Panorama

Introduction

La reprise mondiale tant souhaitée à la fois par les pays industriels et par le tiers monde devait nettement s'affirmer en 1986, après s'être amorcée progressivement depuis 1982. Plusieurs facteurs semblaient aller dans le sens d'une croissance plus forte : d'une part, les politiques d'assainissement suivies par de nombreux pays, le plus souvent sous l'impulsion du libéralisme, commençaient à porter leurs fruits ; d'autre part, un environnement international très favorable se dessinait avec la dépréciation du dollar, la chute du prix du pétrole et la baisse des taux d'intérêts.

Mais ces prévisions optimistes ne se sont pas réalisées et les résultats sont décevants. Le taux de croissance de l'économie mondiale a atteint seulement 2,5 p. 100 en 1986, soit un peu moins qu'en 1985. Le ralentissement est particulièrement net aux États-Unis et au Japon, alors qu'en revanche, la France connaît, pour la première fois depuis quelques années, une croissance qui se rapproche de la moyenne. Mais l'Allemagne fédérale reste la plus dynamique.

Ces erreurs de prévisions, d'ailleurs de plus en plus fréquentes, peuvent s'expliquer en grande partie par deux phénomènes caractéristiques de l'année et qui sont d'ailleurs liés. Il s'agit du manque de concertation internationale et de la montée des incertitudes en raison de l'interdépendance croissante des économies.

La concertation internationale à l'épreuve

L'économie mondiale oscille en permanence entre la coopération et l'affrontement. Cette situation est à la longue néfaste à ses progrès. Aussi, peu à peu, les tenants du libéralisme même semblent se rallier à la nécessité d'une concertation, de négociations multilatérales, au lieu d'appliquer la politique du chacun pour soi. Pourtant la mise en pratique est difficile tant les intérêts sont divergents.

D'abord, la coordination tant réclamée des politiques économiques s'est heurtée à l'opposition constante entre la position américaine et celles de l'Allemagne, et, dans une moindre mesure, du Japon. Les États-Unis, partisans du dopage économique, exigeaient la baisse des taux d'intérêts et la stimulation de la demande intérieure chez leurs deux partenaires. Le Japon et l'Allemagne désiraient, en revanche, une plus grande stabilité monétaire et refusaient de jouer les locomotives. Comme moyen de chantage, les Américains ont laissé filer le dollar au-delà des objectifs définis lors de l'accord du 22 septembre 1985. C'est seulement lorsque le Japon a cédé, le 31 octobre, en baissant pour la quatrième fois son taux d'intérêt, qu'un accord nippo-américain de stabilisation de la parité entre le yen et le dollar est intervenu, isolant encore plus les Européens.

De même, dans le cadre des échanges internationaux, le contraste est frappant entre ces deux attitudes : d'une part, le climat de guerre économique s'intensifie entre les différents partenaires avec l'accentuation des pressions protectionnistes, le développement des mesures discriminatoires et la résolution des problèmes au coup par coup ; d'autre part, dès l'automne, s'est ouvert officiellement à Punta del Este, en Uruguay, un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales (NCM) qui durera plusieurs années et dont le but est de renforcer la vitalité du libre échange, avec encore plus d'ambition, puisque, pour la première fois, de nouveaux thèmes seront abordés, tels l'agriculture et surtout les services.

Bien d'autres exemples pourraient corroborer les difficultés de la concertation internationale, comme les rapports Nord-Sud, les relations entre membres de l'OPEP, ou entre États de la communauté du tiers monde.

La montée des incertitudes

Dans une économie de plus en plus complexe, mondiale et changeante, la montée des incertitudes, au regard tant des fluctuations excessives que des déséquilibres permanents et croissants, constitue le second handicap, et non des moindres, qui rend les prévisions inopérantes et favorise la stagnation internationale.

En matière de fluctuations, l'année 1986 a été particulièrement riche. D'abord, en décembre 1985, l'OPEP, renonçant à son rôle de gardien des prix mondiaux du pétrole, afin de privilégier la défense de ses parts de marché, a provoqué l'effondrement du marché. Le prix du baril de 28 dollars est tombé à 7 dollars en juillet, pour retrouver progressivement un niveau de 14-15 dollars après l'accord du 4 août, renouvelé en octobre, qui marque un retour au plafonnement de la production. La polarisation sur ce contre-choc pétrolier ne doit pas faire oublier l'évolution également chaotique du cours des matières premières dont dépendent encore largement les pays sous-développés.