Le lundi 22 septembre 1980, il a quitté son domicile à bord de sa petite voiture blanche pour se rendre comme chaque matin à l'étude de son beau-père, dont il est le premier clerc. Nul ne l'a revu depuis.

Le lendemain de la disparition de Bernard Galle, Me Chaine publie un communiqué : il a reçu une lettre de son gendre et une demande de rançon de 5 millions de F. Me Chaine prie la police et la presse de ne pas se mêler du rapt de son gendre.

Bien sûr, en pareil cas, les proches ne claironnent pas leur intention de collaborer avec la police. Mais, en fait, ils font rarement cavalier seul.

Contacts

Alors, pourquoi Me Chaine adopte-t-il cette position négative ? peut-être parce que cet homme de 60 ans, petit-fils, fils et père de notaire, conseiller municipal, qui mène une vie discrètement confortable, redoute les feux de l'actualité qui, deux fois déjà, ont été braqués sur lui : en 1976, lorsque son frère, Jacques, PDG du Crédit Lyonnais, a été assassiné à Paris par un déséquilibré ; et, peu après, quand il a été lui-même le héros d'une aventure rocambolesque au cours d'un voyage en Amérique du Sud, où des guérilleros l'avaient enfermé dans un coffre de voiture et dévalisé.

Cette fois, la victime est son gendre, Bernard. Mais il est évident que c'est lui, Me Chaine, qui est visé : lui seul peut payer. C'est à lui de décider. Et sa décision il la prend très vite : il accepte les conditions des ravisseurs et le leur fait savoir en accrochant au balcon de son appartement du cours Franklin-Roosevelt, à Lyon, un chiffon rouge. Il y a deux jours que Bernard a disparu.

Pendant ce temps, les policiers enquêtent, péniblement, lentement, contrariés par la loi du silence qu'impose Me Chaine autour de lui. Ils mettent plus, de 24 heures à retrouver la voiture de Bernard Galle pourtant garée à sa place habituelle, mais que personne ne leur a indiquée. Ils se doutent que Me Chaine a des contacts avec les ravisseurs, mais ne peuvent qu'organiser un réseau de filatures.

Les jours passent : l'enquête piétine. Me Chaine se résout à tenir un semblant de conférence de presse, où, pendant une demi-heure, il parle de lui, de sa famille, de son gendre : bref, il ne révèle rien que les journalistes ne sachent déjà.

Rançon

Et puis on apprend que, le vendredi 17 octobre, la rançon a été versée aux ravisseurs. C'est l'associé de Me Chaine, Me Rousseau, qui a opéré. Tôt le matin, il est parti sur sa moto, vers Villeurbanne. Après un véritable jeu de piste, il a été aborde, à Décines, par deux hommes masques armés de revolvers et leur a remis l'argent.

Théoriquement, Bernard Galle doit être remis en liberté… Mais les jours passent et il s'avère que le pessimisme de la police était pleinement justifié. Bernard Galle ne donne pas signe de vie, et peu à peu le silence se fait sur sa disparition. En novembre, on reparle de l'affaire Galle ; des correspondants anonymes ont alerté l'ambassadeur de France au Venezuela : Bernard Galle chercherait à acquérir un domaine à Puerto Cabello.

Le rapt de Michel Maury-Laribière

C'est le treizième enlèvement d'homme d'affaires en France en cinq ans. Il survient le 28 juin 1980, près de Confolens, en Charente, où M. Maury-Laribière, 60 ans, habite avec sa famille.

P-DG de la Société des tuileries et briqueteries françaises, président du comité économique et social de la région Poitou-Charentes et l'un des vice-présidents du CNPF, il se rendait à son usine, ce samedi matin, mais disparaissait en chemin.

On retrouvera sa voiture abandonnée dans un petit chemin proche de la départementale 59. À l'intérieur, une lettre : les ravisseurs demandent à la famille le silence vis-à-vis de la police et une rançon de 3 millions de F.

Émotion

Peu de temps auparavant, au lendemain de l'enlèvement, puis de l'assassinat de Hans Martin Schleyer, le « patron des patrons » allemand, M. Maury-Laribière avait déclaré : « J'ai beaucoup réfléchi à ce problème. Pour moi, il n'est pas question de donner le moindre centime à des ravisseurs. J'ai prévenu toute ma famille et mon entourage. Il ne peut être question de chantage. »