) et de laboratoire, d'autres, comme celles des hôpitaux, qui accusent pour 1993 une hausse de 1,4 milliard, ont continué de progresser. Les restructurations, suppressions de lits et de personnel et autres mesures chirurgicales initialement prévues s'avèrent délicates à entreprendre, quelques mois avant l'échéance de l'élection présidentielle. Une chose est claire : quels que soient le contexte économique et la couleur politique du prochain gouvernement, on voit mal comment il pourra éviter de taxer à nouveau usagers et contribuables. Simone Veil entend d'ores et déjà limiter à 2,3 % la progression des dépenses de médecine ambulatoire en 1995.
Hervé Hamon, Nos médecins, Le Seuil, 1994.
Docteur Gilles Monod