Pour obtenir des preuves contre ceux qu'ils suspectaient, nos douaniers avaient, début avril, franchi la frontière franco-suisse et pris des contacts.

Le 14 avril 1980, ils doivent rencontrer à la gare de Bâle un informateur qui a promis de leur remettre une liste de Français coupables d'évasion de capitaux. Ils s'y rendent, mais c'est la police de Berne qui est au rendez-vous. Le soir, Bernard Rui et Pierre Schultz dorment en prison.

Nos amis helvétiques ne plaisantent pas avec le fameux secret des banques, dont la réputation de discrétion est à l'origine de la prospérité. Nos douaniers vont en faire l'amère expérience : ils vont rester incarcérés pendant un mois. Un mois pendant lequel on polémique, à Paris et à Berne, pour savoir si l'on peut retenir contre les deux fonctionnaires français l'inculpation d'« incitation à violation de secret d'affaires ».

Solidarité

Le gouvernement français défend ses ressortissants et affirme que rien dans les explications des autorités suisses ne permet de conclure qu'ils ont outrepassé leurs prérogatives ou violé la souveraineté suisse.

Aux postes frontières les gabelous français manifestent leur solidarité avec leurs confrères en organisant quelques grèves du zèle.

Quant aux Suisses, ils sont intraitables : il y a eu espionnage économique. Un journal genevois, la Suisse, va même jusqu'à écrire que les douaniers français se seraient livrés depuis 1978 à un véritable chantage sur leur informateur suisse.

Enfin, Pierre Schultz est libéré le 9 mai. Ce sera le tour de Bernard Rui quatre jours plus tard. Tous deux rentrent en France. Mais ils ont dû, pour bénéficier de cette mise en liberté provisoire, verser une caution de 125 000 FF, qui a été avancée par l'administration des Douanes.

Procès

Le procès est fixé au 17 juin, à Zurich ; mais, dès le 11, les deux douaniers font connaître leur intention de ne pas se présenter devant la juridiction suisse, tout en précisant que cette abstention ne doit pas « être interprétée comme un geste de méfiance à l'égard des institutions et des tribunaux helvétiques ». « Si je ne puis comparaître, précisera Pierre Schultz, c'est que j'ai toujours agi conformément à ce que me dictait ma conscience. D'ailleurs, les actions qui me sont reprochées n'étaient nullement dirigées contre la Suisse ou ses ressortissants. Leur but était simplement d'assurer le respect des lois et des règlements français par des résidents français. »

Bien que la défense ait demandé le report du procès, celui-ci a eu lieu le 17 juin. Le tribunal de Zurich, siégeant en l'absence des inculpés, a condamné Bernard Rui et Pierre Schultz pour espionnage économique. Le premier à 12 mois de prison avec sursis et 7 000 FS d'amende ; le second à 3 mois de prison avec sursis et 2 000 FS d'amende.

La fin de Jacques Mesrine, l'ennemi public

Jacques Mesrine (Journal de l'année 1976-77) fait parler de lui pour la dernière fois le 2 novembre 1979. Ce jour-là, à Paris, il est abattu par la police. Ce dénouement intervient à l'issue d'une longue traque ponctuée de rebondissements qui avaient amené le public à considérer l'ennemi public comme insaisissable.

Mesrine s'attaque, le 10 septembre, à un journaliste de Minute, Jacques Tillier, à qui il avait accordé un rendez-vous. La rencontre se passe en forêt de Senlis, dans la grotte d'Halatte. Selon Tillier, ancien inspecteur de la DST, la discussion s'engage mal : Mesrine traite le journaliste de fasciste et se présente comme un Robin des bois. Aidé d'un complice, Mesrine frappe Tillier puis tire sur lui trois balles à bout portant, l'atteignant à l'épaule, au cou et à la mâchoire.

Les policiers, qui ne sont pas absolument convaincus par la déclaration de Tillier, sont un peu amers : leur ancien collègue aurait pu les tenir au courant de son rendez-vous avec le gangster. Mesrine, fidèle à son habitude, écrit aux journaux pour faire le point sur l'affaire Tillier. Ce dernier lui aurait proposé 400 000 F pour une interview exclusive... « ensuite, il m'aurait balancé dès le prochain rendez-vous... », écrit Mesrine. Il précise qu'il a voulu le punir, non le tuer. Il joint également les photos qu'il a prises dans la grotte d'Halatte.

Fusillade

Les semaines passent ; Mesrine court toujours. Trois de ses comparses sont arrêtés en Belgique et condamnés à trente mois de prison. Quelque temps avant, le 26 juillet 1979, son lieutenant, François Besse, s'était évadé du palais de justice de Bruxelles. Arrêté en Belgique, Besse comparaît à Bruxelles pour des délits mineurs en attendant d'être extradé en France. Saisissant sous son banc un revolver fixé par des bandes adhésives, le truand prend un magistrat en otage, traverse le palais avec lui et l'abandonne sur le trottoir pour s'enfuir sur une moto.