Bernard Palissy n'était pas seul à travailler dans ce secteur : des artisans tuiliers (d'où le nom donné au château) s'étaient fixés là depuis le xive siècle. Plusieurs fours, très bien conservés, ainsi que leurs annexes (aire de travail, hangars, dépotoir et bassin de décantation) indiquent différentes périodes d'utilisation et apporteront, au terme de l'étude, de multiples informations sur l'évolution du travail et de la cuisson de la terre entre le xive et le xvie siècle. L'un d'entre eux contenait encore des tuiles à cuire dans sa chambre de chauffe. On imagine que l'artisan a dû quitter précipitamment les lieux, mais on ignore pour quelle raison. On sait seulement que l'activité des tuileries cesse à la fin du xvie siècle, lorsque s'achève la construction du palais.

La reine avait confié la direction des travaux à l'architecte Philibert Delorme, qui avait prévu un ensemble palatial très vaste, formé d'un corps de logis central (le seul qui fut édifié), encadré de deux ailes et de galeries ouvrant sur des jardins. Ce projet ne fut pas réalisé, mais la fouille a dégagé les fondations des bâtiments initialement prévus. Entre deux murs du xvie siècle, une émouvante surprise attendait les archéologues : une sépulture de l'âge du fer où reposait un bébé de quelques mois, enterré avec deux petits vases. Ce très jeune squelette, qui est en fait le « plus vieux Parisien » que l'on connaisse, avoisinait des traces d'occupation humaine d'époque gauloise, caractérisée par un vaste enclos irrégulier où l'on devait parquer le bétail, à moins qu'il ne s'agisse du pourtour d'une ferme. D'autres vestiges portaient l'empreinte de l'occupation romaine : un mur en argile crue, des tessons de céramique sigillée, une petite cabane isolée entourée de champs cultivés... Peut-être sommes-nous ici à proximité d'une villa gallo-romaine, indique P. J. Trombetta, en faisant remarquer que le nombre des tessons de sigillée, très faible dans la cour Napoléon, va en croissant à mesure que l'on s'éloigne vers le sud-ouest.

Le temps et l'argent

Jusqu'aux derniers jours, le sous-sol du Louvre a ménagé des surprises. Début octobre 1986, alors que les pelleteuses s'apprêtaient à investir le chantier, les archéologues ont mis la main sur les restes d'un campement néolithique semé de silex taillés et de fragments de poterie. Rien de comparable avec ce site bien conservé où l'on distingue encore une meule à grains en grès et des emplacements de foyers. Dégager ce précieux matériel, repérer les différents niveaux d'occupation en décapant le sol couche après couche, recueillir un à un les microlithes, tout cela nécessite absolument des méthodes de travail rigoureuses.

Le manque de temps et le manque de crédits sont pour la plupart des archéologues français des écueils bien difficiles à éviter, qui compromettent la qualité scientifique de leurs actions. En prenant la direction des fouilles de la cour Napoléon, P. J. Trombetta pouvait espérer échapper à ces contraintes. C'était compter sans les découvertes de la cour des Tuileries. L'Établissement public du Grand Louvre, après avoir accordé un délai supplémentaire de plusieurs mois, a fixé la fermeture définitive des fouilles au 15 novembre, alors que la zone entre le pavillon de Flore et l'arc de triomphe du Carrousel n'avait pu être exploitée à fond. Pour la poignée d'archéologues restée sur le terrain a commencé la traditionnelle guerre d'usure : faire au plus vite pour réussir tant bien que mal ce sauvetage hâtif, alerter les médias, trouver les arguments et les appuis nécessaires pour obtenir quelques jours, quelques semaines de sursis. Après les déclarations enthousiastes de mars 1984 sur les avantages d'une fouille programmée de cette envergure, on aurait pu s'attendre à une fin plus honorable. Mais les archéologues du Louvre, malgré les 55 millions de francs mis à leur disposition pour l'ensemble des chantiers – qui dépassent la totalité des crédits alloués à l'archéologie française pendant la même période –, ont été contraints à faire des choix fondés non pas sur des critères scientifiques mais sur un manque de temps et un défaut de programmation.