Au cours des mois qui suivirent l'arrivée au pouvoir de M. Murayama, la direction du PS procéda à une réorientation radicale de ses positions traditionnelles qui fera grincer des dents une partie de la base. Le PS reconnut coup sur coup la légitimité des forces d'autodéfense (admise par le Premier ministre dès son discours de politique générale devant la Diète le 18 juillet ; celui-ci souligna néanmoins que le Japon devait conserver une position purement défensive) et celle de l'hymne national, considéré auparavant par la gauche comme une survivance du Japon impérial. Sur la même lancée, le PS admettait l'envoi de troupes nipponnes dans le cadre de missions sous l'égide des Nations unies. À la suite de sa tournée en Asie du Sud-Est, début août, au cours de laquelle le Premier ministre ne se démarqua guère des positions adoptées par ses prédécesseurs sur les questions du rôle du Japon dans la région, ni de son attitude repentante à l'égard du passé, M. Murayama lança cependant un « programme pour la paix, l'amitié et les échanges », doté d'un financement de 100 milliards de yens, destiné à favoriser les recherches historiques sur la Seconde Guerre mondiale : une initiative qui tend à marquer la volonté du Japon d'assumer davantage ses responsabilités passées à la veille de l'année anniversaire de sa défaite (août 1945).
Puissance
Riche en développements sur le plan intérieur, l'année écoulée le fut moins en matière diplomatique. Elle a néanmoins été marquée par deux grands débats appelés à se poursuivre dans les années à venir : l'entrée du Japon au Conseil de sécurité, fonction que désormais Tokyo brigue ouvertement, et la révision de la Constitution, prônée par le centre droit, afin que le Japon assume un rôle politique plus conforme à sa puissance sur la scène politique et qu'il abroge les contraintes de sa loi fondamentale, adoptée en 1947 sous l'occupation américaine, notamment en ce qui concerne le renoncement à l'usage de la force. Le projet de réforme de la Constitution, publié le 3 novembre par le quotidien Yomiuri, a été révélateur du souci de faire passer ce débat du cénacle dirigeant, où il s'enlise, à l'opinion publique.
La stabilité de la péninsule coréenne à la suite de la mort de Kim Il Sung, le 8 juillet, et de l'accord du 21 octobre entre les États-Unis et la Corée du Nord, qui, théoriquement, devrait se traduire par un gel du programme nucléaire de Pyongyang, a été accueillie avec un certain scepticisme à Tokyo et à Séoul. Mais, sur le plan tant politique qu'économique, le Japon a confirmé son regain d'intérêt pour la région dont la stabilité constitue l'une des composantes de sa prospérité et de sa sécurité. Principal fournisseur d'aide à la Chine dont il est par ailleurs le premier partenaire commercial, le Japon cherche, en jouant de sa manne, à inciter Pékin à réduire ses dépenses d'armement. L'expérience nucléaire chinoise de septembre, au moment des jeux Asiatiques d'Hiroshima, a été ressentie à Tokyo comme le signe d'une évidente indifférence à ses demandes.
Alors qu'en fin d'année était en cours de négociation l'octroi d'une quatrième tranche d'aide publique (1996-2000) à la Chine, les Japonais s'interrogeaient sur l'ampleur à donner à cette aide. La Chine souhaite quelque 75 milliards de francs, un montant considérable, représentant le double de celui de la 3e tranche d'aide. Aux termes de la « charte de l'aide publique » nipponne mise en place en 1992, les pays éligibles à cette aide doivent en effet respecter certains principes en matière d'évolution des dépenses militaires, d'exportation d'armements et de production d'armes de destruction massive. Il est clair que la Chine ne satisfait guère à ces principes.
Alors que la fin du patriarche chinois Deng Xiao-ping paraît proche, les Japonais craignent que, pour renforcer la cohésion nationale, la Chine n'adopte une attitude plus nationaliste et plus arrogante, notamment sur la question de Taïwan. Il est à noter que, pour la première fois, Tokyo n'a pas entièrement cédé aux pressions de Pékin : après avoir refusé la venue du président de Taïwan à l'inauguration des jeux Asiatiques, les Japonais ont néanmoins autorisé le vice-Premier ministre à venir. Pékin a grondé, mais a néanmoins participé aux Jeux.