Accusateur aussi, Luigi Comencini dénonce, dans Eugenio, la faillite de la famille, à travers l'histoire, aux confins du mélodrame, d'un petit garçon que de jeunes parents irresponsables, dix ans après le beau rêve et l'inconscience de 1968, se renvoient comme un ballon au gré de leurs humeurs.

Grave et lucide enfin, Francesco Rosi, qui donne, avec Trois frères, l'un des plus beaux films de l'année. Réunis autour de leur père (Charles Vanel, admirable) pour l'enterrement de leur mère, un juge, un éducateur et un ouvrier, réunis pour la première fois depuis longtemps dans leur village natal, confrontent leur existence, reflet des différents problèmes de l'Italie contemporaine. Philippe Noiret, juge romain menacé par le terrorisme, s'y fait le porte-parole de l'auteur, qui plaide pour l'actuelle démocratie, loin d'être parfaite sans doute, mais qui doit continuer à combattre l'aveugle violence.

Dino Risi, lui, a préféré cette fois se détourner de l'actualité pour nous emmener, avec Fantôme d'amour, dans l'univers du rêve et de l'amour fou. Malgré la radieuse présence de Romy Schneider, partenaire de Mastroianni, ce mélo mélancolique qui bascule dans le fantastique ne parvient pas à convaincre tout à fait.

On peut enfin négliger le faussement scandaleux Caligula de Tirto Brass, mais comment oublier un vieux film d'Ermanno Olmi, L'or dans la montagne, tourné en 1969 ? Cette chronique d'un village misérable où, pour vivre, un jeune démobilisé, au retour de la guerre, récupère, au péril de sa vie, le matériel militaire enfoui dans la terre des collines sauvages, est admirable de beauté et d'authenticité.

Divers

D'Allemagne, trois films seulement ont fait parler d'eux : le curieux Palermo de Werner Schroeter, l'intéressante Allemagne, mère blafarde, d'une nouvelle venue, Helma Sanders, terrible tableau de l'Allemagne des années de guerre, et, surtout, sur le même sujet mais d'une tout autre facture, Rainer Werner Fassbinder et sa flamboyante Lily Marleen, le seul des trois titres à connaître un succès commercial. Inspiré par la vie de la créatrice de la célèbre chanson (incarnée par l'interprète favorite du réalisateur, déjà remarquable dans Le mariage de Maria Braun, Hannah Shygulla), ce film spectaculaire, qui a bénéficié de gros moyens, évoque les fastes du IIIe Reich avec une complaisance à la limite de l'équivoque, mais il est bien construit, et souvent émouvant.

Nostalgie

L'Angleterre, où le cinéma semble se réveiller doucement, est partagée entre la critique sociale et contestataire (Mac Vicar de Tom Clegg, authentique récit de la réhabilitation sociale d'un criminel après des années de vie carcérale ; Looks and Smiles de Kenneth Loach, présenté à Cannes), et la nostalgie rétro. C'est elle qui triomphe aussi bien dans Quartet, adaptation un peu figée, signée James Ivory, d'un roman de Jean Rhys, où Isabelle Adjani interprète avec charme et romantisme une jeune exilée à la dérive dans le Montparnasse des années folles, que dans Les chariots de feu, d'Hugh Hudson, incroyable chronique de deux jeunes athlètes s'entraînant, l'un pour faire oublier qu'il est juif, l'autre pour mieux servir Dieu, pour les jeux Olympiques de 1924. Léché et moral en diable, un film... victorien.

De Suisse, deux films seulement, mais deux grands films. Sauve qui peut (la vie) marque le retour de Jean-Luc Godard au cinéma commercial, avec Dutronc, Nathalie Baye et Isabelle Huppert. Provocant, agressif parfois, peu soucieux de chronologie ni de logique, un film déconcertant et fascinant tout à la fois, qui a été très diversement apprécié mais ne laisse personne indifférent. Les années lumière ont été tournées par Alain Tanner, en Irlande, et en anglais. C'est une étrange fable, un conte initiatique, comme hors du temps, avec de très belles images d'un paysage du bout du monde et qui marque une sorte de pause dans... l'ailleurs d'un cinéaste décidément très original.

En Espagne, Carlos Saura, cette année, a abandonné son univers habituel, celui de la bourgeoisie gangrenée par le franquisme, pour filmer, en une sorte de reportage à peine romancé, d'authentiques petits loubards de la banlieue madrilène dans Vivre vite.