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Énergie

Un difficile rééquilibrage mondial

La nouvelle politique énergétique adoptée en 1974 par la France, après la brutale hausse des prix du pétrole, comportait, rappelons-le, deux éléments principaux :
– économiser sur la consommation d'énergie, de façon à plafonner l'hémorragie de devises provoquée par les importations de pétrole ;
– réduire notre dépendance des fournitures étrangères en accélérant le développement de l'énergie nucléaire.

Gaspillages

Les mesures d'incitation prises par le gouvernement pour favoriser les économies ont eu un effet certes limité, mais certain. En 1976, la consommation d'énergie reprend sa progression, bloquée l'année précédente par la crise économique, et s'élève à 173,9 millions de t (équivalent pétrole) ; mais ce chiffre reste inférieur à celui de 1973, bien que, entre-temps, la production brute du pays ait augmenté de 6,5 %. La preuve est ainsi faite que la chasse au gaspillage n'est pas inutile.

Les événements de l'année écoulée confirment d'ailleurs le bien-fondé de cette politique, puisque les prix du pétrole ont repris leur progression. Mais ils montrent aussi (et cela est plus nouveau) que le développement du nucléaire est lui-même plus dépendant de l'étranger (non des Arabes cette fois-ci, mais des Américains) qu'on ne le pensait. Par quelque bout qu'on l'aborde, pour la France comme pour les autres puissances démunies de grandes ressources énergétiques (Allemagne, Japon), le problème de l'approvisionnement en énergie prend de plus en plus la tournure d'un problème de politique internationale.

Stabilisation

Réunis le 17 décembre 1976 à Doha (Qatar), les pays exportateurs de pétrole décident une nouvelle hausse des prix du brut (la précédente avait été adoptée à Vienne en septembre 1975). Mais, cette fois, les membres de l'OPEP ne parviennent pas à faire l'unanimité entre eux : l'Arabie Saoudite et les émirats appliquent une hausse de 5 %, les autres (Iran, Venezuela, Libye, Algérie...) de 10 %. C'est la première faille dans une organisation dont l'unité avait jusque-là fait la force.

Si les Saoudiens ont pu ainsi freiner les ambitions des producteurs, c'est que le marché n'est plus unilatéralement en faveur de ces derniers. La consommation mondiale du pétrole avait nettement fléchi avec la crise économique de 1974-1975 ; la reprise de 1976 ne l'a portée qu'à 2,3 % au-dessus des chiffres de 1973. Par ailleurs, la production de nouveaux gisements « non-OPEP » (Alaska, mer du Nord) va prendre, en 1977, des proportions non négligeables. Enfin, leur énorme capacité de production permet aux Saoudiens de répondre instantanément à toute augmentation de la demande (ce qu'ils ont fait au premier semestre 1977, aux dépens notamment de la production iranienne). Bref, l'offre et la demande de pétrole s'équilibrent désormais aisément. Toutefois, une réunification du marché du pétrole se dessine à l'été 1977 : les Saoudiens envisageraient d'augmenter leurs prix de 5 %, tandis que les autres auraient renoncé à la nouvelle hausse de 5 % qu'ils avaient annoncée.

Décisions des USA

Le rééquilibrage du marché pétrolier sera en outre grandement facilité par la nouvelle politique énergétique annoncée le 20 avril 1977 par le président des Etats-Unis, Jimmy Carter. Premiers consommateurs mondiaux d'énergie, les États-Unis, après avoir longtemps couvert leurs besoins, devaient importer désormais des quantités croissantes, et considérables, de pétrole arabe. Or, l'Amérique gaspille beaucoup et dispose de grandes ressources encore inexploitées. En ayant le courage politique de prendre des mesures désagréables (hausse des prix du gaz naturel et des produits pétroliers, surtaxation des grosses voitures, reconversion des industries au charbon, etc.), Jimmy Carter compte plafonner, puis réduire les importations de pétrole aux États-Unis (actuellement de 400 millions de t par an). Il lui restait, toutefois, à obtenir l'accord d'un Congrès réticent.

Énergie atomique

L'influence des États-Unis sur la politique énergétique est plus visible encore si l'on en vient à l'énergie atomique. Celle-ci a toujours eu deux visages (l'un militaire, l'autre civil) difficiles à démêler dans la pratique industrielle. Lorsqu'un pays comme la France, qui a réussi à se doter de la panoplie à peu près complète des techniques nucléaires (ou comme l'Allemagne, qui a maîtrisé les techniques civiles), entend légitimement tirer profit de son avance en exportant des centrales civiles, il prend le risque de faciliter la fabrication ultérieure d'armes atomiques chez ses clients ; il entre ainsi en concurrence avec les puissantes entreprises américaines d'équipement atomique civil, mais aussi en conflit avec le souci de grande puissance des États-Unis, qui est de retarder le plus longtemps possible la dissémination mondiale des armes nucléaires. Laquelle de ces préoccupations est la plus forte ? C'est tout le problème de la non-prolifération, l'un des plus beaux casse-tête diplomatiques de notre temps.