Secteur primaire
Agriculture
La nouvelle politique
L'année se caractérise par la profonde mutation de la politique agricole commune, dont dépend, pour une grande part, l'agriculture française. Proposée depuis plusieurs années par la Commission des Communautés européennes, la réforme de cette politique a été acceptée, en mars, par les dix pays, contraints par les nécessités financières constamment mises en avant par les Britanniques. Son principe fondamental : plus de garantie illimitée des prix quels que soient les volumes de production. Pour les céréales, par exemple, au-delà d'un certain seuil, les prix seront diminués et une participation sera demandée aux producteurs afin de faciliter les exportations.
Négociations sur le budget
Pour la première fois, une diminution des prix agricoles est votée dans la CEE. Les Dix décident que les prix agricoles de la campagne 1984-85, exprimés en écu, diminueront de 1 % en moyenne. La baisse ne concerne pas la France, qui bénéficie, comme les autres pays à monnaie faible, du transfert de 3 points de montants compensatoires monétaires allemands. S'ajoute une dévaluation du franc vert qui porte l'augmentation moyenne des prix « théoriques » français à 5 %.
De sommet en sommet des dix chefs d'État et de gouvernement, les négociations relatives au budget agricole ainsi qu'à la participation britannique s'enlisent. Il manque environ 2 milliards d'écus (1 écu = 6,90 F) pour faire face aux dépenses agricoles de l'année. Les réunions des divers ministres concernés (Agriculture, Finances, Affaires étrangères) se succèdent pendant plusieurs mois, pour parvenir, enfin, à un accord début octobre. Les États avanceront la moitié du trou (France : 228 M d'écus). L'autre moitié est résorbée grâce à de nouvelles économies sur le déstockage de produits laitiers et de viande différé en 1985, bien que les frigos soient pleins. D'autres dépenses sont reportées sur le prochain budget, dont personne ne sait comment il pourra être équilibré. La Commission prend, pour éviter d'être en cessation de paiement, des mesures drastiques — réduction d'avances aux États, report de remboursements — concernant la gestion des marchés. Leur impact diminue les prix perçus par les producteurs.
Les Dix poursuivent, également, de dures négociations sur l'élargissement de la Communauté, pour lequel le président de la FNSEA François Guillaume demande un référendum. L'une des principales difficultés de cet élargissement, qui provoque plusieurs manifestations violentes dans le Midi, réside dans l'organisation du marché du vin. La France fait un préalable de sa profonde réforme, mais elle rejette catégoriquement la proposition de la Commission prévoyant, notamment, l'arrachage de 210 000 ha de vignes.
Les Dix se tournent alors vers la solution proposée par Michel Rocard, ministre de l'Agriculture : celle de quotas régionaux. Le sommet de Dublin parvient à un accord qui plafonnera la production au niveau de la consommation plus l'exportation, soit 100 millions d'hl, par une distillation obligatoire à 50 % du prix d'orientation. Tollé des professionnels. Pour éviter une explosion dans les régions méridionales, le gouvernement obtient de ses partenaires l'autorisation de prendre à sa charge des mesures de soutien des prix. Un nouvel exemple d'une certaine renationalisation de la politique agricole commune dont les grands principes vacillent.
Des quotas discutés pour le lait
La limitation de production de lait est décidée, toujours en mars, par les Dix. L'application d'un seuil de garantie est insuffisant à résoudre le problème posé par les excédents européens. Ils atteignent 13 millions de tonnes d'équivalent-lait, dont le stockage coûte 1 000 écus par minute.
La production française devra être égale à celle de 1983 diminuée de 2 % (de 1 % en montagne) et donc baisser de 1 million de F pour passer à 25,6 millions en 1984-85. Des dizaines de milliers d'agriculteurs manifestent dans l'Ouest pour protester contre cette réduction. La FNSEA conseillant aux producteurs de ne pas tenir compte des quotas, la production remonte à l'automne. Les pouvoirs publics renforcent la diminution qui pourra atteindre 2,8 %.