Au xviie siècle, la proximité des Tuileries et l'aménagement de la rue Saint-Nicaise modifient cet espace, qui se peuple de somptueux hôtels aristocratiques.

La vie quotidienne

Sur un chantier d'archéologie urbaine, d'autres vestiges de la ville disparue en disent plus long sur la vie quotidienne que les pans de murs et les caves à demi rasées : ce sont des dépotoirs et les latrines. La plupart de ces fosses mises au jour cour Napoléon ont été creusées au xive siècle. À en juger par leurs dimensions (5 à 6 m de profondeur, 2 à 3 m de diamètre), elles devaient être utilisées par un groupe d'habitations plutôt que par des particuliers.

Les fosses à détritus, véritables mines de trésors pour l'archéologue, ont toutes été passées au peigne fin, ou plus exactement à la truelle, à la brosse et parfois même à la pince à épiler ! La diversité et la qualité du matériel recueilli dépassent les espérances : 15 à 20 millions de tessons, d'ossements, de déchets et d'objets en tous genres dont les plus intéressants ont été classés dans un fichier informatique. Des collections de dés et des guimbardes retrouvées dans un puits, des pipes en terre du xixe siècle, de la verrerie vénitienne et de la porcelaine chinoise d'époque Ming et même un vrai magot déterré dans une latrine de l'hôtel de Beringhen, composé de 195 écus d'argent de Louis XV : voilà quelques exemples de cette riche moisson.

Une fois lavées, traitées et numérotées selon leur provenance, les poteries ont été restaurées dans les ateliers du chantier : on a pu ainsi reconstituer de remarquables séries de céramiques communes du xiiie au xviiie siècle, qui devraient permettre de renouveler complètement les connaissances dans ce domaine. Car, contrairement à ce que l'on pourrait croire, les archéologues, jusqu'à présent, en savaient beaucoup moins sur les grès et les faïences de l'époque classique que sur la sigillée gallo-romaine, faute de repère chronologique précis. Au Moyen Âge, l'emploi de la céramique dépassait largement la vaisselle de table. Des objets aussi divers que des lampes à huile, des jouets, des éléments de canalisation, des bénitiers et des statuettes religieuses, du matériel d'apothicaire et des ustensiles de cuisine en terre cuite ont été répertoriés cour Napoléon. Les formes les plus courantes sont les pots à cuire, ancêtres de nos casseroles actuelles, depuis le « coquemar » médiéval que l'on poussait dans la braise, jusqu'à la marmite du xviie siècle, munie de trois pieds et d'une « anse à poucier » pour assurer une meilleure prise. D'après P. J. Trombetta, une grande partie de la céramique culinaire utilisée au Louvre pendant le Moyen Âge provenait d'ateliers parisiens, car elle diffère des séries glaçurées de même époque mises au jour sur les chantiers archéologiques de Saint-Denis et de Chevreuse. À côté de cette production locale, on remarque des céramiques à pâte rouge de la région de Dourdan-Chartres, puis, à partir du xvie siècle, des grès jaunes et verts du Beauvaisis et des grands récipients d'origine normande, tels que les pots à beurre ou à saindoux. L'analyse chimique des pâtes céramiques permettra de préciser les lieux et les techniques de fabrication, et peut-être de porter un nouveau regard sur la production spécifiquement parisienne, qui reste jusqu'à présent très mal connue.

Bernard Palissy et Philibert Delorme

« Nous ne sommes pas des chasseurs de trésors », clament les archéologues de la cour Napoléon qui, pendant deux ans, ont recueilli avec autant d'intérêt les crânes de mouton et les brosses à cheveux que les monnaies rares. Et pourtant, le trésor existait bel et bien. Un peu plus à l'ouest, devant le pavillon de Flore. C'est là que fut dégagée, en septembre 1985, une fosse circulaire remplie de moules et de tirages liés à la production de Bernard Palissy, puis, au cours du printemps 1986, dix fours, dont l'un a réellement servi – au moins comme entrepôt – au grand céramiste de Catherine de Médicis.

Vers 1565, Bernard Palissy avait installé son atelier aux Tuileries. Les quelques 5 000 pièces qu'il a abandonnées dans un dépotoir nous donnent une idée plus claire de son œuvre et de sa technique : toutes sortes d'animaux marins, des coquillages, des crustacés, des batraciens, et même un phoque grandeur nature ont été moulés sur le vrai et intégrés dans un décor naturaliste en céramique émaillée. Le monde animal n'est pas sa seule source d'inspiration : il reproduit des statues antiques et fabrique des médaillons polychromes représentant des personnages connus de l'époque. Il essaie aussi d'autres procédés comme des petites figurines brunes en pâte marbrée dont on vient de découvrir quelques exemplaires.