Le seul sous-secteur qui tire (provisoirement ?) son épingle du jeu (+ 10 %) est celui des biens intermédiaires. Il faut y voir l'expression d'une internationalisation du boom des composants électroniques dans lequel les entreprises françaises ont leur part.

Malgré cela, la profession reste sereine, car elle dispose de quatre atouts importants :
– l'électrification des processus de production et de la vie quotidienne n'est pas encore achevée dans les pays industrialisés et commence seulement dans le tiers monde ;
– la pénurie de pétrole est corrigée, en France plus qu'ailleurs, par le recours à l'électricité d'origine nucléaire. Ainsi, les commandes annuelles d'une institution comme EDF se chiffrent en dizaines de milliards de F ;
– la demande de matériels professionnels — c'est-à-dire militaires la plupart du temps — a tendance à s'accélérer, de nouveaux clients surgissant au fur et à mesure que les revenus des pays en voie de développement s'améliorent ;
– les capacités d'innovation que recèle l'électronique entraînent un essor fantastique des industries de l'informatique.

En fait, les entreprises qui travaillent dans la construction électrique sont autant préoccupées par des problèmes de mutation que par la détérioration de la conjoncture. Elles constatent que les produits traditionnels — moteurs, alternateurs, transformateurs, matériel d'éclairage, électroménager — qui ont longtemps constitué l'essentiel de leur fonds de commerce sont battus en brèche par la concurrence et dégagent des marges insuffisantes pour assurer l'avenir. Elles notent également que les produits nouveaux (électronique, automatismes) — plus rentables sans doute — ont une espérance de vie très courte et doivent être sans cesse renouvelés, au prix d'une recherche très coûteuse. Certaines d'entre elles, enfin, ont observé, avec l'opération téléphone, qu'un marché peut disparaître aussi rapidement qu'il est apparu, et que seuls de gigantesques efforts à l'exportation peuvent compenser la saturation nationale.

Marché immense

Parmi les multiples considérations qui inspirent la stratégie des entreprises, il en est une qu'on retrouve désormais partout : c'est la course à l'électronique. Au début des années 70, cette course semblait réservée aux géants américains et à quelques outsiders ; aujourd'hui, tout le monde veut s'y engager. Rien d'étonnant à cela quand on sait que les taux de croissance se situent entre 5 et 10 % pour les gros ordinateurs, entre 15 et 20 % pour les ordinateurs de gestion, au-delà de 25 % pour la petite informatique (mini-ordinateurs, périphériques, composants, etc.).

Motivation supplémentaire : les PME peuvent s'épanouir autant que les grosses firmes sur ce marché immense fait de multiples créneaux correspondant davantage à des applications faisant appel au marketing qu'à des produits nécessitant beaucoup de capitaux. D'où, par exemple, le dynamisme du Club français de la péri-informatique, qui regroupe pourtant des sociétés de taille moyenne mais dont la croissance tourne autour de 25 % par an.

Les initiatives les plus spectaculaires sont toutefois le fait des grands groupes industriels, et, à cet égard, 1980 a été riche en opérations inattendues. Ainsi, fin février, la CGE rachetait, pour près de 300 millions de F, la société britannique Ronéo, un spécialiste mondial de la bureautique. À la mi-avril, c'est Saint-Gobain-Pont-à-Mousson (SGPM) qui créait la surprise en reprenant 20 % de la compagnie italienne Olivetti, acquisition qui va dans le même sens que la reprise, six mois plus tôt, de la participation de la CGE dans Machines Bull, actionnaire majoritaire de la CII Honeywell-Bull. Selon son patron, Roger Fauroux, SGPM devrait consacrer, d'ici 5 ans, 40 % de son activité à l'informatique, fantastique redéploiement pour une firme ancrée depuis longtemps dans des secteurs d'activité aussi classiques que l'isolation, le verre plat et les tuyaux de fonte.

À noter également la multiplication d'accords — généralement avec des firmes américaines — en matière de circuits intégrés, ces composants de plus en plus sophistiqués qui conditionnent l'avenir technologique de l'informatique. C'est ainsi que SGPM, encore lui, collabore avec National-Semi-Conductor au sein d'Eurotechnique ; que Matra et Harris vont travailler ensemble sur les circuits MOS, le fin du fin des circuits intégrés ; et que Thomson s'est joint au CEA pour coopérer avec Motorola.