Benjamin Britten a reçu le prix de la Fondation Ravel, Betzy Jolas (1926) le grand prix national de la Musique, Claude Prey (1925) le grand prix musical de la Ville de Paris, et Iannis Xenakis (1922) la médaille d'or Maurice-Ravel de la SACEM. Même les jurys évoluent : ils n'entendent plus décerner les traditionnels prix de consolation !

Le prix d'un enregistrement

L'enregistrement d'une œuvre symphonique d'effectif moyen et sans soliste revient à environ 100 000 F. En quelques mois, la matière première du disque longue durée (les résines thermoplastiques dérivées du pétrole) a augmenté de 40 % ; le papier des indispensables pochettes, de 30 % ; le carton des coffrets et des gros emballages, de 60 % ; à quoi il faut ajouter encore le bond des salaires, celui des tarifs d'expédition et, surtout, le taux exorbitant de TVA, qui, avec 33 %, reste de loin le plus élevé du monde (12 % en Italie, 11 % en Allemagne fédérale, 8 % en Grande-Bretagne, 4 % en Finlande). Le prix de vente du microsillon, lui, n'a augmenté que de 10 % en 1974 et, même si les ventes n'ont pas diminué, la plupart des maisons ont dû suspendre les productions de prestige, notamment toutes les collections de musique contemporaine.

Chansons

Une mutation qui ouvre la porte aux « marginaux »

Le secteur de la chanson est en pleine mutation.

Sur le plan des valeurs, le renversement auquel on assiste prend en partie son origine dans le fait que les jeunes générations qui conditionnent aujourd'hui un certain volume du marché de la chanson, du spectacle et du disque sont celles dont la sensibilité et les prises de conscience se sont trempées dans les vagues de la pop music et des grands débats de 68. Ce qui est vrai au plan du public l'est aussi au plan de la création, que celle-ci ait devancé ou suivi celui-là.

Quelques événements de la saison

Le spectacle et le disque d'Eddy Mitchell avec ses musiciens de Nashville.

Le spectacle de Jean Sommer : Attention à ce type-là.

Le zizi de Pierre Perret.

La carrière solitaire de Gérard Manset, mise à jour par le succès inattendu, en hit-parade, de Y'a une route.

L'ouverture au Nouveau Carré (rue Réaumur à Paris), tous les mardis soirs, des spectacles de Chanson au Carré.

Senorita de Christophe et son spectacle très coûteux de l'Olympia (40 millions anciens, avec piano à queue et Christophe soi-même tournant dans les airs).

Le succès de Devos au théâtre Hébertot.

La découverte de la diseuse France Léa.

L'éclatement de Coluche.

La disparition de Joséphine Baker, succédant de quelques semaines à celle de son parolier Géo Koger (J'ai deux amours) enfin celle de Mike Brant.

Structures

Malgré le conflit Snepa-radios (le Snepa est le syndicat des éditeurs de disques), l'influence des programmations de radio et de télévision reste immense sur le public. Pourtant, certains sondages impressionnent : 63 % de mécontents se font connaître au cours d'une émission de télévision sur les programmes de variétés ; 90 % d'auditeurs, au cours d'un forum de Christiane Collange sur Europe 1, déclarent préférer le genre Croisille au genre Sheila !

D'un autre côté, on assiste au développement extraordinaire des structures socioculturelles (émargeant aux budgets municipaux, nationaux ou industriels), discothèques municipales, comités d'entreprise, maisons de jeunes, centres de vacances, etc. Leurs préoccupations ne font pas passer au premier rang le critère de mode commerciale lorsqu'elles achètent des disques ou programment des chanteurs.

Mais il y a toujours une clientèle populaire prête à s'attendrir sur Frédéric François et sur Mireille Mathieu, et, surtout, il y a toujours un public enfantin (de 8 à 12 ans), naturellement malléable et facile, prêt à ne jurer que par Claude François (Le téléphone pleure), Sheila (Ne fais pas tanguer le bateau) ou Patrick Juvet (encore que ce dernier puisse prétendre parfois à des publics plus avancés).

Face à cet état de fait, les producteurs de disques sont amenés à une réflexion de prudence, encouragée par la crise de l'énergie et des matières premières (augmentation des coûts du papier carton, du vinyle et des salaires). Ils freinent sérieusement une production inflationniste. Le producteur cherche à s'adapter aux nouvelles tendances du marché, plutôt du 33 tours que du 45 tours, plutôt de la qualité que de la nouveauté, plutôt du long terme (chanteurs à personnalité) que du court terme (titres à succès rapide).

Marginaux

On voit alors un certain nombre de marginaux (du moins réputés tels par le métier parisien) signer dans les grandes firmes : Jacques Higelin chez Pathé Marconi, Jean Vasca chez RCA, Jean Sommer chez Philips, Yvan Dautin chez AZ, etc.