Japon : vers la recomposition
Le Japon a renoué en 1994 avec deux de ses orientations traditionnelles : les libéraux démocrates sont revenus au pouvoir à la faveur d'une alliance avec les socialistes et l'économie a manifesté les premiers signes d'une reprise de croissance.
L'année précédente avait été marquée par un bouleversement politique majeur à la suite des élections générales de juillet : la perte de la majorité par le parti libéral démocrate (PLD), au pouvoir depuis 1955. En effet, quelques mois après qu'une coalition, fondée sur l'alliance de forces aussi pléthoriques qu'hétéroclites, ait placé à la tête du gouvernement un nouveau venu, Morihiro Hosokawa, les espoirs d'un renouvellement réel de la vie politique s'étaient largement estompés. Sous un vernis réformiste, les pratiques peu transparentes de gestion des affaires n'avaient guère changé.
Nouvelle donne
La présentation au sénat au début de 1994 du projet de réforme politique, voté en novembre de l'année précédente par la chambre basse, fut révélatrice des divergences profondes existant au sein de la coalition. Tout d'abord rejeté, le projet fut amendé et finalement adopté par le Parlement le 28 janvier. Cette réforme, qui comporte des mesures destinées à assainir une vie politique souffrant d'une corruption aussi structurelle qu'endémique – mais dont l'efficacité reste à démontrer –, consiste essentiellement en une modification du système électoral. Les députés, dont le nombre a été ramené de 511 à 500, seront élus pour 300 d'entre eux au scrutin uninominal à un tour dans des circonscriptions à siège unique (alors qu'antérieurement il s'agissait de circonscriptions avec plusieurs sièges à pourvoir, ce qui entraînait une concurrence entre candidats du même parti), tandis que les 200 autres seront désignés à la représentation proportionnelle. Dernier volet de la réforme, le redécoupage des circonscriptions a été adopté par le Parlement en novembre 1994.
L'introduction du scrutin majoritaire entraînera une recomposition du paysage politique autour de deux, voire trois, grands pôles : conservatisme traditionnel ; néoconservatisme de centre droit, favorable à un rôle international accru du Japon, et gauche libérale restructurée, prônant, en revanche, pour le pays, un profil de « grande puissance civile ». C'est essentiellement en fonction du clivage sur les questions de la place du Japon sur la scène internationale et de la réforme de la Constitution que tendaient à se différencier les nouvelles forces politiques en cours de formation à la fin de 1994. Un premier élément de cette recomposition du paysage politique devait être la création, le 9 décembre, d'une grande formation de centre droit qui fusionne le parti de la Renaissance, le parti bouddhiste Komeito, le parti social démocrate et des groupes mineurs.
Ayant bénéficié d'une bonne image dans l'opinion mais sans force politique réelle, le Premier ministre, Morihiro Hosokawa, emporté en avril par un scandale financier (cuisante illustration des limites du supposé changement), fut remplacé, après de laborieuses négociations, par Tsutomu Hata (du parti de la Renaissance). Ce cabinet fut condamné d'entrée de jeu par la défection des socialistes, qui se retirèrent en raison des manœuvres menées par les autres forces de la coalition en vue de constituer un bloc destiné très clairement à les marginaliser. Quelques semaines plus tard, le 25 juin, M. Hata était condamné à une démission sans gloire. Par un coup de théâtre rendu possible par la fluidité de la vie politique, les socialistes, qui avaient contribué à la chute du cabinet Hata, s'allièrent alors avec leur ennemi traditionnel, l'ex-majorité libérale démocrate, qui reste la principale force politique du pays. Et c'est un socialiste, Tomiichi Murayama, qui fut nommé Premier ministre le 29 juin par le Parlement. Il représenta le Japon au sommet du G7 à Naples.
Le cabinet Murayama, fruit des manœuvres partisanes et d'une bonne dose d'opportunisme, est soutenu par une coalition formée du PLD, du parti pionnier et du PS. Les socialistes, divisés et en perte de vitesse, cherchaient ainsi à se renouveler en dépassant les clivages gauche-droite, tandis que les libéraux démocrates entendaient coûte que coûte revenir aux affaires.