Dans ce flou artistique on peut cependant apprécier le bon niveau du corps de ballet, où se distinguent les étoiles de demain, les jeunes danseuses Platel, Goubé, Legrée, Loudières et la toute jeune Karin Averty (lauréate du concours de Varna avec Eric Vu An). Actuellement, Patrick Dupond est en passe de devenir une étoile de renommée internationale, ce qui ne s'est pas produit à l'Opéra depuis longtemps.

Création

Achevée par une recréation de La fille mal gardée de Dauberval, un des plus vieux ballets du répertoire dans une version du Suisse Heinz Spoerli, cette saison est positive pour l'Opéra de Paris. Mais ce n'est pas là que se prépare la danse de demain, pas plus qu'elle ne se fait au Théâtre musical de Paris (TMP), nouvelle dénomination du Châtelet, salle à vocation populaire, qui accueille des spectacles à la réputation bien assise comme Carmen de Roland Petit — dansé en alternance par Makarova la blonde et Kahlfouni la brune.

Heureusement, il suffit de traverser la place pour retrouver le Théâtre de la Ville, où, depuis des années, Jean Mercure et son adjoint, Gérard Violette, présentent un panorama complet de la création chorégraphique contemporaine du monde entier.

La production des théâtres de province, contrairement aux années passées, a déçu par son manque de dynamisme. Le Ballet national de Marseille, dirigé par Roland Petit, se confine dans l'ancien répertoire de ce chorégraphe, à l'exception d'une bluette d'une heure à peine, Rosa. Au Ballet du Rhin, Jean Sarelli n'a produit qu'une pâle Coppélia et une pauvre Camille (signée Ruth Page) qui ne paraissent guère stimuler la troupe. Le Ballet-Théâtre de Nancy (responsable Jean-Albert Cartier) se perd dans les rétrospectives d'œuvres souvent trop complexes pour la jeunesse de la troupe, comme Les biches (Nijinska-Poulenc). À Lyon la nouvelle directrice de la danse, Françoise Adret, s'efforce de redonner une dynamique au ballet de l'Opéra ; elle a fait appel à trois chorégraphes intéressants (Casado, Caciuleanu, Biagi).

Communication

L'imagination, l'esprit de créativité se manifestent ailleurs que dans ces théâtres officiels. En dix ans, un phénomène nouveau s'est affirmé : l'existence d'une jeune danse française. Une cinquantaine de compagnies, allant du laboratoire à la troupe de spectacle organisée, sont actuellement reconnues et subventionnées par le ministère de tutelle. Pour tous ces nouveaux chorégraphes, la danse n'est plus un divertissement mais un moyen d'expression, un moyen de communication aussi, à l'égal de la musique, de la peinture ou du cinéma.

La saison 1980-81 a mis en valeur les personnalités de François Verret, Jean-Claude Gallota, Dominique Bagouet, Michel Hallet, Régine Chopinot ; ils viennent grossir la liste des talents affirmés comme Suzan Buirge, Maguy Marin, Hideyuki Yanno, Russillo, Caroline Marcadé, Dominique Petit... et bien d'autres ; chaque année le concours de Bagnolet, Le ballet pour demain, en révèle un ou deux.

Tous ces groupes travaillent dans le plus extrême dénuement ; le problème est de leur donner des possibilités de production et de diffusion. Ce rôle est partiellement rempli par les festivals d'été, dont le nombre augmente chaque année (Arles, Aix, Chateauvallon, Avignon, Montpellier), mais ils demeurent ponctuels. La Biennale nationale du Val-de-Marne, organisée en mai avec le concours du Conseil général, a mis l'accent sur ce problème et invite une vingtaine de compagnies à se produire dans 17 localités du département.

Sourde oreille

Les jeunes chorégraphes réclament depuis une dizaine d'années un théâtre de la danse qui leur permettrait de présenter leurs créations, de se rencontrer, de trouver un public constant et d'acquérir la pratique de la scène avec un minimum de droit à l'erreur. Jusqu'ici le ministère de tutelle a fait la sourde oreille, faute de crédits. Le Centre Georges-Pompidou pourrait jouer ce rôle, mais la responsable de la danse, Janine Charrat, préfère ne pas prendre de risques et inviter des compagnies éprouvées, quitte à faire double emploi avec le Théâtre de la Ville.