Les émissions ayant une audience importante — les Musiciens du soir, le Théâtre lyrique, Musique en 33 tours — sont diffusées à des heures d'écoute favorables. Des opéras comme Eugène Oneguine ou Aïda, enregistrés à Vérone par la Radiodiffusion italienne, ont été vus par plus de 4 millions de spectateurs. Les autres émissions ont, en revanche, une faible écoute.
L'expérience musicale de la télévision est encore trop récente pour qu'il soit possible d'en faire le bilan. Mais il est certain qu'à la faveur des réalisations des deux dernières années la musique s'est imposée comme un sujet digne d'intérêt, pour l'Office et le public.
Œuvres contemporaines
Dans le domaine de la musique de chambre, les programmes des concerts commencent à être conçus d'une manière différente, à l'instar sans doute des programmes de festivals. De plus en plus de récitals sont consacrés à un seul auteur, et les auditions intégrales se multiplient. Citons deux très belles séries : la musique de chambre avec piano de Beethoven par le trio Isaac Stern (violon), Léonard Rose (violoncelle) et Eugène Istomin (piano), en automne dernier, et l'intégrale des œuvres pour orgue de J.-S. Bach, en l'église Saint-Séverin, par l'organiste Michel Chapuis.
Bien que l'audience en soit encore limitée, la musique contemporaine occupe aujourd'hui une place beaucoup plus grande dans les programmes de concert qu'il y a cinq à dix ans. La plupart des grands festivals, s'ils ne sont pas dédiés à un auteur ou à un genre musical particuliers, lui réservent plusieurs manifestations et demeurent les lieux d'élection des premières auditions. S'il est de bon ton d'afficher une œuvre du XXe siècle ou mieux une création mondiale, on doit cependant constater une évolution sensible chez les responsables des associations musicales qui tentent d'élargir leurs objectifs. Témoin le programme des Jeunesses musicales de France, qui, pour cette saison, comprend une vingtaine d'auteurs contemporains.
Révélations
En général, les œuvres les plus fréquemment exécutées appartiennent à un répertoire qui s'est constitué au cours des dernières années : Stockhausen, Xenakis, Ligeti, Boulez, Messiaen, une quinzaine de compositeurs à peu près. Quelques inconnus émergent parfois. En juillet, le Festival d'Avignon a notamment révélé un compositeur français de quarante-six ans, Claude Ballif, dont le quatuor Bernède a interprété le 3e Quatuor à cordes ; trois mois plus tard, lors du Festival estival de Paris, Charles Ravier, à la tête d'un groupe instrumental et de l'ensemble polyphonique de l'ORTF, a créé ses Quatre Antiennes à la Sainte Vierge ; enfin ont suivi plusieurs émissions, dont l'une télévisée, et la publication de deux disques. Pareille campagne est rare en musique classique, du moins pour les compositeurs.
L'actualité de la production contemporaine est insaisissable dans des courants définis, toutes les formes s'interpénétrant, de l'écriture instrumentale rigoureuse à la représentation théâtrale. En suivant cette orientation fluctuante, on peut noter parmi les créations quelques œuvres qui ont eu un certain retentissement.
En juillet, au Festival d'Aix, Mstislav Rostropovitch interprète un concerto pour violoncelle composé à sa demande par Henri Dutilleux. L'œuvre, inspirée des Fleurs du mal, d'où est extrait son titre (Tout un monde lointain...), est accueillie avec enthousiasme, et l'orchestre de Paris, que dirige Serge Baudo, doit la bisser intégralement.
D'un tout autre langage, les œuvres présentées au Festival de Donaueschingen, en octobre, réaffirment quelques grands thèmes de la composition musicale : traitement de grandes masses sonores (dont le free jazz a su tirer partie) dans Globe Unity 70 de A. von Schlippenbach ; mise en pièce des chefs-d'œuvre, radicale dans le film de Kagel, Ludwig van, plus nuancée dans Heterogeneo de Luis de Pablo ; recherche d'une synthèse entre l'œuvre fixe et la création instantanée dans Mantra, pour deux pianistes, de K. Stockhausen, qui ajoute à l'exécution d'une partition notée une partie libre composée des sons du piano manipulés au moyen d'appareils électroniques par les interprètes eux-mêmes.