Concernant la désignation des jurés, une réforme est intervenue en 1978. Elle tend à une plus juste représentativité de la population. Jusqu'en 1978 le maire choisissait les jurés — de préférence parmi les retraités et les notables. Certains administrés insistaient pour figurer sur la liste ; d'autres se désistaient. Désormais les jurés sont tirés au sort, publiquement, par le maire sur l'ensemble des électeurs âgés de plus de 23 ans et en possession de leurs droits civiques. Ainsi les jurys sont composés d'éléments plus jeunes et les femmes largement représentées.

Malheureusement, cet éclectisme dans la composition des jurys n'entraîne pas pour autant leur impartialité dans le jugement. La passion domine trop souvent pour l'appréciation de la vérité : l'attitude, l'aspect extérieur, la façon de s'exprimer d'un accusé pèsent parfois plus lourd dans la fameuse balance que ses antécédents, son caractère, son milieu social ou le contexte même du drame qui s'est déroulé.

Abolition

Déjà abolie de facto par le président Mitterrand pour la durée de son septennat, la peine de mort le sera sans doute légalement par le Parlement dans quelques mois. Se posera alors un autre problème : celui de la peine de remplacement Les conditions de détention, jugées trop douces par les uns, trop pénibles par les autres, méritent une réforme. On remettra sans doute en question les fameux QHS (quartiers de haute sécurité) et aussi les permissions de sortie accordées aux détenus sur avis du juge d'application des peines. On se souvient qu'Yves Maupetit et André Pauletto — entre autres — étaient ces permissionnaires lorsqu'ils commirent leurs forfaits.

Souhaitons enfin que, dans le débat parlementaire, une question ne soit pas escamotée : celle de la prévention de la criminalité. Mais pourra-t-on un jour proscrire la violence dans une société où tout s'acquiert par la violence, où la lutte pour une place au soleil s'instaure dès l'école, où les spectacles de bagarre inondent le petit et le grand écran ? Une société où confort et célébrité riment avec argent ? Une société où les vertus civiques n'ont plus cours, où les preneurs d'otages touchent des rançons colossales ? Une société où les petites gens qui vivaient de leur travail se retrouvent chômeurs, où les jeunes ne réussissent pas à démarrer dans la voie pour laquelle ils s'étaient préparés ? Une société, enfin, où la vedette du show-business jouit d'une considération infiniment supérieure à celle d'un chercheur.

Les dingues de la gâchette

Tirer le premier ; chez certains gangsters, la règle d'or des westerns est devenue un principe sans nuance, et des policiers en ont fait le commandement n° 1 de leur métier. Bilan de ces fusillades dans toutes les régions françaises : 25 gendarmes et 9 policiers abattus en 1980, et une dizaine de victimes de ce qu'il est convenu d'appeler des bavures policières.

Trop souvent, par exemple, des policiers donnent l'impression de tirer les suspects au jugé. Ainsi, porte de Vanves à Paris, le 30 juin 1980. Des policiers prennent en chasse une Alpine-Renault qui leur paraît suspecte. À juste titre : il s'agit d'une voiture volée quelques heures plus tôt par le jeune Neta, qui voulait « sortir » Marina, sa petite amie. Sans sommation, les policiers tirent. Six balles, qui criblent la voiture de sport. Marina est touchée grièvement. Elle meurt à l'hôpital. Elle avait 20 ans.

Mohamed Laouri n'avait lui que 17 ans Ce 18 octobre 1980, vers 22 heures, il est assis à côté de son copain Djermoune dans la R12 de ce dernier, lorsqu'ils rentrent chez eux, cité de la Buserine, à Marseille. Un détachement de la CRS 53 patrouille dans le quartier, à la recherche d'une voiture volée. Quelques minutes plus tôt, il n'a pu contrôler une BMW, qui a forcé le barrage. Les hommes sont énervés par cet échec, mais tout se passe bien lorsqu'ils vérifient l'identité des passagers de la R12. Les jeunes gens sont en règle, ils peuvent repartir. C'est alors qu'un des CRS, Jean-Paul Taillefer, ouvre le feu à travers la vitre baissée de la voiture. La rafale de sa mitraillette tue net Mohamed Laouri.