La Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (FPEEP), que préside le docteur Antoine Lagarde, s'inquiète des possibilités de discrimination dans l'accueil des enfants. Le ministre de l'Éducation, René Haby, en retour, menace de sanctions les institutrices qui suivraient les consignes syndicales.
Concertation
En fait, le conflit ne dure guère : le ministre, qui a reçu les dirigeants du syndicat le 12 septembre 1975, annonce qu'on va préparer le plan de développement réclamé par le SNI. René Haby s'engage à ouvrir très vite de nouvelles classes là où il y aurait plus de 35 élèves présents par classe, et où des locaux sont disponibles.
Le syndicat suspend son mot d'ordre. Les incidents seront rares : seule une directrice d'école des Yvelines sera blâmée pour avoir refusé d'accueillir 17 élèves inscrits tardivement. À Ivry (Val-de-Marne), 200 enfants ne trouvent pas de place dans les écoles. Dans les semaines qui suivent la rentrée, 500 classes supplémentaires sont ouvertes.
René Haby fera plus en janvier 1976 : à la suite des études menées dans chaque département, 1 200 classes nouvelles sont créées. Elles font partie du plan de développement qui prévoit l'ouverture de 1 100 classes en plusieurs années, alors que 900 seulement l'ont été pour la rentrée 1975 (avant l'intervention du SNI).
Ce conflit montre que les maternelles sont devenues un sujet sensible. De plus en plus de familles, à la campagne comme en ville, veulent y mettre leurs enfants, et de plus en plus tôt, pour mieux les préparer à la scolarité obligatoire. Chaque année l'effectif s'accroît de quelque 80 ou 90 000 enfants.
Supérieur : un sourd malaise baigne toute l'Université
L'agitation étudiante contre la réforme du deuxième cycle universitaire (droit, lettres, sciences exactes, humaines et économiques) éclipse les discussions sur les écoles ou les collèges. Elle met au jour une crise latente et fait surgir un débat sur le rôle des universités, au moment même où celles-ci affrontent à la fois des difficultés institutionnelles et financières redoutables.
Fragilité
Les universités créées en application de la loi d'orientation de 1968 (Journal de l'année 1968-69) entrent dans leur deuxième âge. Au début de 1976, plus de la moitié changent de président, les responsables de la première génération ayant achevé leurs cinq années de mandat. À cette occasion, on s'aperçoit que les institutions nouvelles ne sont pas encore très solides. Les luttes entre les jeunes enseignants, assistants et maîtres assistants, dont la carrière est aujourd'hui bloquée, et les professeurs (les mandarins de 1968) restent vives, les conflits politiques aigus. Surtout, la fusion ne s'est pas faite entre les différentes disciplines. Les Unités d'enseignement et de recherche (UER), surtout lorsqu'elles sont d'anciennes facultés rebaptisées, essaient toujours de garder le contrôle non seulement de l'organisation des études, mais de la répartition des crédits ou du recrutement des enseignants. Les présidents, eux, cherchent en général à renforcer le pouvoir central des établissements. Par exemple, lors de journées d'études à Strasbourg, en novembre 1975, ils affirment la nécessité de donner une politique de recherche aux établissements, leur droit d'avantager tel ou tel laboratoire et d'éviter le saupoudrage des crédits entre tous les enseignants.
Dans l'ensemble, les successions se passent sans difficulté majeure. Toutefois, à l'université de Toulouse-Le Mirail, comme à Caen, depuis 1975 les luttes de clans empêchent l'élection d'un président. Le secrétariat d'État aux Universités, après plusieurs interventions malheureuses, finit par y désigner des administrateurs provisoires : il doit en faire autant à Tours, où le président, ne s'estimant pas soutenu par les enseignants, démissionne en janvier 1976, à mi-mandat.
À Clermont-Ferrand, comme deux ans plus tôt à Marseille et à Lyon, l'université est scindée avec l'appui de certains milieux politiques. Les médecins et les pharmaciens, qui ont toujours souhaité vivre à part, réussissent, à l'automne 1975, à acquérir à leur cause les juristes et les économistes, puis à convaincre le secrétariat d'État. En février 1976, au moment où doit être élu un nouveau président, la décision est prise : l'université sera scindée, malgré l'opposition des scientifiques et des littéraires. Un établissement réunira les UER scissionnistes et l'Institut universitaire de technologie de Clermont ; un deuxième comprendra les lettres, les sciences, la technologie, l'école de chimie, l'IUT de Montluçon, l'éducation physique : on a voulu conserver de grands ensembles. Cette décision est vivement critiquée par les universitaires.
L'argent rare
L'atmosphère est maussade car l'argent se fait rare. Beaucoup d'universités protestent contre le manque de moyens. Certaines refusent de voter leur budget. Le nombre de postes créés est très faible. Il s'est stabilisé au plus bas, après n'avoir cessé de diminuer de 1970 à 1975. Les constructions se raréfient. Or, si le nombre d'étudiants n'augmente plus guère, ceux-ci ne se portent pas vers les mêmes disciplines. Dans certaines universités, des enseignements sont totalement assurés par des vacataires payés à l'heure, mais faisant un service à temps plein. C'est le cas de Vincennes, qui accueille surtout des étudiants qui ne possèdent pas le baccalauréat. Leur nombre, exceptionnellement, ne cesse d'augmenter, et ils s'entassent dans des locaux exigus. Preuve d'abandon après le scandale suscité en 1975 par un enseignement de sexologie (Journal de l'année 1974-75) ? Pendant un mois, à la rentrée, des étudiants et des enseignants s'installent pour des cours sauvages dans le métro, à la gare Saint-Lazare, au musée d'Art moderne, à l'UNESCO. Ils finissent par obtenir un supplément de crédits de fonctionnement et d'heures complémentaires ainsi que la promesse de quelques locaux.