Quant à la loi de l'enseignement supérieur, promulguée en janvier 1984 après une mémorable bataille d'amendements (2 011 à l'Assemblée nationale et 400 au Sénat), les décrets d'application se font toujours attendre. De plus, un recours déposé par le Conseil constitutionnel le 20 janvier l'a quasiment vidée de sa substance, en déclarant non conforme à la Constitution le principe du collège électoral unique des enseignants-chercheurs institué pour les trois conseils gérant les universités (conseils d'administration, scientifique et de la vie universitaire). Les professeurs sont en effet minoritaires par rapport aux autres catégories, et le Conseil constitutionnel a considéré que, de ce fait, le collège unique pourrait porter atteinte à leur indépendance dans l'enseignement. Ce rejet prive le texte du seul point où Alain Savary avait tenté d'innover dans un sens anti-hiérarchique.
Autre problème toujours en suspens, les négociations sur les carrières. Deux corps pour les enseignants-chercheurs (professeurs et maîtres de conférences), modification des services qui devrait conduire concrètement à l'allongement de 25 à 32 semaines de l'année universitaire et à l'augmentation d'une heure du service des professeurs, promotion soumise à la mobilité, candidatures limitées à cinq établissements chaque année, telles sont les principales dispositions.
Elles ne réjouissent guère les universitaires, en particulier les syndicats de gauche, qui auraient souhaité un corps unique. En dépit d'une grève des examens très inégalement suivie, ils n'ont obtenu que quelques concessions jugées insuffisantes.
La question des moyens
La rénovation du système éducatif fait l'objet d'un programme prioritaire d'exécution (PPE no 2) dans le cadre du IXe Plan. Il programme, d'ici 1988, la rénovation de tous les collèges, ainsi qu'un plan de formation des enseignants : le volume des stages passera de 260 000 à 555 000 semaines en cinq ans, et 18 000 emplois seront affectés à l'Éducation nationale. Il prévoit également la scolarisation de 430 000 élèves et étudiants supplémentaires (soit un accroissement de 40 % des jeunes dans les filières BAC + 2 : les IUT accueilleraient notamment 1 000 étudiants de plus par an) et une réduction de moitié (40 000) des sorties sans qualification du système éducatif. Le doublement des classes passerelles — de 21 000 à 41 000 — est prévu à cet effet. Total de l'enveloppe allouée à ce PPE : 91 530 millions de F.
Pourtant le budget de l'Éducation nationale déçoit, en dépit d'une progression de 8,9 % (contre 6,3 % pour l'ensemble du budget) en 1984, et de 6,4 % en 1985. Le budget de 1985 prévoit la création de 2 289 emplois dans le secondaire (dont une grande partie dans le technique), mais aussi la suppression de 800 postes dans le primaire et une amputation de 2 % des crédits d'équipement. Pour les syndicats, il s'agit d'un budget de fonctionnement et non d'un budget de rénovation, et c'est « nettement insuffisant ». À l'inquiétude sur les objectifs s'ajoute donc celle sur les moyens.
Décentralisation timide apparition
La décentralisation fait son entrée dans l'Éducation nationale par les transports scolaires. C'est désormais aux départements (en zone rurale) et aux communes (en zone urbaine) de définir la politique tarifaire, les catégories d'élèves pris en charge, la distance minimale requise du domicile à l'établissement et la participation éventuelle demandée aux familles. Un transfert de dotations locales de l'État aux collectivités locales a eu lieu à cet effet, dès le 1er septembre 1984. Les départements peuvent en outre (sauf en Île-de-France) déléguer la responsabilité de l'organisation des services de transports scolaires aux communes, groupements de communes, établissements d'enseignement, associations familiales ou de parents d'élèves. L'an prochain, les collectivités locales devraient se voir confier des pouvoirs nouveaux (conception de la carte scolaire, responsabilité matérielle des établissements et organisation d'activités complémentaires de l'enseignement).
