La désinflation

2,2 p. 100 d'inflation en 1986. Ce résultat, exceptionnel pour la France, confirme la tendance au ralentissement des hausses de prix dans les pays occidentaux et la rupture avec l'idée naguère dominante, selon laquelle le chômage pourrait être vaincu au prix d'une inflation plus rapide.

Comme le mot le suggère, la désinflation se définit par référence à l'inflation. La plupart des nations occidentales ont connu sans désemparer depuis la Seconde Guerre mondiale, une augmentation quasi générale des prix des biens et des services, ces prix étant exprimés en monnaie à leur valeur nominale. Bien qu'ils n'aient pas varié à la même cadence pour chacun des biens et des services qui composent le produit intérieur brut, l'habitude s'est prise de résumer l'inflation par un seul chiffre : celui du taux annuel d'augmentation du niveau général des prix. Il est calculé soit en moyenne annuelle par le rapport du niveau d'ensemble des prix observés en année n au niveau de ceux qui avaient été enregistrés dans l'année précédente, soit en glissement par estimation de la tendance observée au cours des douze derniers mois connus. Ce procédé est commode, mais à la condition de garder présent à l'esprit :
a) que le calcul d'une moyenne cache une évolution plus ou moins divergente des prix des éléments composant le produit intérieur, et en particulier les biens de consommation ;
b) que les taux de salaire ont tendance à croître plus vite, sauf en période d'hyperinflation, en sorte que la dépréciation du pouvoir d'achat de l'unité monétaire n'entraîne pas fatalement celle du niveau de vie des consommateurs (voir : J. Fourastié et B. Bazil, Lorsque les prix baissent, Hachette, 1983).

La désinflation est le ralentissement graduel de l'inflation ainsi définie : les prix continuent en général d'augmenter mais à un rythme continûment décroissant ; plus exceptionnellement, le niveau général des prix diminue au lieu de monter, comme le montre l'exemple de la République fédérale d'Allemagne depuis avril 1986.

Le concept de désinflation doit être distingué d'un terme voisin, celui de déflation. La désinflation concerne seulement les variations du rythme auquel l'inflation déprécie la valeur de l'unité monétaire. La déflation recouvre de manière souvent indistincte le tassement des valeurs nominales de la production, de la dépense, des crédits, etc., et confond dans un même mouvement les prix et les quantités correspondantes.

Les économies occidentales sont entrées depuis 1980 dans une période de désinflation qui, pour ne pas être sans précédent, n'en a pas moins retenu l'attention en raison de ses aspects très particuliers. Le tableau et le graphique mettent en évidence la diminution du rythme annuel de hausse des prix à la consommation relevés dans les dix principales nations occidentales. En six ans, de 1980 à 1986, l'inflation a perdu 9 points pour les dix pays observés et n'atteint plus que des valeurs de 3,7 p. 100 en 1985, 2,2 p. 100 en rythme annuel en 1986. Ce processus n'est certes pas nouveau. Le graphique met en évidence, en effet, le ralentissement intervenu après le premier choc pétrolier qui s'était traduit par un quadruplement du prix du pétrole intervenu en quelques jours en octobre 1973. Mais l'originalité de la désinflation qui a succédé au second choc pétrolier, lequel se caractérisait par un triplement des prix du pétrole entre fin 1979 et l'automne 1981, est de rapprocher les économies occidentales d'un régime de stabilité monétaire.

Les bienfaits de la désinflation

Avant d'indiquer les causes de ce phénomène, il convient de rappeler en quoi la désinflation est désirable et constitue un progrès à mettre à l'actif des politiques économiques occidentales et des comportements des agents économiques des années 1980. Comme le démontrent amplement les expériences d'inflation accélérée à des taux dépassant le seuil psychologique des deux chiffres, c'est-à-dire de 10 p. 100, et à plus forte raison dans les cas historiques d'hyperinflation (à 3 ou à 4 chiffres, voire à plus) la dégradation de la monnaie déséquilibre les relations d'échanges, sape la confiance des agents économiques dans les institutions financières, redistribue les richesses de manière injuste et déstabilise en fin de compte les rapports sociaux et politiques.