Il existe des canaux distincts suivant les cellules et les espèces ioniques : ionophores au sodium (nombreux le long des cellules nerveuses), au potassium, au calcium, au chlore. Leur état d'ouverture est commandé par le champ électrique traversant la membrane et/ou par la fixation de médiateurs chimiques sur une molécule réceptrice accouplée au canal. Le passage des ions au travers de la membrane cellulaire par les canaux ioniques modifie les propriétés des cellules, entraînant une contraction ou une dilatation, une excitation ou une inhibition.

Le mérite des lauréats du Nobel est d'avoir mis au point une technique extrêmement fine permettant d'étudier un par un les différents canaux ioniques et d'enregistrer l'activité électrique de la cellule consécutive aux changements du milieu intracellulaire. Ces travaux d'électrophysiologie fondamentale, qui donnent la possibilité d'étudier les propriétés et la régulation d'un seul canal pris individuellement et de mettre en évidence les substances qui influent sur son fonctionnement (par exemple, un antibiotique tel que la gramicidine commande l'ouverture des canaux à sodium et à potassium), ont dès maintenant des applications cliniques. Ils permettent de mieux comprendre certains mécanismes pathologiques (la mucoviscidose serait liée à un mauvais fonctionnement des canaux au chlore) et d'expliquer l'action de certains médicaments spécifiques.

Les médicaments inhibiteurs calciques, largement utilisés en cardiologie dans la prévention des crises d'angine de poitrine et d'hypertension artérielle, agissent sur les canaux à calcium dont ils assurent la fermeture, empêchant la diffusion des ions calcium dans les cellules du muscle cardiaque et de la musculature lisse vasculaire. Les médicaments anxiolytiques agissent par l'intermédiaire des canaux au chlore dont ils commandent l'ouverture, diminuant ainsi l'excitation des cellules du tissu nerveux. Les médicaments antidiabétiques agissent sur les canaux à potassium des cellules du pancréas, stimulant la libération d'insuline. Il est vraisemblable que de nouveaux médicaments spécifiques pourront être mis au point grâce à ces travaux.

L'actualité du Sida

La VIIe Conférence internationale sur le Sida a eu lieu à Florence du 16 au 21 juin 1991. Par rapport aux conférences précédentes (San Francisco 1990, Montréal 1989, Stockholm 1988), elle a suscité moins d'intérêt, le nombre des participants étant en net recul, surtout à cause de la faible participation des Américains (qui étaient 2 500 contre 7 400 à San Francisco).

Aucune communication d'importance majeure n'a été enregistrée, les intervenants traitant surtout de sujets ponctuels. On doit retenir cependant, sous toutes réserves, la communication de William Haseltine sur le rôle possible de la salive dans la transmission de la maladie. Haseltine et ses collaborateurs ont montré que certaines cellules dites « dendritiques », nombreuses à la surface des muqueuses anale, génitales et aussi buccale, sont très sensibles à l'infection par le virus VIH, et qu'une fois infectées elles sécrètent le virus en grande quantité. Alors qu'il est communément admis que la salive seule (en dehors de toute suffusion hémorragique) ne peut transmettre le virus, les travaux de Haseltine sur les cellules dendritiques de la muqueuse buccale remettent en question, du moins en théorie, cette innocuité. Pour leur auteur, le risque de contamination par la salive, quoique faible, ne doit pas être totalement exclu.

En 1986, Luc Montagnier et son équipe de l'Institut Pasteur isolaient et identifiaient un deuxième type de virus VIH, le virus VIH2, responsable du Sida en Afrique de l'Ouest, le premier type – VIH1 – étant présent dans le reste du monde. Les États-Unis semblaient épargnés par ce virus. Or 27 cas de contamination par le VIH2 y ont été récemment observés. Aussi, le dépistage systématique de ce deuxième virus pour les donneurs de sang (déjà obligatoire en France) vient-il d'y être recommandé.

Dr Georges de Corganoff

Biologie

L'année aura mal commencé pour ces grenouilles japonaises, embarquées en décembre 1990 à bord de la station soviétique Mir. Après plusieurs jours en orbite, leurs cœurs et cerveaux, momifiés dans le formol, auront passé le Nouvel An... à l'aéroport de Roissy. Destination : le laboratoire d'endocrinologie de Rouen, où les chercheurs traquent une hormone vitale pour la régulation de la tension artérielle. Ce FNA (facteur natriurétique auriculaire) étant identique chez l'homme et chez la grenouille, les batraciens ont été, tout bonnement, mis à contribution pour étudier certaines des modifications que subit le système cardiovasculaire des astronautes en apesanteur...

Décrypter Lincoln !

Retour sur Terre, ou le projet « Génome humain », qui prévoit de décrypter dans la décennie à venir l'intégralité du patrimoine héréditaire de notre espèce, devient plus que jamais le programme Apollo de la biologie. En août dernier, plus de 700 chercheurs se sont ainsi retrouvés à Londres pour y dresser, le temps d'une réunion de travail, la carte de nos 22 chromosomes. Un projet gigantesque auquel les États-Unis ont consacré 130 millions de dollars (près de 800 millions de francs) en 1991, et pour lequel M. Hubert Curien, ministre français de la Recherche et de la Technologie, prévoyait en octobre 1990 une augmentation de dépenses de 100 millions de francs d'ici à 1992.