Toutefois, la politique de « rénovation » entreprise par le ministère des Affaires culturelles commence à porter ses fruits. Lyon, premier Opéra rénové, dont Louis Erlo a pris la direction en octobre 1969, a présenté une saison d'une qualité exceptionnelle, avec au programme notamment la Flûte enchantée de Mozart, the Rake's Progress de Stravinsky, Falstaff de Verdi, et les Oiseaux, d'Antoine Duhamel.

Le nombre des abonnés est passé de 600 en moyenne avant 1969 à plus de 7 000 en 1970-71. Chaque opéra est joué au minimum sept fois et de nombreuses séances d'information et d'animation dans les collectivités précèdent leur représentation.

L'Opéra de Rouen, dirigé par André Cabourg, se distingue par ses interprétations d'une haute qualité musicale, notamment dans le répertoire wagnérien. Une œuvre contemporaine a figuré au calendrier de cette saison, Ulysse, de Dallapicola, mise en scène par Michel Vitold.

À Nancy, Jean-Claude Riber tente une opération similaire à celle de Lyon, mais avec des moyens plus limités. L'Opéra qu'il dirige depuis un an compte près de 5 000 abonnés, contre 330 auparavant. Les ouvrages présentés cette saison étaient bien choisis : Salomé, Don Carlos, Siegfried, ainsi qu'une œuvre contemporaine, Intolleranza 71, de Luigi Nono.

L'an prochain, un nouvel Opéra figurera sur la carte des Théâtres lyriques français, l'Opéra du Rhin, exploité par un syndicat intercommunal réunissant Strasbourg, Colmar, Mulhouse, et dirigé par Pierre Barrat, animateur depuis 1968 du Théâtre musical d'Angers.

Un opéra modèle : Hambourg

« Carte de visite culturelle de la ville », selon Rolf Liebermann, qui le dirige depuis 1959, l'Opéra de Hambourg est l'un des plus réputés du monde. Avec une tradition de presque trois siècles, subventionné exclusivement par l'État de Hambourg, l'établissement est totalement indépendant.

– BUDGET : 20 millions de mark, soit 30 millions de francs, auxquels s'ajoutent quelques dons privés pour des représentations exceptionnelles (Opéra de Paris : plus de 44 millions de francs).

– RECETTES : 35 % (Paris, 15 %).

– PUBLIC : 20 000 abonnements annuels ; ils ne peuvent dépasser 60 % des places. Le théâtre est rempli en moyenne à 90 % (moins de 70 % à Paris, qui est le seul théâtre au monde à n'avoir pas d'abonnements).

– SAISON : du 15 août au 30 juin, avec 320 représentations annuelles (220 à Paris).

– RÉPERTOIRE : 60 opéras environ, avec chaque année huit mises en scène nouvelles et au minimum deux créations d'ouvrages contemporains commandés par Hambourg.

Cette année, création de Candide, mimodrame de Marcel Marceau, musique de Marius Constant, et de deux opéras de Willy Burkhard et M. Kagel — entre Jules César de Haendel, avec Joan Sutherland, et la Walkyrie, avec Birgitt Nilsson... (Ces dernières années, l'Opéra de Paris présentait dix à douze œuvres par an et aucune création.)

Claude Rostand, critique musical au Figaro littéraire, au Monde, producteur à l'ORTF, auteur de plusieurs ouvrages, est mort le 10 octobre 1970. Il collaborait depuis sa création au Journal de l'année.

Danse

Une saison morose

L'avenir de la danse en France semble compromis. Le palais Garnier fermé, les créations nouvelles deviennent impossibles. Seuls quelques danseurs se regroupent pour donner des séries de représentations sur des scènes parisiennes ; mais que restera-t-il des qualités acquises par le corps de ballet de l'Opéra ?

En octobre 1970, l'Opéra s'installe au grand complet au Palais des Sports. La soirée Stravinsky-Béjart est l'événement majeur de cette saison, avec l'Oiseau de feu réglé sur la suite d'orchestre. Béjart y utilise le style classique et c'est le triomphe du premier danseur Michaël Denard.

Au théâtre des Champs-Élysées, en janvier, l'Opéra donne une série de représentations de Coppélia, suivie des soirées des Étoiles où s'inscrivent les traditionnels pas de deux. Jean Guizerix impose son talent et sa forte personnalité aux côtés de Claire Motte dans le pas de la Péri ; la meilleure performance est réalisée par Noëlla Pontois et Cyril Atanasoff dans le pas de Fêtes des fleurs à Genzano. En mai, c'est la reprise, dans le même théâtre, des soirées Stravinsky.

École soviétique

Le VIIIe Festival international de danse de Paris au théâtre des Champs-Élysées connaît un succès mitigé. Il débute avec une compagnie japonaise : les jeunes danseuses du Tchaikovsky Mémorial Tokyo Ballet, parfaitement entraînées à la discipline classique de l'école soviétique, offrent une version impeccable des Sylphides. Un danseur à l'éblouissante technique, Hideteru Kitahara, triomphe avec ses spectaculaires tours en l'air.