L'instabilité des marchés des changes provoque aussi quelques tensions au sein du Système monétaire européen, particulièrement entre la RFA, qui souhaite une réévaluation de sa monnaie, et la France, qui s'y refuse et a momentanément obtenu satisfaction, tandis que Margaret Thatcher, qui repousse toujours l'entrée de la livre dans le SME, n'arrive plus à empêcher la dégringolade de sa monnaie en dépit du doublement de ses taux d'intérêt, qui ont maintenant atteint 15 %.

Les remous monétaires s'expliquent encore par l'importance de la spéculation qui gonfle artificiellement les transactions sans aucun rapport avec l'économie réelle (les flux spéculatifs seraient 34 fois plus élevés que les transactions commerciales). Ces opérations purement spéculatives, largement favorisées par le crédit, sont tout aussi impressionnantes sur les marchés financiers et permettent aux indices de grimper et de franchir de nouveaux records historiques sur un grand nombre de places financières. Ainsi, par exemple, les « junk bonds » ou obligations pourries (obligations à fort rendement mais très risquées), permettent le lancement d'OPA « sauvages » qui consistent à emprunter pour acheter une entreprise puis à la revendre par petits morceaux pour faire des profits, et rembourser.

Ce système se révèle bien sûr d'une grande fragilité et, après le mini-krach du 13 octobre, rappelle qu'une crise financière est toujours possible. L'agitation autour de la sphère financière ravive les menaces qui pèsent sur l'économie mondiale et montre les dangers d'un certain libéralisme qui s'accompagne de spéculations (monétaires et boursières, mais aussi immobilières et sur les œuvres d'art), de corruption, de profits « illégaux » (par exemple, le blanchiment de l'argent de la drogue) et de scandales politico-financiers.

Le problème des limites du système se pose alors et les milieux économiques et politiques prennent conscience de la nécessité de s'attaquer aux abus. Ainsi, la France, après une série de scandales de délits d'initiés, a décidé la « moralisation » de la vie financière en renforçant les pouvoirs de la COB. De même, l'éthique des affaires est un thème de plus en plus souvent abordé. Enfin, l'irruption de l'écologie, qui dénonce les menaces pesant sur l'environnement, n'est pas sans rapport avec les excès des sociétés industrielles (nuisances, déchets toxiques...) et assigne en quelque sorte une limite matérielle au productivisme à outrance. La décennie 1980 a vu la victoire du libéralisme économique. Que réserve la décennie 1990 ?

Dominique Colson

CEE

La progression vers la mise en place du grand marché unique a été difficile : dans un contexte économique moins favorable, les Douze ont tardé à prendre les décisions touchant directement leur souveraineté économique. Si la croissance a atteint 3,25 % et si le chômage a diminué (en août, il touchait 9,2 % des actifs, contre 10,1 % un an plus tôt), l'inflation (5 %) redevenait préoccupante.

Les divergences entre les performances des uns et des autres ont été importantes : le Royaume-Uni, l'Espagne, le Portugal et la Grèce ont connu une hausse des prix supérieure à la moyenne et un large déficit de leurs comptes extérieurs courants.

Le 17 avril, le comité présidé par Jacques Delors a remis son rapport sur les moyens de parvenir à l'union économique et monétaire. Sans fixer de date finale, le texte propose trois étapes à partir de juillet 1990 : après le renforcement des mécanismes de coopération entre les Douze, une fédération des banques centrales européennes prendrait la plupart des décisions monétaires, puis le respect d'un taux de change fixé définitivement entre les devises faciliterait l'émergence d'une monnaie commune. Pour effectuer les inévitables transferts de compétences impliqués dans l'entreprise, « le Comité Delors » a préconisé la signature d'un nouveau traité liant les pays de la CEE. Le Royaume-Uni s'est opposé à ce nouvel abandon consenti de souveraineté. Le 19 juin, en revanche, l'Espagne a décidé d'introduire la peseta dans le système monétaire européen (SME) ; la livre britannique, la drachme grecque et l'escudo portugais restent maintenant les seuls en dehors de ce cadre. Auparavant, le 9 juin, les ministres de l'Environnement des Douze avaient adopté des normes antipollution plus sévères pour les petites voitures. Cette nouvelle réglementation doit entrer en vigueur en 1992.