Michaëla Bobasch
Étranger
L'école des autres
Comment adapter l'enseignement aux exigences du monde moderne ? Dans une société en mutation constante (sur les plans économique, démographique, politique, technologique, industriel), l'école doit former des individus non plus spécialisés comme autrefois, mais capables d'adaptation aux nouvelles techniques, et de mobilité professionnelle. Il faut donc changer les objectifs de l'enseignement. Tous les six ans, les ministres de l'Éducation des pays membres de l'OCDE se réunissent pour faire le point et dégager des préoccupations communes. Ils l'ont fait à Paris les 20 et 21 novembre 1984. Voici quelques-unes de leurs conclusions. Un consensus se dégage sur l'acquisition d'un savoir de base minimal, permettant ensuite tous recyclages et évolutions. Plutôt que de gaver les élèves de connaissances vite périmées, apprenons-leur à apprendre. On s'emploie à modifier les programmes, en mettant l'accent sur les disciplines fondamentales (langue maternelle et langues étrangères, mathématiques, sciences, économie), quitte à réduire le nombre des options. Cependant, aux États-Unis, au Danemark et en Grande-Bretagne, on insiste sur la nécessité de réserver une place aux matières nouvelles comme l'initiation à l'informatique.
La qualité
Dans tous les pays — à l'exception du Japon et de la Finlande —, on déplore une baisse du niveau. C'est le cas, notamment, en RFA, au Royaume-Uni, en Norvège, aux Pays-Bas et surtout aux États-Unis, où « trop d'adolescents ne savent ni lire ni écrire au sortir de l'école, et où les élèves brillants ne parviennent pas à développer pleinement leurs talents ». Quels que soient les systèmes d'enseignement, tous connaissent l'échec scolaire. Et, partout, on désire y remédier, sans pour autant sacrifier les meilleurs. C'est le fameux débat égalité des chances et qualité de l'enseignement. Dans tous les pays de l'OCDE, on considère que la recherche de la qualité et celle de l'égalité sont complémentaires, le but de l'enseignement étant « d'aider chacun à faire fructifier pleinement ses dons, en relevant aussi bien le plancher que le plafond des résultats scolaires » (États-Unis). Nulle part on n'envisage de supprimer ou de réduire les crédits alloués à des mesures d'aide pour les élèves défavorisés. Au contraire, on souligne la nécessité de faire diminuer « le nombre des adolescents dépourvus de tout certificat de fin d'études au sortir de l'école » (RFA).
Rénovation
Pour améliorer la qualité de l'enseignement, plusieurs moyens. Tout d'abord l'abandon des « filières » différenciées : ainsi, en Norvège et en Finlande, les élèves restent dans la même classe jusqu'à la fin du cycle d'enseignement secondaire obligatoire ; au Japon, par contre, on retient l'idée de « leçons de soutien » pour les enfants les plus lents et du groupement d'élèves par niveaux d'aptitude. Ensuite, la modification des rythmes scolaires : aux États-Unis, plusieurs rapports recommandent « une organisation plus judicieuse de la journée de classe, et un allongement de l'année scolaire, car plus l'élève consacrera de temps à l'étude, meilleurs seront ses résultats ». Ils préconisent donc « une journée de sept heures et une année de 200 à 220 jours, davantage de discipline pour lutter contre l'absentéisme, et des heures supplémentaires consacrées aux élèves les plus lents et aussi aux plus doués ». Enfin, les contenus et méthodes : il faut réviser les manuels, les rendre « plus rigoureux, plus intéressants et mieux adaptés au niveau de chaque élève » ; on s'y emploie aux États-Unis, où les éditeurs devront « fournir la preuve de la qualité et de l'utilité des livres, fondée sur le résultat d'activités expérimentales et sur les conclusions d'évaluations dignes de foi », mais aussi en Autriche (remise à jour constante) et au Japon.