Dans un tel contexte, la concurrence n'a pas manqué de s'aviver entre les constructeurs japonais, américains et européens, sous la forme de marchandages, de rabais, d'essais gratuits, de crédits. Aux États-Unis, avec la concurrence très dure des constructeurs japonais, une firme comme General Motors a dû envisager de nouvelles réductions d'effectifs (15 000 emplois en deux ans).

Pour restaurer leur compétitivité fortement entamée par la concurrence globale de l'industrie japonaise, les constructeurs américains ou européens ont engagé une mutation accélérée. Dans cette course de vitesse, l'industrie japonaise a pris l'avantage en contrôlant, avec 95 % de son propre marché, un tiers du marché américain et 11 % du marché européen. Quant aux pays tiers (d'Asie, d'Afrique, d'Océanie ou d'Amérique latine), ils achètent de plus en plus souvent japonais. Par ailleurs, avec la stratégie de l'araignée qu'ils suivent depuis plusieurs années, les Japonais s'implantent dans la plupart des pays européens, multipliant les « transplants » (voitures de marque japonaise fabriquées sur le territoire européen). Nissan, Honda et Toyota se sont ainsi installés en Grande-Bretagne, un pays que certains n'hésitent pas à comparer à un porte-avions nippon. C'est maintenant le tour de l'Espagne (avec Nissan et Suzuki), du Portugal (avec Toyota et Mazda), de la Grèce (avec Toyota). Quant à Mitsubishi, la firme cherche à pénétrer le marché européen par l'intermédiaire de Volvo avec lequel elle a choisi de s'associer.

Face à ce maillage du Vieux Continent, l'industrie automobile européenne (1,9 million de personnes) doit mettre à profit le répit de neuf ans donné par l'accord conclu en juillet 1991 entre la Commission de Bruxelles et les constructeurs nippons : limitation à 16 % en l'an 2000 de la part des Japonais sur le marché européen, la fabrication des transplants (comptés comme voitures importées) passant de 269 000 unités en 1991 à 1,2 million en 1999.

En prévision d'une concurrence accrue, les constructeurs automobiles européens remettent en cause le fordisme (la production en série avec division du travail) au profit du toyotisme, c'est-à-dire l'adoption de méthodes d'organisation plus légères et plus souples permettant de réagir glus vite aux évolutions du marché. À cet effet, les constructeurs européens cherchent à se recentrer en se séparant des secteurs connexes à l'automobile et à conclure des alliances avec des entreprises qui leur sont techniquement liées.

Gilbert Rullière

Industrie aéronautique

Les deux secteurs clés sur lesquels les constructeurs aéronautiques ont longtemps assis leur prospérité, le transport aérien et l'équipement militaire, se sont révélés d'une extrême fragilité. La réduction des budgets de défense a affecté les exportations. Ainsi, la société Dassault n'a pas vendu à l'étranger un seul avion depuis 1985 ! Aux États-Unis, le constructeur Northrop et surtout McDonnell-Douglas ont traversé une passe difficile en perdant deux importants contrats avec le Pentagone – hélicoptère léger et chasseur tactique – au profit du YF 22 de Lockheed, General Dynamics et Boeing.

Une vieille querelle

Dans le domaine de l'aéronautique civile, le ralentissement économique et la crise du Golfe ont inversé une tendance euphorique des années fastes 1988-1990, au cours desquelles ils avaient enregistré des commandes sans précédent. Cependant, ce n'est pas pour autant que les constructeurs ont perdu leur optimisme. Lorsque la tourmente du début de l'année a été surmontée, Boeing s'est montré résolument confiant. La société a annoncé que les compagnies aériennes commanderaient 9 000 nouveaux avions entre 1991 et 2005, représentant un marché global de quelque 617 milliards de dollars, soit plus de 41 milliards de dollars de contrat par an, contre 16 milliards de dollars annuels au cours de ces vingt dernières années.

Alors que Boeing n'a vendu que 29 appareils au premier trimestre, il en a placé 84 au cours des trois mois suivants, puis 16 en juillet, soit un total de 129 avions pour un montant proche de 11 milliards. C'est évidemment loin des chiffres fabuleux des deux années précédentes (883 appareils en 1989 et 543 en 1990). Le consortium européen Airbus a également profité de cette reprise avec un carnet équivalant à plus de quatre années de travail (145 avions vendus en 1979 et 404 en 1990 contre 427 en 1989, année record à cet égard). D'ailleurs, avec le dernier-né de la famille, l'A-340, Airbus espère bien élargir sa part de marché.