Depuis août 1982, un grand nombre de rééchelonnements se sont donc succédé (voir tableau II). Le report des dettes officielles s'opère dans le cadre du Club de Paris, qui rassemble les gouvernements créditeurs ; les dettes bancaires le sont dans chaque cas par l'intermédiaire d'un « comité consultatif » de banques qui représente l'ensemble des banques commerciales créditrices (parfois plusieurs centaines). Le rôle du Fonds monétaire international, intermédiaire et garant, est fondamental.
Les processus de négociation sont encore à l'œuvre sous nos yeux et conditionnent la gestion future du problème de la dette. De nombreux efforts, de part et d'autre, par les créanciers, les débiteurs, les gouvernements, les organisations internationales, sont déployés pour faire aboutir les solutions négociées, car l'intérêt collectif conseille de prévenir les ruptures potentielles en procédant à des ajustements mieux contrôlés. Deux aspects principaux des négociations méritent d'être soulignés, relatifs tout d'abord aux discussions entre débiteurs et créanciers, ensuite aux divergences d'intérêts entre banques créditrices elles-mêmes.
L'intervention du FMI
Il est erroné de croire que les pays endettés n'ont pas d'autre choix que de se plier aux exigences de leurs créanciers. Voyant se rétrécir considérablement et durablement leur accès aux financements dont ils ont besoin pour assurer leur développement, ils peuvent être enclins à prendre des mesures hostiles (pouvant aller jusqu'à la décision extrême de répudiation de la dette). Les coûts économiques de telles mesures ne sont pas évidents ; ils dépendent des mesures de rétorsion qui seraient alors prises par les créanciers. Or il est douteux que l'on puisse en représailles exclure longtemps de gros pays débiteurs du commerce international : ils assurent des débouchés intéressants aux exportations des pays industrialisés. Mais au-delà du calcul économique, il ne faut pas négliger la dimension politique. Les intérêts de politique étrangère incitent certainement les gouvernements des pays débiteurs en difficulté à ne pas heurter de front les pays industrialisés, encore que les arguments de solidarité entre pays en développement puissent à l'occasion se manifester. Il est clair, par exemple, que le Mexique accorde beaucoup d'intérêt au maintien de bonnes relations avec les États-Unis, et cela n'est pas étranger aux réticences mexicaines à soutenir les différentes tentatives de « cartel des débiteurs ». Mais, dans certains cas, les intérêts de politique intérieure peuvent imposer des mesures d'hostilité envers les créanciers : le coût social et politique d'un ajustement économique dont on ne voit pas la fin, alors même que la stabilité politique reste fragile, particulièrement dans les démocraties naissantes d'Amérique latine, peut à la longue s'avérer insupportable. Dès lors, pour rendre la négociation possible, les banques doivent consentir des concessions et, en particulier, de nouveaux crédits (voir tableau III).
Les créanciers, à leur tour, ont bien sûr collectivement intérêt à ce que les solutions extrêmes soient évitées. Ce qui importe n'est au demeurant pas tant le remboursement ultime de la dette que le paiement régulier des intérêts sur cette dette. Mais pour conserver ces créances douteuses à leur bilan, et pour accorder de nouveaux prêts, les banques ont besoin de garanties sérieuses ; les pays endettés devront prendre les mesures économiques qui dégageront les ressources nécessaires pour le service futur de leur dette (voir tableau IV).
Quelle que soit l'opinion que l'on ait sur les programmes d'ajustement du Fonds monétaire international, c'est grâce à son intervention qu'ont pu progresser les négociations entre débiteurs et créanciers (pour la dette bancaire comme pour la dette officielle) : « L'acceptation, par les pays débiteurs, de la conditionnalité du FMI est devenue un élément clef (des) négociations (...), dont les banques ont fait dépendre leur propre acceptation des programmes de refinancement (Banque des règlements internationaux, Rapport annuel, 1984, p. 124.). » Le FMI a pu subordonner son intervention financière auprès des États débiteurs en difficulté au consentement de nouveaux crédits par les banques, et à la mise en place, sous son égide, de programmes d'ajustement dans chaque pays. Il a donc joué un rôle clef dans ces négociations.