D'après l'agence Tass, il y aurait eu des milliers d'arrestations. Si l'on en croit des affiches manuscrites, une dizaine d'émeutiers auraient été condamnés à trente ans de rééducation par le travail manuel et 2 auraient été fusillés à Pékin, ce qu'un porte-parole officiel dément.
Destitution
L'émeute a eu lieu le lundi 5 avril ; le jeudi 8, des centaines de milliers de contre-manifestants viennent soutenir le régime au cours d'une super-kermesse. Entre les deux manifestations, Teng Hsiao-ping est précipitamment démis de toutes ses fonctions par une résolution publiée le 8 : « Ayant discuté l'incident contre-révolutionnaire qui a eu lieu sur la place Tien An-men et les dernières attitudes adoptées par Teng Hsiao-ping, le Bureau politique du Comité central du parti communiste de Chine considère que le caractère du problème Teng Hsiao-ping a pris l'aspect d'une contradiction marquée par l'antagonisme. Sur proposition de notre grand dirigeant, le président Mao, le Bureau politique a décidé, à l'unanimité, de démettre Teng Hsiao-ping de tous les postes à l'intérieur et à l'extérieur du parti, tout en lui permettant de conserver son appartenance au parti, afin de voir comment il va se conduire à l'avenir. »
Clémence provisoire, car des meetings anti-Teng sont organisés dans tout le pays. Le lendemain de sa destitution, la foule de Changhai crie : « Pendez-le » et, deux semaines plus tard, le Quotidien du peuple affirme : « Teng ne restera pas membre du Parti communiste s'il persiste à refuser la critique. » Entre-temps, il n'est pas remplacé comme chef d'état-major général, mais, les gauchistes n'arrivant pas à imposer l'un des leurs, c'est un modéré, homme de compromis, le vice-Premier ministre et ministre de la Sécurité, Hua Kuo-feng, qui est nommé Premier ministre. D'abord par intérim (le 7 février, un mois après la mort de Chou En-lai), puis à part entière le jour de la destitution de Teng, le 7 avril.
Le successeur imprévu Hua Kuo-Feng
Au moment de sa nomination-surprise, l'actuel Premier ministre Hua Kuo-feng n'est pas un inconnu pour les Chinois : il est no 11 de la hiérarchie du régime, membre du Bureau politique du parti, 6e vice-Premier ministre sur 12, et ministre de la Sécurité. Ce qui n'empêche pas cet homme d'ordre, administrateur efficace, grand commis de l'État, de se consacrer à sa spécialité, l'économie. Aux congrès qui préparent le Ve Plan quinquennal, il présente les rapports importants ; sur l'agriculture en septembre 1975 à Hsiyang (Shansi), et en novembre à Pékin sur l'industrie et le charbon. Chaque fois, à ses côtés, la femme de Mao Tsé-toung, Chiang Ching, représente le président, dont l'ombre proche est sans doute favorable à l'ascension de cet homme de 54 ans qui, comme Mao (dont il rappelle un peu la stature et la corpulence), est originaire du Hunan. Il l'a quitté en 1971 pour s'installer à Pékin. Jusque-là, il l'a administré d'une poigne ferme. Notamment en 1959, lors de la campagne d'augmentation de la production et de restriction de la consommation après l'échec du grand bond en avant, et en 1966, alors que la Révolution culturelle éclatait à Pékin, il dirigeait l'irrigation du district de Chaochan, ville natale de Mao. Il réussit à passer outre aux attaques des gardes rouges, dont il n'appréciait pas les désordres, et à celles d'un commissaire politique militaire envoyé par Lin-Piao, que Hua Kuo-feng aurait contribué à démasquer ensuite. En 1974, il ignore volontairement les critiques par affiches à Pékin et dans le Hunan. À sa ténacité souriante, sa compétence et son peu de goût pour le vedettariat, il doit sans doute son poste actuel, où il fallait un homme peu voyant, à l'ambition raisonnable, garant d'un compromis provisoire. Qui se rappelait, avant sa nomination à la tête du gouvernement, qu'il avait présidé la délégation gouvernementale au 10e anniversaire de la région autonome du Tibet en septembre 1975 ? Et qu'il avait reçu un mois plus tôt le secrétaire d'État français aux PTT Aymar-Achille Fould ?
Nouvelle hiérarchie
Le 27 paraît en première page du Quotidien du peuple une grande photo qui précise la nouvelle hiérarchie. Aux meilleures places autour de Hua Kuo-feng, les têtes du clan maoïste pour l'instant vainqueur : l'épouse de Mao, Chiang Ching, et le triumvirat changhaien Wang Hong-wen, Chiang Chun-chiao et Yao Wen-yuan. Deux absents modérés : le vice-Premier ministre Li Hsien-nien, qui était pourtant réapparu le jour du limogeage de Teng après avoir disparu pendant trois mois, depuis la mort de Chou En-lai, et le vieux maréchal Yeh Chien-ying.