Le rock ainsi que le jazz ont, dans une autre perspective, nettement amélioré leurs relations avec les médias. La télévision propose désormais, sur chacune de ses chaînes, au moins un programme consacré à ces musiques : Mégahertz le samedi sur TF1, Platine 45 le mercredi, et Les enfants du rock le jeudi sur A2, L'écho des bananes le dimanche sur FR3, sans oublier les merveilleuses retransmissions de concerts de jazz filmés par Jean-Christophe Averty. Ailleurs, grâce à l'essor des radios libres, rock, jazz et soul music figurent en bonne place sur toutes les ondes. Premier bénéficiaire : ce qu'on appelle communément le rock français qui, de Little Bob Story à Gotainer, couvre un ensemble de groupes et de chanteurs dont le seul point commun est de résider dans ce pays.

Les uns s'expriment en anglais et jouent dans un style souvent très proche des modèles anglo-saxons, comme Little Bob (tournée en mars) ou les Dogs (tournée en mai). Ces deux formations sont originaires de la région normande. D'autres chantent en français, tout en restant très attachés à un style mis au point par les Anglais. On rapprochera Telephone des Rolling Stones et Trust d'AC/DC. Et puis il y a le gros de la troupe, des centaines de noms qui cherchent, dans des voies souvent originales, à se distinguer les uns des autres.

Duos

Comme en Angleterre, la nouvelle vogue est aux duos, voix et appareils électroniques : Kas Product (Nancy), Rita Mitsouko ou Pierrot le Fou tournent ainsi avec un matériel réduit, tout en réalisant les expériences les plus passionnantes du moment. Ailleurs, les Allemands de DAF (Paris, en mars) et les Anglais de Soft Cell (longtemps en tête du hit-parade avec Tainted love) semblent vouloir prouver que seule la formule du duo a encore quelque avenir. Pour sa part, Rita Mitsouko a fait l'expérience de la décentralisation des salles de concert en jouant au cœur de La Courneuve, dans la salle immense du Yuro Théâtre (décembre), assurant la première partie d'un groupe nouvelle vague américain, Indoor Life.

Il existe en France des dizaines de petits groupes expérimentaux qui n'auraient pas à rougir à côté de leurs homologues anglais ou américains. Pour la première fois sans doute dans l'histoire du rock, un pays ne peut se prétendre plus en avance qu'un autre... qualitativement. Car, bien entendu, cette année a été une fois de plus le théâtre de nombreux concerts, pour la plupart le fait d'artistes anglo-saxons.

La tendance qui se détache le plus clairement est celle d'une certaine froideur, héritage direct des recherches de David Bowie, Brian Eno, Kraftwerk et Robert Fripp. Les synthétiseurs ont la parole, imitant claviers, percussions, sections de cuivres, ou inventant simplement de nouveaux sons. DAF (novembre), Tuxedo Moon (décembre), Depeche Mode (avril) el surtout Human League (mars) offrent différents exemples d'intégration des instruments synthétiques au sein de formations aux parties vocales importantes. Mais le genre a ses outrances, et le public s'en détourne parfois pour applaudir les valeurs sûres d'un rock chaleureux et bien charpenté, comme celui de Mink de Ville (novembre), Rory Gallagher (mars) ou Dave Edmunds (mars).

Ce goût pour le rock and roll proche de la tradition du genre se manifeste particulièrement dans le retour de la mode rockabilly. Les Américains Stray Cats (février) en sont la plus vigoureuse expression — et probablement la plus populaire, surtout auprès du jeune public. Les vieux teddy boys comme Shakin'Stevens (septembre) ou Crazy Cavan (janvier) en profitent pour retrouver la gloire de leurs débuts, sinon pour connaître enfin la consécration, après une vingtaine d'années dans l'ombre.

Cette vogue du rockabilly des années 50 — la musique qui rendit célèbre Gene Vincent, Eddie Cochran et leurs émules Johnny Hallyday et Eddy Mitchell — a vu l'éclosion de toute une mode vestimentaire et capillaire, qui redonne au rock cet aspect purement visuel, point de référence entre initiés, mais aussi plaisir du jeu, du costume, de la danse.