Le mercredi, avec Le point sur l'A2, Jacques Sallebert et Georges Leroy animent la soirée d'information. Le jeudi est réservé à la dramatique ; Bouvard en liberté, dont le producteur devient de plus en plus agressif, et Apostrophes, de Bernard Pivot, occupent la soirée du vendredi. Pierre Bellemare lance Pièces à conviction. Jean-Michel Desjeunes, Jean Lanzi (rentré de Tokyo) et Jean-Marie Cavada, qui fut responsable de Actuel 2, présentent le journal tandis que Robert Chapatte dirige le service des sports. Des séries étrangères (Kojak, Les brigades du Tigre) et des rediffusions (Les gens de Mogador) complètent un programme qui, en réalité, fait beaucoup appel à des recettes anciennes. De Brigitte Bardot (Au pied du mur) à Jean-Paul Sartre, en passant par Roger Couderc, Marcel Jullian fait avant tout la chasse à la personnalité.

L'orchestre rouge

L'orchestre rouge, feuilleton coproduit par la Bavaria, la RAI et l'ORTF, présenté sur la chaîne 2 en octobre 1974, déclenche de telles controverses que les Dossiers de l'écran lui consacrent un débat qui suscite bien des passions. Léopold Trepper y participe. Le dernier épisode de la série, jugé trop pronazi a été supprimé. Beaucoup s'étonnent que ni Gilles Perrault, auteur du livre L'orchestre rouge, ni Jacques Delarue, spécialiste français de l'histoire de la Gestapo, n'aient participé au débat.

FR3

Les mots clefs sont régionalisation, libre expression et cinéma. Le dernier des trois provoque d'ailleurs très vite des remous et une relance du conflit cinéma-télévision. L'observation des grilles de programme des trois sociétés met en évidence, pour 1975, la diffusion prévue de 548 films, soit 200 de plus qu'en 1972. Or, selon certaines estimations, le cinéma, qui comptait 346 millions de spectateurs en 1960, n'en avait plus que 195 millions en 1974. Si, en 1974, les trois chaînes de l'ORTF consacraient 30 millions de francs à l'achat de films du commerce, les trois nouvelles sociétés prévoient, pour ce faire, de dépenser 63 millions. Une des raisons de l'abondance des films est un souci évident d'économie. Une émission dramatique coûte toujours beaucoup plus cher que l'achat des droits de diffusion d'un film. Les téléspectateurs réclament toujours de plus en plus de films. C'est donc, au-delà de l'économie, une solution de facilité ; mais est-ce encore de la télévision ? La décision des directeurs des nouvelles sociétés de diffuser trois films le vendredi soir met le feu aux poudres. Gérard Oury, producteur de films à succès, déclare que cela fait diminuer de 40 % la fréquentation des salles. Devant les protestations du monde du spectacle unanime et des professionnels de l'industrie cinématographique, un accord est signé et les grilles sont modifiées. Seul le Ciné-club tardif est maintenu le vendredi. Mais la diffusion de Au théâtre ce soir sur TF1 n'est-elle pas aussi dangereuse pour les salles de cinéma ?

FR3, qui diffuse un film quatre soirées par semaine et cesse d'émettre le dimanche vers 21 heures, dispose d'une grille très réduite. Les grandes innovations résident dans la régionalisation du journal dirigé par Claude Lefèvre, l'importance accrue des cases réservées aux émissions régionales et la création, conformément à la loi, de Tribune libre, confiée à Jean-Pierre Alessandri, ancien coproducteur de À armes égales, où des familles de pensée peuvent, cinq jours sur sept, s'exprimer pendant quinze minutes : francs-maçons, baptistes, partis politiques, mouvements divers se succèdent au fil des jours. Pour le reste, les programmes sont constitués par des séries étrangères (Hawaii police d'État), un jeu (Altitude 10 000), des feuilletons français plus ou moins réussis (Jack, d'après Alphonse Daudet), Les grandes batailles du passé (la Marne), des transmissions théâtrales (L'effet Glapion, de Jacques Audiberti) ou lyriques, quelques émissions originales comme Des machines pour des artistes et une bonne série historico-judiciaire, Contre-enquête.

À bien considérer les programmes des nouvelles sociétés et les réactions du public, on comprend vite que, si l'on parle beaucoup de nouveautés, ce sont, à de rares exceptions près, les formules anciennes et les vieux routiers qui font recette (on ressort notamment La tête et les jambes). On ne parle finalement que d'économies.