Éducation

Primaire et secondaire : une réforme qui chemine avec difficulté

Les établissements d'enseignement secondaire sont restés relativement calmes, malgré l'appel à la grève générale de l'Éducation nationale lancé le 18 avril par les étudiants. Certains lycées et collèges d'enseignement technique ont été gagnés par l'agitation, après les vacances de printemps, notamment dans la région parisienne, dans celles de Nice, Toulouse, Marseille et Bordeaux. Mais, à l'exception de quelques établissements, comme le lycée de Digne ou celui de Gonesse (Val-d'Oise), fermés pour quinze jours dans un cas, dix dans l'autre, les grèves d'élèves y sont sporadiques.

À l'invitation du ministère de l'Éducation, recteurs et chefs d'établissement s'appliquent, en cas de besoin, à dissuader l'agitation en renvoyant dans leurs familles les meneurs du mouvement, ou en fermant quelques jours les lycées touchés par des grèves.

En fait, les lycéens engagés sont, comme les autres, comme les enseignants, dans l'incertitude. Prudemment, le ministère de l'Éducation retarde la publication des décrets qui doivent préciser la réformé de l'enseignement. Les discussions avec les syndicats sur les premiers projets ne commencent qu'en mai : René Haby veut éviter de reconstituer l'union sacrée des syndicats qui s'est formée l'année précédente, contrairement à son attente. Ce n'est qu'à la fin de juin que la réforme se précise avec la publication des projets d'horaires et de programmes préparés par les inspecteurs généraux.

Le congrès de Grenoble

La Fédération de l'Éducation nationale (FEN) tient, du 9 au 13 février 1976, à Grenoble, son congrès biennal. Elle occupe une place à part dans le syndicalisme français. Ses 550 000 adhérents, répartis en 40 syndicats, ont un seul employeur, l'État, et, pour la plupart, le ministère de l'Éducation. La FEN réunit quelque 70 % du personnel de celui-ci, alors que la moyenne nationale toutes catégories n'atteint pas 20 %. Elle est représentée dans tous les organismes de gestion, à tous les échelons de la démocratie administrative, et exerce une influence considérable, même pour les promotions ou les mutations de personnel. À Grenoble, la FEN adopte un projet éducatif qui prévoit un cycle de détermination scolaire et professionnelle pour tous les jeunes de quinze à dix-huit ans. Mais les débats opposent surtout une tendance majoritaire et qui se renforce. Unité indépendance et démocratie (55,8 % des voix), proche des socialistes, dominée notamment par le Syndicat des instituteurs, le plus nombreux (320 000 membres), et une forte minorité (33,8 %). Unité et action, animée surtout par des communistes, qui a pris le contrôle des syndicats de l'enseignement secondaire, du supérieur et de la recherche. Cette dernière reproche à la direction de la FEN de ne pas pratiquer l'unité d'action avec la CGT et la CFDT, de ne pas s'engager suffisamment en faveur du programme commun de la gauche, de ne pas être assez énergique, et de trop se préoccuper des intérêts des instituteurs et des fonctionnaires des catégories inférieures. Elle est accusée à son tour d'aventurisme, de suivisme et d'indiscipline. Ce combat est le fruit de l'histoire : lors de la scission syndicale de 1948, les enseignants ont décidé de rester ensemble, au lieu d'aller à la CGT ou à FO ; les tendances, ou courants de pensée, reconnues par les statuts, ont leur vie propre, leurs bulletins et leurs circulaires. Leur lutte est aiguisée par les difficultés de la gauche française et les rivalités entre socialistes et communistes. D'autre part, les courants d'extrême gauche qui s'étaient développés après 1968 sont en perte de vitesse : à eux tous ils n'obtiennent plus que 10 % des voix environ. Le congrès confirme l'autorité du nouveau secrétaire général, André Henry, instituteur de quarante et un ans, aux commandes depuis quatorze mois, combatif et ouvert à la fois. André Henry défend ses choix avec fermeté et veut donner plus de dynamisme encore à la FEN.

Écoles

Pour l'enseignement élémentaire, René Haby apporte des changements sensibles à ses projets de 1975 ; il abandonne notamment l'idée que les élèves les plus doués puissent sauter des classes, ce qui lui valait le reproche d'institutionnaliser les retards scolaires. Abandon aussi des dispositions envisagées pour le début de la scolarité obligatoire, et jugées précocement sélectives par ses adversaires. Plus question d'entrer à 5 ans à l'école primaire pour les plus doués : la possibilité restera, comme aujourd'hui, exceptionnelle (elle doit concerner 3 à 5 % des enfants). On ne portera pas non plus à deux ans la durée du cours préparatoire pour les enfants qui auraient du mal à apprendre à lire et à écrire : on prévoit seulement de continuer l'apprentissage au cours élémentaire, en faisant travailler ces enfants par groupes, mais sans les réunir dans des classes à part.