Le point sur...

Entreprises

La dégradation de la situation financière et la réduction des marges de profit des entreprises françaises au début de 1991 contrastaient fortement avec la période de haute conjoncture qui avait commencé à la mi-1987 (considérée comme date de sortie de la crise de 1973) et qui a pris fin à la mi-1990 (avec la crise du Golfe). Au cours de cette phase de forte croissance soutenue par la hausse de la consommation des ménages, les entreprises avaient beaucoup investi (32 % en volume) et créé de nombreux emplois (800 000).

Dans un premier temps, dès que les dirigeants des entreprises ont observé le ralentissement de la croissance dans la plupart des pays industrialisés (aggravé ensuite par une baisse de la consommation des ménages), ils ont réagi beaucoup plus vite et plus vivement que lors des retournements conjoncturels antérieurs de 1974, 1980 et 1983. Dès le printemps 1990, ils n'ont pas tardé à prendre des dispositions pour limiter la dégradation de leurs marges de profit. L'emploi s'est alors immédiatement contracté par compression des heures supplémentaires, augmentation du chômage technique, diminution du recours au travail intérimaire et non-renouvellement d'un grand nombre de contrats à durée déterminée.

Le recul de l'investissement

En même temps, les stocks ont été ajustés à la baisse. La réduction brutale et simultanée des investissements physiques et financiers (survenue à l'automne 1990) a entraîné le recul de l'investissement productif (de l'ordre de 2 % en moyennes annuelles) et surtout des prises de participation. Dans un deuxième temps, soumises aux impératifs de la compétitivité (et par conséquent de la productivité), les entreprises n'ont pas cessé d'investir, mais à un rythme beaucoup plus modéré : en trois ans, de 1988 à 1990 (selon le Crédit national), la croissance de l'investissement physique des grands groupes a dépassé 40 % (+ 13 % en 1989 et + 12 % en 1990). En 1991, même si cette croissance est tombée à zéro, il reste que l'investissement s'est maintenu au niveau élevé de l'année précédente, en dépit de l'évolution défavorable de la marge d'autofinancement des entreprises (+ 20 % en 1988, + 3 % en 1989, – 10 % en 1990 et – 5 % en 1991, selon une étude de la BNP).

En définitive, pour l'immense majorité des entreprises, les résultats financiers sont restés positifs même si un grand nombre d'entre elles ont affiché des baisses de bénéfices supérieures à 50 % : entreprises à activité cyclique comme l'automobile, la chimie ou la métallurgie, secteurs en crise structurelle comme les textiles ou l'informatique (Bull), entreprises surendettées (Michelin). Une telle situation financière n'incite pas les entreprises à investir, ce qui ne facilite pas la reprise de l'activité économique.

Gilbert Rullière

Distribution

Le ralentissement de la consommation suivi d'une baisse d'activité (0,9 % en volume au cours du premier semestre 1991 par rapport aux six premiers mois de 1990), l'accentuation de la concurrence (qui a réduit les marges commerciales), la montée en puissance de grandes surfaces spécialisées dans l'équipement de la maison et les loisirs et de « hard discounters » en même temps que la saturation de l'espace commercial ont renforcé la tendance de la grande distribution à la concentration et à l'internationalisation. Faute de pouvoir disposer d'emplacements bien situés et d'ouvrir dans des conditions rentables de nouvelles grandes surfaces, les chaînes se sont lancées dans des politiques de prises de contrôle, d'absorptions, d'acquisitions ou de rachats sans oublier, sous l'impulsion des financiers, le recentrage sur les métiers d'origine (le Printemps a cédé Euromarché à Carrefour, Casino et Rallye ont mis en vente plusieurs filiales).

En dehors du rachat des Nouvelles Galeries par les Galeries Lafayette et du Printemps par le groupe Pinault, c'est Carrefour qui a opéré en 1991 le regroupement majeur le plus spectaculaire, en reprenant successivement deux entreprises en difficulté, alors que le leader français s'était toujours refusé à croître par acquisition. En changeant ainsi de politique et en rachetant, en mars, la chaîne régionale Montlaur (11 hypermarchés) pour 1 milliard 50 millions et, en juin, Euromarché (31 milliards de F de chiffre d'affaires) à ses principaux actionnaires (banque Lazard et le Printemps), le groupe Carrefour (75 milliards de F de chiffre d'affaires en 1990, dont 61 en France) a accédé au premier rang de la profession, en chiffre d'affaires sinon en puissance d'achat. Il devance désormais Leclerc, Intermarché et Promodes (Continent), loin devant Auchan et Cora. De la sorte, Carrefour a levé l'interdiction de se développer en France due à la loi Royer, qui limite les implantations des grandes surfaces. D'un autre côté, le rapprochement de Conforama et de Pinault obéit à une logique industrielle : il s'agit d'intégrer tous les degrés de la filière (du bois jusqu'au meuble).