C'est donc humblement qu'il faut saluer, en ces temps de haute technologie, la naissance du cocotier-éprouvette. Car le procédé n'est pas neuf : de la fraise à l'hévéa, en passant par le palmier à huile ou le bananier, la reproduction in vitro permet désormais d'obtenir à un rythme accéléré bon nombre de plantes cultivées de haut rendement. Mais le cocotier, jusqu'alors, résistait à toute technique de clônage.

Des chercheurs français du CIRAD et de l'ORSTOM viennent de lever l'obstacle. Et d'ouvrir ainsi, à terme, de nouvelles et encourageantes perspectives aux pays producteurs d'huile de copra.

Catherine Vincent

Physique et chimie

L'école supérieure de physique et de chimie industrielles de la Ville de Paris n'est pas une école comme les autres. Depuis que Marie Curie y a isolé le radium dans un hangar aménagé de bric et de broc, elle est restée le lieu des grandes découvertes faites dans des conditions précaires. Dotée de moyens modestes, elle a en effet donné cinq prix Nobel à la France, dont son actuel directeur, Pierre-Gilles de Gennes (59 ans), qui a été couronné en octobre dernier.

Le communiqué de Stockholm n'était pas d'une clarté exemplaire, et pour cause. M. de Gennes, que le jury Nobel a comparé à Isaac Newton, et qui se verrait mieux dans la peau d'Indiana Jones, a abordé tant de sujets de recherche qu'il n'est pas facile d'en saisir le fil conducteur. Cet incorrigible touche-à-tout est passé des supraconducteurs aux cristaux liquides, et des adhésifs aux membranes biologiques, explorant ainsi le vaste domaine de la « matière molle ».

Le triomphe de la matière molle

À mi-chemin entre la physique et la chimie, les « colloïdes », ou systèmes moléculaires partiellement ordonnés, sont longtemps restés inaccessibles aux chercheurs. Trop complexes, car constitués de milliards de molécules en interaction, et trop « sensibles », puisqu'ils changent radicalement de comportement à la moindre variation des conditions extérieures : les cristaux liquides des afficheurs de montres et de calculettes répondent à d'infimes champs électriques et certains gels, liquides, se solidifient au moindre choc.

Ces milieux moléculaires auto-organisés sont d'une diversité surprenante. Les molécules des cristaux liquides peuvent se structurer en couches ou en tubes ; celles des alliages de polymères, les « plastiques du futur », en sphérules ou en étoiles, et à chacune de ces structures correspondent des propriétés mécaniques ou électriques particulières. Le grand apport de Pierre-Gilles de Gennes a été de montrer que, là où les lois de la physique statistique déclaraient forfait, des concepts qualitatifs et intuitifs permettaient cependant de résoudre des problèmes concrets. Il a, par exemple, introduit l'idée de la « reptation », selon laquelle chaque molécule d'un polymère serpente dans une sorte de tube défini par ses voisines, tube qui se déforme lentement et dont les dimensions sont précisément calculables. La reptation permet de lier le comportement d'un polymère à la nature de ses molécules et de résoudre nombre de problèmes industriels.

L'originalité de cette recherche tient à ce que ses objets d'étude sont presque tous en vente dans les supermarchés. Plastiques, colles et peintures sont des matières molles d'usage courant qui ont toutes bénéficié de ces nouveaux concepts. La dispersion dans une peinture de microbilles de latex s'auto-organisant spontanément en un cristal « mou » fondant sous de très faibles contraintes, a ainsi mené aux « peintures qui ne coulent pas ». Solides au repos, elles deviennent liquides dès qu'elles sont soumises au cisaillement du pinceau.

Les « supercolles », quant à elles, gardent bien des mystères, mais les spécialistes de la matière molle ont compris pourquoi les colles polymères adhéraient mieux que les colles dures, qui forment un réseau de type cristallin. Alors qu'il suffit de casser quelques liaisons chimiques pour briser un cristal, il faut en casser des milliers pour venir à bout d'un polymère, car l'énergie de liaison est stockée tout au long des molécules.