Les démarches plus traditionnelles connaissent, elles aussi, un succès honorable. Et le passage des bluesmen Luther Allison (en mai) ou Albert Collins (en juin) vient confirmer l'adhésion d'un nombre de plus en plus important d'amateurs de cette musique. Il est vrai qu'aux États-Unis mêmes, le blues connaît un regain, en particulier à Chicago.
Sans doute lassé par les errances du modernisme ou les facilités de la pop-jazz-variété, le public préfère-t-il se tourner vers une musique aux bases plus solides et au feeling toujours réel ? Il ne faudrait donc pas s'étonner de voir une nouvelle explosion du blues, aussi bien en Amérique — où l'on parle déjà de blue wave — qu'en Angleterre, ou même en France, où un groupe de Toulouse, Backstage, est là pour prouver que nos compatriotes aussi peuvent attraper le vrai bleu. En ces temps de crise et de désillusion, quoi de plus naturel ?
Chanson
Les nouveaux talents font face à la vague disco
La SACEM, société civile chargée de défendre la propriété artistique française, enrichit chaque année à son répertoire de quelque 30 000 titres, de la plus audacieuse composition symphonique à la plus modeste chansonnette. La SACEM, qui recense toutes les œuvres étrangères diffusées en France, fait part, à l'automne 1979, de son inquiétude aux stations de radio et de télévision et aux firmes de disques : la vague disco a largement favorisé les auteurs et compositeurs anglo-saxons.
Chanter français
La fièvre du samedi soir a déferlé sur les ondes, le vinyle et les discothèques. Si les producteurs, producteurs-programmateurs et animateurs n'y prennent garde, c'en sera fait, dit-on, de la création française.
Les opérations se multiplient pour remédier à cette situation dès le mois de septembre. Au Salon de la musique, France-Inter rassemble les jeunes talents sélectionnés par ses programmateurs et diffusés régulièrement sur son antenne sous la bannière de la nouvelle chanson française : Gilbert Laffaile (Le président et l'éléphant, Neuilly blues) ; Isabelle Mayereau (Déconfiture, Les mains au chaud) ; Francis Cabrel, dont le disque Je l'aime à mourir, en tête des ventes, est l'un des succès de l'été ; Gotainer (Tout fou-fou) ; Francis Lalanne (La maison du bonheur).
De son côté, RTL lance un concours, Chantons français, destiné à couronner les œuvres les plus populaires d'avant et après 1960. Au terme de cette opération qui a suscité la diffusion de nombreux titres, Jacques Brel (Ne me quitte pas), Claude François (Comme d'habitude) et Yves Duteil (Prendre un enfant par la main) sortent vainqueurs de cette consultation populaire qui a compté 500 000 réponses.
Cet engouement pour la nouvelle chanson française provoque une attention particulière des firmes de disques sur les talents naissants. Chaque éditeur semble vouloir avoir à son catalogue un ou plusieurs représentants de cette nouvelle vague de troubadours.
Originalité
Ballon d'oxygène nécessaire pour une industrie inquiète, les initiatives prises dans ce sens auront plusieurs effets : d'abord la fin du complexe vis-à-vis des grands des années 50, les L. Ferré, J. Brel, G. Béait, G. Brassens, Y. Montand entre autres, en face de qui il semblait ne pas pouvoir exister de digne descendance ; ensuite, la mise en valeur de voix et de répertoires aux audiences jusque-là trop discrètes. Ainsi, François Béranger (Participe présent), Bernard Lavilliers (O Gringo), Jacques Higelin (Champagne pour tout le monde) confirment l'originalité du rock français, qui connaît une expansion très rentable.
Enfin, l'effervescence ambiante permet la découverte de nouveaux noms et l'éclosion de langages prometteurs, Jean-Louis Pick (Rue des Longues-Haies), Max-Alain Obadia (La Saint-Hippolyte), Pascal Bacoux (Maman Lilas), et consolide la position de leurs aînés dans le succès, Louis Chedid (Egomane), Joan-Pau Verdier (Chante-pleure), Hubert Félix Thiéfaine, Alain Brice.
Écoutez la nouvelle chanson française, propose Philips sur un enregistrement qui regroupe les espoirs de la firme (enregistrement qui reçoit le grand prix Paris audiovisuel), tandis qu'avec Paroles et Musique RCA inaugure une nouvelle collection où l'on trouve, à côté de Guy Béart (Messies, messies), d'Alain Souchon (Rame, on s'aime pas) ou de Yves Simon (Attention, futur), Claire (Les passerelles de l'hiver), David Me Neil (Rucksack alpenstock), Aram (Homicide volontaire).
Morosité
Si cette abondante floraison se concrétise par quelques lauriers distribués par Radio-France et Europe no 1 lors du MIDEM (Cannes, 18-24 janvier 1980), l'humeur n'est pas aux réjouissances chez les industriels du disque et de la cassette.