C'est là sans doute le véritable succès du gouvernement Wilson qui aura mis deux ans à l'obtenir, comme si le Premier ministre avait estimé qu'il fallait attendre que la Grande-Bretagne atteigne « le bord du gouffre » pour que la masse syndicale prenne conscience des réalités et de la nécessité des sacrifices. Quoi qu'il en soit, ce n'est que le 1er juillet 1975 que le Premier ministre lance un plan d'austérité qui repose en grande partie sur l'acceptation par les syndicats d'une limitation des augmentations de salaires à 10 % annuellement pour sortir de l'engrenage de la course folle prix-salaires. Après son comité directeur, en juillet, le congrès des Trade-Unions, en septembre (en dépit de l'opposition des porte-parole de la gauche), approuve le plan Wilson par une majorité de 2 contre 1 (6 945 000 mandats contre 3 375 000). Les syndicats, où la tendance modérée s'impose à nouveau (notamment en reprenant le contrôle du puissant syndicat des métallos), resteront fidèles à ce vote. Le défi pour James Callaghan sera d'en obtenir le renouvellement au-delà du 1er juillet 1976.

Le défi est effectivement tenu : la confédération des syndicats britanniques (TUC) accepte début mai à une majorité de dix-sept contre un de limiter volontairement les hausses de salaires à 4,5 % pendant un an.

Un mois plus tard, J. Callaghan obtient une autre preuve de confiance sur le plan international cette fois : la communauté occidentale accorde à la Grande-Bretagne un prêt stand by de cinq milliards de dollars, pour soutenir le cours de la livre.

Ces succès permettent au Premier ministre d'affronter l'offensive des conservateurs aux Communes, où une motion de censure est aisément repoussée. Néanmoins la cote des travaillistes reste trop basse pour que J. Callaghan puisse envisager des élections anticipées avant la fin de l'année 1976.

Ulster

C'est une année en blanc (si l'on peut dire) pour l'Irlande du Nord. Aucun signe d'une solution prochaine ou même simplement possible, n'est apparu. Les tueries continuent, les palabres politiques pour rien, aussi. Londres et Dublin conservent la même attitude prudente que l'année précédente, comme si c'était le seul moyen d'exorciser la violence.

Quelques faits nouveaux, cependant, sur l'échiquier confus de la province : des fissures dans le front loyaliste qui ne tarderont pas à se transformer en rupture profonde entre modérés et activistes. La trêve instituée par l'IRA provisoire, au début de l'année 1975, n'est pas dénoncée : on n'en voit d'ailleurs pas la nécessité puisque les règlements de compte continuent et que les Provisoires ont recommencé a prendre l'armée et la police pour cibles. Quitte à mettre au compte de dissidents plus ou moins fantômes les attentats trop sanglants ou trop traumatisants pour l'opinion. Le secrétaire d'État britannique, Merlyn Rees, dont on annonce périodiquement le départ, est toujours là : en avril, il est même confirmé dans ses fonctions par le successeur de Harold Wilson, James Callaghan.

Été chaud

Tandis que la convention constitutionnelle élue le 1er mai 1975 continue à siéger, l'été se révèle chaud quand personne ne s'y attendait : le 9 juillet, le chef d'état-major de l'IRA provisoire. David O'Conneil, est arrêté près de Dublin. La police des deux Irlandes le recherchait dit-on, depuis trois ans. Ce qui n'empêchera pas les autorités irlandaises de le relâcher au mois de mars suivant, lorsque sa peine (légère) aura été purgée.

Le 31 juillet 1975 a lieu l'un des attentats qui révoltent le plus l'opinion : à la frontière des deux Irlandes, trois membres d'un orchestre pop très connu, le Miami Showband, sont assassinés par un commando terroriste déguisé en militaires anglais. Pourquoi ? Sans doute parce que ces garçons, originaires d'Ulster, se produisaient souvent dans la République. Personne ne revendiquera cet attentat, mais une bonne partie de l'opinion en accusera les organisations paramilitaires protestantes. Une série d'attentats à la bombe et de fusillades, entre le 1er et le 18 août, font 11 morts et 160 blessés, la plupart à Belfast.