Faits divers

Neuf condamnés à mort dans les prisons françaises

En Amérique, 750 détenus sont susceptibles d'être exécutés du jour au lendemain.

En France, l'élection à la présidence de la République a d'ores et déjà apporté à huit hommes la quasi-certitude qu'ils ne mourront pas sur l'échafaud. En attendant le débat au Parlement sur l'abolition de la peine capitale annoncé par le garde des Sceaux, Robert Badinter, le président de la République a déjà gracié Philippe Maurice, condamné à mort en octobre 1980 pour le meurtre d'un gardien de la paix, et les neuf autres condamnés ont cessé de s'inquiéter de l'approche du sinistre petit matin. C'est le cas de :
– Jean-Luc Rivière (24 ans) et Mohammed Chara (21 ans), condamnés en octobre 1980 pour le meurtre d'une jeune femme, Irène Sobon, et de Sandrine, sa petite fille de 5 ans ;
– Jean-Jacques Nicolas (23 ans), jugé en novembre 1980 ; il avait tué un professeur d'éducation physique : Jean-Noël Caquot ;
– Paul Laplace (59 ans). Il a passé déjà plus de vingt ans en prison. En janvier 1980, il a tué un pompiste ;
– Bruno Albert (27 ans), complice de Paul Laplace, condamné à mort par le même jury, bien qu'il n'ait pas directement participé à l'assassinat ;
– Yves Maupetit (30 ans), assassin d'un retraité et des époux Theureau, condamné à mort par la cour d'assises de Créteil, tandis que sa complice, Jeanine Terriel, avait sauvé sa tête (Journal de l'année 1977-78) ;
– André Pauletto (44 ans), condamné à mort par la cour d'assises des Bouches-du-Rhône en mai 1981 pour le viol et le meurtre de sa fille de 10 ans. Il avait déjà tué sa maîtresse et sa femme ;
– Patrick François, condamné à mort en mai 1981 par la cour d'assises des Ardennes pour l'assassinat d'un garçon de 14 ans ;
– Jean-Pierre Declerck (30 ans), condamné à mort par la cour d'assises du Pas-de-Calais pour le viol et l'assassinat d'une adolescente de 14 ans.

Sur les 31 pays membres du Conseil de l'Europe, sept seulement ont maintenu la peine capitale pour punir les crimes commis en temps de paix. La France se trouve encore dans ce groupe minoritaire, en compagnie de la Belgique, de Chypre, de la Grèce, du Liechtenstein, de l'Irlande et de la Turquie. On sait qu'un récent sondage de la SOFRES (juin 1978) a chiffré à 58 % la proportion des Français favorables au maintien de cette peine, contre 31 % désireux de la voir abolie.

Arguments

Les arguments des premiers n'ont pas varié. Ils estiment que la peine de mort est la « bombe atomique » de notre droit pénal et que, si on la remplace par un quelconque emprisonnement, les criminels ne seront plus retenus par aucune crainte. Ils courront le risque d'être pris, calculant qu'ils réussiront ensuite à se faire libérer au bout d'un certain nombre d'années. Toujours selon les partisans de la peine capitale, son abrogation serait le point de départ de mesures de plus en plus permissives qui aboutiraient à un système pénitentiaire inefficace.

Les abolitionnistes, qui ont pour chef de file Me Badinter, réfutent en premier lieu la valeur d'exemplarité de la peine de mort. La criminalité est-elle moins élevée en France qu'en Allemagne ou qu'en Angleterre ? Apparemment pas. C'est en Amérique que le taux de criminalité est le plus inquiétant ; pourtant, dans la plupart des États, on applique la peine capitale.

Équitable

De toute façon, qu'on soit ou non partisan de la peine de mort, on doit admettre que, toute rigueur logique étant absente d'un verdict — trop d'éléments entrant en jeu —, la justice n'est pas équitable. C'est ainsi que certains inculpés font les frais d'un jury influencé par tel ou tel facteur géographique, politique ou émotionnel. D'autres, favorisés par la fortune, peuvent bénéficier du talent d'un grand maître du barreau. Pour un crime identique, par exemple le meurtre d'un enfant, l'un sauvera sa tête et l'autre sera exécuté. Rappelons-nous : Patrick Henry et Christian Ranucci (Journal de l'année 1975-76 et 1976-77).